La semaine dernière, le géant américain de la vente en ligne Amazon a annoncé la fermeture de ses sept installations situées au Québec, y compris les entrepôts de Laval (dont DXT4) et le centre de livraison de Montréal.
D’ici deux mois, Amazon éliminera les emplois de 1.700 employés permanents et de 250 employés temporaires. Si on ajoute les personnes qui seront licenciées chez des sous-traitants qui effectuaient la livraison, c’est près de 3.500 travailleurs qui perdront leur gagne-pain.
Amazon – propriété du centimilliardaire Jeff Bezos qui a fait fortune grâce à l'exploitation brutale de ses plus de 1,5 million d'employés à travers le monde – a décidé de tout fermer au Québec après avoir subi des revers légaux dans ses efforts pour bloquer la syndicalisation de ses employés de la province.
En mai dernier, le Tribunal administratif du travail (TAT) avait rejeté la contestation par Amazon de l’accréditation syndicale de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) à son entrepôt de Laval – ce qui mettait en branle le processus de négociations pour une première convention collective.
Puis en août, le TAT avait collé une amende de $30.000 à l’entreprise pour interférence dans des efforts de syndicalisation à son entrepôt de Lachine, y compris la tenue d’une réunion au cours de laquelle des gestionnaires ont cherché à intimider des travailleurs pour qu’ils refusent de se syndiquer. Le Globe and Mail a rapporté avoir obtenu des photos montrant des affiches posées par Amazon dans les toilettes avec le message que les syndicats «ne peuvent rien changer sur les lieux de travail» et qu’ils «prennent des cotisations».
Entre-temps, les négociations à l’entrepôt de Laval étaient restées au point mort: alors que la partie syndicale réclamait une augmentation salariale de 30% (de $20 à $26 l’heure), Amazon offrait 0%. «On ne pouvait s’entendre sur rien, pas même sur la définition des termes, sans parler des salaires», a expliqué la présidente de la CSN, Caroline Senneville.
Le syndicat avait pris la décision plus tôt ce mois-ci de faire appel au ministre du Travail, écrivant sur son site internet qu’il «était sur le point de déposer une demande d’arbitrage de convention collective, une disposition prévue au Code du travail du Québec».
La réponse d’Amazon – fermeture totale et destruction massive d’emplois – est une déclaration de guerre aux travailleurs, non seulement au Canada, mais partout dans le monde.
Amazon a indiqué que les fermetures signifiaient un retour à «un modèle de distribution par des tiers», c’est-à-dire le recours à des livreurs considérés comme des «sous-traitants» sans lien d’emploi, donc sans aucuns avantages sociaux ni protection face aux entreprises, le tout afin d'augmenter les profits.
Ce mastodonte de 2.000 milliards de dollars applique le principe dictatorial de l'oligarchie: tout effort des travailleurs pour résister à leurs conditions de surexploitation sera traitée de façon impitoyable.
Les travailleurs d’Amazon au Québec, dont les emplois sont maintenant sous le couperet, font face aux mêmes horribles conditions de travail que la compagnie impose partout – y compris la robotique industrielle et des systèmes de suivi invasifs pour surveiller les travailleurs et les forcer à «atteindre les quotas».
Et pour maintenir ce régime de sauvage exploitation, Amazon n’hésitera pas à passer outre les mécanismes utilisés jusqu’ici par la grande entreprise pour imposer son diktat – des syndicats dociles, des lois favorables aux compagnies et des arbitres qui penchent lourdement du côté patronal.
Ce n’est pas un hasard si Amazon a annoncé son massacre des emplois au Québec quelques jours après l'investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, cérémonie à laquelle ont participé Bezos, Elon Musk et d’autres multimilliardaires pour signaler leur plein appui à Trump et à son programme de contre-révolution sociale.
L’arrivée de ce fasciste à la Maison-Blanche pour un second mandat signifie le réalignement brutal du système politique américain pour correspondre à la nature oligarchique de la société américaine – une société capitaliste dans laquelle les trois personnes les plus riches, dont Bezos, possèdent collectivement plus de richesses que les 50% les plus pauvres de la population réunis.
Les politiques ultra-réactionnaires de Trump – déportations massives d’immigrants, annulation par décret des droits constitutionnels, hausse drastique des tarifs douaniers, menaces d’invasion militaire du Groenland et du canal de Panama et d’annexion du Canada – servent d’accélérant à un violent virage vers la droite des classes dirigeantes partout à travers le monde.
Un exemple frappant est fourni par la réponse du Premier ministre du Québec, François Legault, lui-même multimillionnaire et ancien PDG d'Air Transat, à l’annonce des fermetures de Amazon dans la province.
