Droits de douane de 25 % contre le Canada et le Mexique imposés par Trump en vigueur dès mardi

Camions en attente de traverser la frontière américaine au poste frontalier de Peace Bridge, le jeudi 27 février 2025 [AP Photo/Lauren Petracca]

Depuis le bureau ovale lundi après-midi, le président américain Donald Trump a promis que ses tarifs douaniers punitifs à l’encontre du Canada et du Mexique – les deux principaux partenaires commerciaux des États-Unis – entreraient en vigueur mardi matin comme il l’avait menacé.

Toutes les importations en provenance du Mexique seront soumises à des droits de douane de 25 %, de même que tous les produits en provenance du Canada, à l’exception du pétrole, du gaz naturel, de l’électricité et d’autres formes d’énergie. Ces derniers seront soumis à des droits de douane moins élevés, mais tout de même considérables, de 10 %.

« Les droits de douane, vous savez, sont prêts », a annoncé Trump.

Interrogé sur la possibilité que leur mise en œuvre soit retardée à la suite de négociations de dernière minute, Trump a insisté sur le fait que les droits de douane seraient appliqués comme prévu : « Il n’y a plus d’espace de manœuvre pour le Mexique ou le Canada. Ils entreront en vigueur demain. »

Les droits de douane de Trump vont ébranler l’économie nord-américaine, et les travailleurs des trois pays en subiront les conséquences sous la forme de licenciements collectifs et de hausses de prix brutales.

Le Canada et le Mexique ont promis de riposter en imposant leurs propres droits de douane, ce qui laisse présager une escalade de la guerre commerciale. Le Canada est le plus grand marché d’exportation des États-Unis, et le Mexique est également un marché américain important, en particulier pour les produits agricoles.

Le premier ministre de l’Ontario, la province la plus peuplée et la plus industrialisée du Canada, lui-même jusqu’à récemment partisan de Trump, a menacé mardi de couper les exportations d’électricité vers les États-Unis, ce qui provoquerait probablement des pannes d’électricité et des coupures de courant dans le Michigan, le Minnesota et l’État de New York. « S’ils veulent essayer d’anéantir l’Ontario, s’est exclamé Doug Ford, je ferai n’importe quoi, y compris leur couper l’énergie – avec le sourire. Il faut qu’ils ressentent la douleur. »

Même si Ford ne fait que bluffer, il est difficile d’exagérer l’impact perturbateur d’une guerre commerciale nord-américaine, surtout pour les travailleurs.

Trump et ses acolytes mentent sans relâche sur le fonctionnement des droits de douane, de manière à prétendre que leur coût sera supporté par les exportateurs étrangers. En réalité, c’est l’entreprise importatrice basée aux États-Unis qui devra s’acquitter d’une taxe de 25 % sur le coût des produits canadiens ou mexicains qu’elle achète. Pour maintenir ses marges bénéficiaires, l’importateur réagira soit en répercutant la taxe de 25 % sur le consommateur, soit en annulant purement et simplement la commande.

L’impact négatif des droits de douane sera amplifié en raison du caractère hautement intégré de la production nord-américaine, de nombreuses industries dépendant de chaînes de production continentales. Cela est particulièrement vrai dans l’industrie automobile, où un composant de voiture ou de camion peut traverser la frontière canado-américaine ou mexico-américaine plusieurs fois – chaque passage étant soumis à des droits de douane de 25 % – avant d’être finalement assemblé en un véhicule fini dans l’un des trois pays.

Les représentants des fabricants canadiens d’automobiles et de pièces détachées ont prévenu qu’une grande partie de l’industrie pourrait fermer en quelques jours à la suite de l’imposition de droits de douane de 25 %, et des mises en garde similaires ont été émises par le Mexique.

La perturbation des chaînes de production entraînera rapidement des réductions de production et des licenciements aux États-Unis et, si les droits de douane sont maintenus pendant une longue période, ils entraîneront des augmentations du prix des véhicules qui se chiffreront en milliers de dollars.

S’exprimant le mois dernier sur les menaces tarifaires de Trump, le PDG de Ford, Jim Farley, s’est plaint : « Ce que nous voyons, c’est beaucoup de coûts et beaucoup de chaos ».

Les droits de douane risquent également d’entraîner une hausse des prix de l’essence qui pourrait se répercuter sur l’ensemble de l’économie américaine. En effet, les importations de pétrole brut en provenance du Canada, qui seront soumises à partir de mardi à des droits de douane ou à des taxes de 10 %, représentent plus de 20 % de la consommation quotidienne de pétrole aux États-Unis.

Trump tente de justifier légalement l’imposition de droits de douane à ses partenaires supposés de l’Accord commercial Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) en invoquant des raisons de « sécurité nationale », et plus précisément en affirmant que les États-Unis seraient « envahis » par des migrants et du fentanyl en provenance du Canada et du Mexique.

