Cet article a été soumis au World Socialist Web Site par un membre éminent du Comité de base des travailleurs des postes, qui a été créé par les travailleurs des postes pour reprendre le contrôle de leur lutte des mains de la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Nous encourageons tous les travailleurs en grève de Postes Canada et les travailleurs du secteur de la logistique à contacter le comité à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com.
Environ 55.000 travailleurs de Postes Canada sont sur les lignes de piquetage depuis bientôt un mois dans le cadre d'une grève visant à empêcher la restructuration totale de Postes Canada aux frais des travailleurs, comme l'exige la direction, avec le soutien total du gouvernement libéral Trudeau et de l'ensemble des entreprises canadiennes.
Notre grève est gravement menacée, car le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et le Congrès du travail du Canada (CTC) n'offrent aucune stratégie viable pour contrer la volonté de la société d'État de nous transformer en une main-d'œuvre mal rémunérée, employée de façon précaire et sans droits.
Ce fait est mis en évidence par le refus du STTP d’informer ouvertement la base à propos des concessions qu'il offre à Postes Canada en coulisse. Lundi, la présidente du STTP, Jan Simpson, a publié une brève déclaration résumant les « nouvelles propositions de la bureaucratie syndicale à Postes Canada ». Ces propositions comprennent un recul important sur les salaires, le syndicat ayant ramené sa demande précédente de 22 % sur quatre ans à seulement 19 %.
Même si la mise à jour du STTP omet de nombreux détails, il est clair qu'il offre beaucoup plus à la société. Tout d'abord, le STTP a proposé de convertir les employés permanents de remplacement du RSMC (facteurs ruraux et suburbains) en employés permanents flexibles, qui devraient travailler les week-ends. Deuxièmement, le STTP a proposé d'étendre les restructurations distinctes du tri et de la livraison pour le groupe de négociation UPO (opérations postales urbaines). Troisièmement, le STTP a proposé de rendre les heures supplémentaires moins accessibles aux détenteurs d'itinéraires. Bien que ces concessions soient importantes en soi, le STTP a précisé qu'il s'agissait d'un « échantillon », et non d'une liste complète, des propositions faites par le syndicat à l'employeur.
Tant que le STTP réussira à isoler notre lutte du reste de la classe ouvrière – à commencer par nos frères et sœurs de classe des secteurs de la logistique et du transport – ces concessions ne feront qu'empirer.
Le comité de base des travailleurs des postes (CBTP) demande :
Transparence dans les négociations ! Toutes les offres soumises ou reçues par le STTP doivent être rendues publiques ! Toutes les activités de négociation, y compris les séances de médiation et les réunions avec les représentants du gouvernement, doivent être diffusées en direct ! Postes Canada est au courant de toutes les offres soumises par l'appareil du STTP, mais nous, les travailleurs, sommes laissés dans l'ignorance. Les négociations à huis clos ne peuvent pas être à notre avantage. Le STTP a admis dans une mise à jour du 4 décembre 2024 : «Nous comprenons que les membres veulent des renseignements plus détaillés [...] et nous devons faire très attention à ce que nous disons, afin que l'employeur ne puisse pas s'en servir contre nous plus tard.» Ce que cela signifie réellement, c'est que la bureaucratie du STTP perdrait toute crédibilité, serait démasquée comme travaillant avec l'entreprise et le gouvernement contre les travailleurs des postes, et risquerait de perdre son emprise paralysante sur la grève, si ce qui est discuté derrière des portes closes avec la direction était connu de la base. Ils ont déjà fait part à la direction et au ministre du Travail de leur inquiétude quant à la possibilité de parvenir à un accord « ratifiable », c'est-à-dire qu'ils pourraient nous convaincre de voter en sa faveur.
Une augmentation de salaire immédiate de 30 % pour tenir compte de l'inflation ! Nos conventions collectives ont été prolongées de deux ans au début de l'année 2022, et maintenant, même ces prolongations ont expiré depuis près d'un an. Pendant la majeure partie de cette période, l'inflation a atteint des sommets inégalés depuis 40 ans. Avant cela, nous avons connu des années de réduction et de stagnation des salaires réels à la suite de conventions collectives « négociées », comme en 2018 et en 2011, après que le gouvernement nous a privés du droit légal de grève. Le STTP a réduit ses demandes d'augmentation de 24 % à 22 % et, à la date de la mise à jour du 9 décembre, la demande s'élève à un maigre 19 % sur quatre ans. C'est inacceptable.
Envoyez des piquets d'information aux dépôts de Purolator appartenant à Postes Canada pour demander aux travailleurs de Purolator de les fermer ! Les reculs répétés du STTP et son refus de lutter pour élargir notre lutte à d'autres sections de travailleurs ont enhardi l'employeur à exiger des attaques encore plus radicales contre nos conditions de travail et nos salaires.
La Société canadienne des postes (SCP) et les entreprises qui la soutiennent sont heureuses de faire traîner les négociations, car la perte d'activité de sa filiale Purolator augmente leur influence sur nous, ce qui leur permet d'intensifier leurs pressions pour que nos salaires et nos avantages sociaux soient réduits et rendus «concurrentiels» par rapport à ceux de nos collègues de Purolator, dont l'emploi est précaire.