Legault a initialement ignoré les questions des journalistes au sujet d’Amazon, faisant plutôt des blagues arrogantes au sujet du hockey et du jus d’orange (une référence à la guerre commerciale imminente entre le Canada et les États-Unis). Critiqué, Legault a fait mine de s’excuser tout en déclarant que l’élimination par Amazon de près 3.500 emplois était simplement «une décision d’affaires d’une compagnie privée».
C’est ce même Legault qui a accueilli le mois dernier le recours du gouvernement fédéral de Justin Trudeau à un article du Code du travail canadien pour briser une grève des postiers, en rêvant tout haut sur les bienfaits d’introduire dans la loi provinciale québécoise des pouvoirs similaires pour criminaliser les grèves.
Quant aux syndicats, ils ne lèveront pas le petit doigt pour défendre les travailleurs. La CSN a publié un communiqué dans lequel elle «dénonce vivement» les fermetures, mais où la seule mesure concrète annoncée est une contestation de la décision d’Amazon devant le TAT, une institution propatronale qui n’a aucun pouvoir sur la décision d’Amazon.
Tout comme les autres syndicats, sa stratégie nationaliste s'est avérée complètement impotente devant la mondialisation de la production et l'apparition de sociétés transnationales comme Amazon, qui peut déplacer ses entrepôts et remanier ses chaînes d'approvisionnement dans les 50 pays où elle est présente afin d’affaiblir les travailleurs en les dressant les uns contre les autres.
La réponse des syndicats à la mondialisation capitaliste a été de s’intégrer entièrement à la direction des entreprises et à l’État en répudiant ce qui pouvait rester de leur association passée avec les luttes des travailleurs pour de meilleures conditions de travail.
Les chefs syndicaux, y compris ceux de la CSN, jouissent de relations cordiales avec le patronat et les gouvernements qui leur assurent de nombreux privilèges financiers. Pour ces appareils bureaucratiques, la syndicalisation de nouvelles sections de travailleurs, comme ceux d’Amazon, est une source additionnelle de cotisations et un moyen d’offrir leurs services en tant que police de la grande entreprise sur les lieux de travail.
C’est précisément pour offrir ses services à la classe dirigeante que la CSN voulait faire appel au gouvernement ultra-droitier et férocement anti-ouvrier de François Legault pour aller en arbitrage. C’est un mécanisme largement biaisé en faveur des entreprises qui sert à maintenir la fiction que les travailleurs peuvent défendre leurs intérêts au moyen de «négociations collectives».
Les syndicats rejettent la seule stratégie viable pour les travailleurs, celle basée sur la lutte de classe. Ils sont viscéralement opposés à ce que les travailleurs d’Amazon au Québec lancent un appel à leurs véritables alliés de classe: les travailleurs à travers le Canada, comme les 55.000 postiers qui ont mené une grève militante il y a un mois, ou les centaines de milliers d’employés d’Amazon en Amérique du Nord et à l’international.
Face aux fermetures annoncées, les travailleurs d’Amazon au Québec doivent former leur propre comité de la base, complètement indépendant des appareils syndicaux. Ce comité aura pour tâche de prendre contact avec les travailleurs d’Amazon à travers le monde, et les travailleurs du secteur de la logistique comme ceux des postes ou de Purolator, afin de mener une véritable lutte pour préserver les emplois et les conditions de travail de tous.
Comme nous l'écrivions dans un article intitulé Les grèves à Amazon et Starbucks aux États-Unis présagent une intensification des conflits de classe en 2025:
La lutte contre ces entreprises et la classe dirigeante dans son ensemble nécessite la mobilisation de la force collective de l'ensemble de la classe ouvrière. L'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) se bat pour mettre en place une contre-offensive de la base par la création de comités sur chaque lieu de travail.
Ces comités doivent organiser les actions nécessaires pour abolir le système de «quotas» chez Amazon, mettre fin à la précarisation du travail et garantir des salaires décents à tous les travailleurs. Grâce à l'IWA-RFC, les travailleurs établiront des lignes de communication directes et coordonneront leurs luttes au-delà des frontières nationales. Ces comités lutteront pour le pouvoir des travailleurs contre les attaques patronales et les trahisons des chefs syndicaux.
Une telle mobilisation doit être associée à une lutte politique contre le système capitaliste, afin de briser l’emprise de géants comme Amazon sur la société et exproprier les fortunes mal acquises des Bezos, Elon Musk et cie, dans le cadre d’une profonde transformation de l’économie mondiale pour satisfaire les besoins sociaux.