C’est là un subterfuge réactionnaire. Au cours des dernières semaines, Ottawa et Mexico ont tous deux déployé des forces de sécurité à leurs frontières respectives avec les États-Unis, apportant ainsi un soutien matériel et donnant une légitimité politique à l’ignoble chasse aux sorcières anti-immigrés de l’administration Trump. Mais tout cela en vain.

La première salve de la guerre commerciale mondiale

L’abrogation effective par Trump de l’ACEUM, un accord qu’il a lui-même négocié lors de son premier mandat, n’est que la première salve de la guerre commerciale mondiale ayant comme principaux objectifs la Chine et l’Union européenne (UE).

Par ailleurs, cette guerre commerciale n’est elle-même que l’un des fronts dans la ruée de toutes les puissances impérialistes, les États-Unis en tête, pour prendre le contrôle de tous les marchés, les ressources naturelles, les réseaux de production et les territoires stratégiques au moyen de mesures de guerre commerciale, de la coercition étatique et de la guerre.

Dès mardi également, Washington va prélever des droits de douane supplémentaires de 10 % sur toutes les importations en provenance de Chine, la deuxième économie mondiale et, du point de vue des stratèges de l’impérialisme américain, sa plus grande menace. Cette mesure vient s’ajouter aux droits de douane de 10 % que Trump impose déjà sur les produits chinois depuis le 4 février, ainsi qu’à un vaste éventail de droits de douane frappant les importations chinoises et divers embargos sur l’exportation vers la Chine de produits américains de haute technologie qui ont été imposés sous l’administration Biden et la première administration Trump.

Trump et ses collaborateurs ont annoncé qu’ils prévoyaient également d’imposer une série d’autres droits de douane à l’échelle du monde entier dans les semaines à venir, avec notamment des droits de douane de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium à compter du 11 mars ; des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance de l’UE ; et des droits de douane de 25 % sur les automobiles et les produits pharmaceutiques. Washington a également annoncé qu’il imposerait bientôt des « droits de douane réciproques » à tout pays qui mettrait en œuvre des politiques nationales, y compris des régimes fiscaux et des entreprises publiques, jugées contraires aux intérêts des entreprises américaines.

L’Union européenne s’est engagée à réagir de la même façon à toute mesure commerciale prise par Washington à son encontre, alors même qu’elle a annoncé son intention de se réarmer massivement afin de pouvoir poursuivre ses propres objectifs impérialistes prédateurs, y compris dans la guerre contre la Russie, indépendamment des États-Unis et, si nécessaire, en opposition à eux.

L’un des principaux objectifs de la guerre commerciale « America First » de Trump est le « reshoring », c’est-à-dire relocaliser les chaînes de production et reconstruire la production militaro-industrielle de l’impérialisme américain.

Comme dans les années 1930, la guerre commerciale menace de devenir l’antichambre de la guerre impérialiste mondiale.

La volonté de Trump d’établir le contrôle de l’impérialisme américain sur son voisinage

Loin d’être un signe de force, les actions de Trump sont une tentative désespérée d’inverser le déclin accéléré de la puissance mondiale du capitalisme américain en menant une contre-révolution sociale à l’intérieur du pays et une agression impérialiste à l’étranger, dans le cadre d’un blitzkrieg de type « choc et effroi ».

Un élément clé de cette stratégie est l’établissement d’une domination impérialiste américaine débridée dans le voisinage des États-Unis, afin de préparer la guerre avec la Chine.

Trump cherche à exploiter la vulnérabilité de ses voisins – des pays qui envoient tous deux quelque 80 % de leurs exportations totales aux États-Unis – afin de leur extorquer une liste de concessions étendue et encore peu dévoilée en matière d’investissements, d’accès à l’énergie et aux minéraux essentiels, de politique étrangère et, dans le cas du Canada, de dépenses militaires. Il cherche notamment à contraindre le Canada à entrer dans une union économique avec les États-Unis et, à terme, à le transformer en 51e État américain.

S’exprimant en toute confiance le mois dernier lors d’un sommet corporatiste réunissant dirigeants d’entreprises et syndicaux, le premier ministre canadien Trudeau a déclaré que la menace de Trump d’utiliser la « force économique » pour annexer le Canada « est une réalité », ajoutant que le président américain pensait que le moyen le moins coûteux de sécuriser le trésor de minéraux critiques du Canada était d’absorber le pays.

L’impérialisme canadien s’est longtemps enorgueilli d’être le plus proche allié de Washington et est lui-même un protagoniste de la lutte inter-impérialiste visant à rediviser le monde. En tant que tel, il a joué un rôle important dans le déclenchement, puis la poursuite de la guerre de l’OTAN contre la Russie et ne cesse de s’intégrer de plus en plus étroitement dans l’offensive économique et militaro-stratégique de Washington contre la Chine.