Cette stratégie repose sur le fait que le STTP et le CTC nous isolent des autres travailleurs. Confiant que les bureaucraties syndicales canadiennes continueront à agir de la sorte, le CTC a clairement indiqué lundi qu'il souhaitait faire traîner les négociations en longueur, déclarant : «Nous ne voulons pas donner de faux espoirs aux employés touchés, aux petites entreprises, aux organismes de bienfaisance et aux communautés nordiques qui espéraient une résolution rapide.»
Postes Canada détient 91 % de Purolator. Doug Ettinger, PDG de Postes Canada, siège au conseil d'administration de Purolator. Une partie de l'élite dirigeante pense que la meilleure façon d'«Amazonifier» Postes Canada est de laisser les « forces du marché » siphonner les affaires de Postes Canada au profit de Purolator et d'autres services de livraison, comme Amazon, qui exploitent leur main-d'œuvre de façon encore plus brutale que Postes Canada, conduisant ainsi la société d'État à la faillite. Cela explique pourquoi, à moins de deux semaines des vacances de Noël, la direction de la société semble si détendue à l'idée de prolonger l'arrêt de travail, tant que ses « partenaires » de la bureaucratie syndicale nous empêchent d'élargir notre grève.
Une menace non moins dangereuse pèse sur notre lutte : l'intervention du gouvernement pour criminaliser notre grève et imposer un accord aux conditions de la direction. Le ministre du Travail Steve MacKinnon pourrait invoquer l'Article 107 du Code canadien du travail pour ordonner au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), qui n'est pas élu, de mettre en œuvre une entente arbitrée en faveur de l'employeur. Le gouvernement libéral a déjà utilisé ce mécanisme anti-démocratique contre les travailleurs ferroviaires du CPKC et du Canadien National en août et contre les travailleurs portuaires du Québec et de la Colombie-Britannique au début du mois dernier.
Le président des Teamsters, François Laporte, qui prétend représenter les travailleurs de Purolator, a envoyé un courriel à la présidente nationale du STTP, Jan Simpson, lorsque notre grève a commencé le 15 novembre, feignant la solidarité avec les travailleurs des postes. M. Laporte a reconnu que « les tactiques de l'employeur révèlent un mépris flagrant pour les employés », et il a promis que « Purolator ne manipulera pas de colis dont le cachet de la poste ou l'identification provient de Postes Canada en cas de grève ou de lock-out ». Deux semaines après cette déclaration du président des Teamsters, le WSWS a mis à nu sa rhétorique creuse dans un article intitulé «La bureaucratie des Teamsters de la filiale Purolator joue le rôle de briseurs de grève durant le conflit à Postes Canada».
Depuis, il est devenu évident que Purolator absorbe notre volume de colis, et même si Purolator facture beaucoup plus cher par colis – dans certains cas, deux fois plus – les travailleurs de Purolator n'ont pas accès aux mêmes avantages sociaux ou aux mêmes pensions que les travailleurs des postes. Les Teamsters refusent de prendre des mesures pour appuyer notre grève ou de profiter de l'occasion pour hausser la barre pour leurs propres employés. Tout comme le STTP, les Teamsters ont abdiqué leur rôle de leader de la classe ouvrière.
Près d'un an après l'expiration des conventions collectives des travailleurs postaux, nous constatons que la SCP intensifie ses attaques en licenciant des travailleurs du commerce de détail. Nous avons noté les similitudes entre les négociations en cours à la SCP et la privatisation du service postal des États-Unis. Les attaques contre nos conditions de travail ne se limitent pas aux bureaux de poste ou au Canada. Nous sommes confrontés à une mise en œuvre mondiale des technologies d'automatisation et d'intelligence artificielle qui supprime des emplois, et les travailleurs qui restent sont surchargés de travail et sous-payés.
Le CBTP lance un appel urgent aux travailleurs des postes pour qu'ils envoient des piquets de grève à Purolator, UPS, Fedex, Amazon et à d'autres dépôts de livraison. Nous trouverons une base solide de soutien parmi les travailleurs de Purolator, dont les emplois subissent les mêmes attaques que les nôtres. La technologie de surveillance invasive déployée dans le parc de véhicules de la SCP peut être utilisée pour intimider et harceler les travailleurs de Purolator aussi facilement qu'elle l'est contre nous. Les travailleurs de Postes Canada, comme ceux de Purolator, subissent des augmentations qui sont bien en deçà de l'inflation. Les travailleurs de la logistique de tout le Canada seront touchés par les mêmes pressions du marché et les mêmes technologies que celles avec lesquelles les travailleurs postaux sont actuellement aux prises.
Par-dessus tout, nous sommes confrontés à une lutte politique, et non à une «négociation collective» traditionnelle. Les postiers trouveront un fort soutien parmi de larges couches de travailleurs, à condition que nous nous positionnions comme le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière pour défendre tous les services publics et mettre fin à l'austérité capitaliste. J'invite tous les travailleurs qui sont d'accord avec cette perspective à rejoindre et à construire le CBTP. Nous avons besoin d'un réseau de comités de base sur chaque lieu de travail pour mobiliser le pouvoir social des travailleurs et construire un mouvement politique de la classe ouvrière qui soit indépendant.
(Article paru en anglais le 11 décembre 2024)