Mais aujourd’hui, à sa grande consternation, le prédateur se voit transformer en proie, tandis que Trump déclare son ambition d’annexer le Canada, parallèlement à ses menaces d’utiliser la force militaire pour s’emparer du Groenland et « reprendre » le canal de Panama.

Pour la lutte des classes et non la guerre tarifaire

Les travailleurs des États-Unis, du Canada et du Mexique doivent s’opposer catégoriquement à toute tentative visant à les entraîner derrière leurs classes dirigeantes et leurs gouvernements respectifs dans la guerre commerciale qui s’intensifie.

Alors même que la classe dirigeante canadienne clame son opposition à Trump, elle s’engage néanmoins à renforcer l’alliance militaro-sécuritaire réactionnaire entre le Canada et les États-Unis et à supporter une plus grande part du « fardeau » dans le but de garantir l’hégémonie mondiale de l’impérialisme américain. Ainsi, le même premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, qui menace de plonger les quartiers ouvriers de Detroit dans l’obscurité, appelle à la création d’une « forteresse Am-Can » pour faire face au véritable « ennemi » qu’est la Chine selon lui.

En outre, derrière les appels incessants à l’« unité nationale » et l’agitation du drapeau canadien, la classe dirigeante s’empresse d’adopter les politiques sociales de Trump, exigeant des réductions massives d’impôts sur les sociétés, l’élimination des réglementations environnementales et le saccage des services publics, ainsi que des hausses des dépenses militaires.

En réalité, les travailleurs canadiens ne peuvent s’opposer à Trump et à tout ce qu’il représente – l’oligarchie, la dictature et la destruction des droits sociaux et démocratiques des travailleurs – qu’en intensifiant la lutte des classes et en s’unissant à leurs frères et sœurs de classe aux États-Unis et au Mexique.

Le plus grand obstacle à l’unité de combat de la classe ouvrière est constitué par les bureaucraties syndicales nationalistes et pro-capitalistes. Les syndicats canadiens et américains se sont ralliés à leurs classes dirigeantes respectives. Le président du syndicat des travailleurs de l’automobile aux États-Unis, le United Auto Workers (UAW), Shawn Fain, a réagi au premier décret de Trump imposant des droits de douane de 25 % en déclarant : « L’UAW soutient une action tarifaire agressive pour protéger les emplois manufacturiers américains, car il s’agit d’une bonne première étape pour défaire des décennies de politique commerciale hostile aux travailleurs. »

Pour leur part, les dirigeants syndicaux canadiens sont à la tête de la campagne en faveur de mesures de rétorsion sévères qui puniront les travailleurs américains. Les dirigeants du Congrès du travail du Canada (CTC), qui sabotent systématiquement les luttes des travailleurs et veillent à l’application et au respect des lois et des ordonnances de retour au travail, comme celles qui ont été utilisées contre les travailleurs de Postes Canada en décembre dernier, deviennent soudainement si « militants » lorsque les intérêts de l’impérialisme canadien sont en jeu. « Rompons dès maintenant l’alimentation des É.-U. en énergie et en ressources : plus d’électricité, de minéraux critiques ni de pétrole et de gaz », tonitruait le CTC dans une récente déclaration.

Comme le World Socialist Web Site expliquait dans une perspective publiée le mois dernier, les travailleurs ne doivent absolument pas embarquer dans cela :

Ils doivent rejeter avec mépris les fausses affirmations rivales de Trump et Trudeau selon lesquelles ils se battent pour les emplois « américains » et « canadiens », et déclarer d’une seule voix : « Ce n’est pas notre guerre et on ne nous fera pas payer pour cela. »

Ils doivent rassembler leurs forces dans un mouvement unifié de la classe ouvrière nord-américaine, en développant des comités de base, indépendants de l’appareil syndical, dans le cadre de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base. Ces comités organiseront l’opposition aux demandes de « sacrifices » de la classe dirigeante, qui prendront la forme de suppressions massives d’emplois, de reculs et de destruction des services publics et des programmes sociaux.

L’opposition à la guerre commerciale et à ses effets désastreux sur la classe ouvrière doit être imprégnée d’un programme socialiste internationaliste, dont les principes clés sont l’opposition à la guerre impérialiste et au chauvinisme anti-immigrés.

Alors qu’ils construisent de nouvelles organisations de véritable lutte de classe et qu’ils se battent pour unir leurs luttes dans un mouvement de masse à l’échelle du continent pour la prise du pouvoir par les travailleurs et une Amérique du Nord socialiste, les travailleurs des États-Unis, du Canada et du Mexique doivent tendre la main à leurs frères et sœurs de classe de Chine, d’Europe et d’ailleurs. Plus que jamais, le mot d’ordre de la classe ouvrière doit être « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! »

(Article paru en anglais le 4 mars 2025)