Perspective

L'assassinat du général russe Kirillov par l'OTAN et l'Ukraine et l'escalade de la guerre impérialiste mondiale

Des ouvriers chargent le corps du lieutenant-général Igor Kirillov, chef des forces de défense nucléaire, biologique et chimique de la Russie, dans une fourgonnette après que lui et son assistant Ilya Polikarpov ont été tués par un engin explosif placé près d'un immeuble résidentiel à Moscou, en Russie, mardi 17 décembre 2024. [AP Photo]

Mardi, les services secrets ukrainiens ont assassiné Igor Anatolyevich Kirillov, le lieutenant-général russe en charge de ses forces de défense nucléaire et chimique, dans un attentat terroriste à la bombe devant son domicile à Moscou.

Kirillov est le membre le plus haut placé d'une quelconque armée dotée d'armes nucléaires à avoir jamais été assassiné. Ce meurtre est frappant non seulement par son culot, mais aussi par la mesure dans laquelle les médias et l'establishment politique américains et britanniques l'ont ouvertement défendu.

Le meurtre d'un chef militaire hors d'un champ de bataille dans un attentat terroriste à la bombe est, en vertu du droit international, qualifié d'acte de «perfidie» et est interdit par les Conventions de Genève.

Mais les médias britanniques et américains ont salué ce crime de guerre flagrant. Le Times of London a qualifié cet acte de «légitime défense» dans un éditorial, tandis que le Telegraph l'a qualifié d'«ingénieux» et le Wall Street Journal d'«audacieux».

Après que l'ancien président russe Dmitri Medvedev eut lancé une menace à peine voilée de représailles contre des responsables de l'OTAN et même le personnel du Times, le secrétaire des Affaires étrangères britannique David Lammy a déclaré: «Je soutiens le Times », ce qui ne pouvait être perçu que comme un soutien à la position éditoriale du journal selon laquelle le meurtre était «légitime». Cette déclaration fait suite à des déclarations de responsables britanniques et américains approuvant effectivement le meurtre.

Ce meurtre n'est que le dernier d'une série de mesures extrêmement provocatrices prises par l'Ukraine, soutenue par les États-Unis et l'OTAN, dans le but d'intensifier la guerre dans les semaines précédant l'investiture du nouveau président Donald Trump, le 20 janvier.

Le mois dernier, l'administration Biden et le gouvernement du Premier ministre britannique Keir Starmer ont autorisé l'Ukraine à effectuer des frappes avec des armes de l'OTAN à l'intérieur de la Russie, suivies quelques jours plus tard par le début de ces frappes avec des missiles balistiques américains ATACMS et des missiles de croisière britanniques Storm Shadow.

Le Kremlin a réagi à ces actes en adoptant une doctrine nucléaire révisée. Il a classé les attaques menées contre la Russie par des États non nucléaires avec l'assistance de puissances nucléaires comme des attaques de ces puissances nucléaires mêmes, autorisant ainsi de potentielles représailles russes contre l'OTAN.

Le 21 novembre, le New York Times rapportait que l'administration Biden discutait d’autoriser l'Ukraine à déployer des armes nucléaires. Il écrivait: «Plusieurs responsables ont même suggéré que M. Biden puisse permettre à l'Ukraine de posséder à nouveau des armes nucléaires, comme elle l'a fait avant la chute de l'Union soviétique.» Pendant ce temps, des responsables allemands et français ont confirmé qu'ils discutaient activement du déploiement de troupes européennes en Ukraine.

La Russie a réagi en lançant un missile balistique à portée intermédiaire armé de plusieurs ‘véhicules de rentrée’ capables de lancer des missiles nucléaires, sur la ville de Dnipro en Ukraine.

L'objectif des actes provocateurs de l'OTAN est de créer des «faits irréversibles» avant l'investiture de Trump dans un mois.

Avant les élections, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, avait averti que Trump était un «fasciste» qui serait «dictateur dès le premier jour». Mais l'administration Biden sortante a abandonné toute critique à l'égard de l'objectif déclaré du nouveau président américain Donald Trump d'établir une dictature aux États-Unis.

Sa seule préoccupation concernant la transition est au contraire de continuer à intensifier les guerres que Washington mène dans le monde entier, sa priorité centrale étant l'escalade du conflit avec la Russie.

Trump et les membres potentiels de son administration ont publiquement critiqué l'autorisation de Biden de frapper loin en territoire Russe, ainsi que l'assassinat de Kirillov. Des sections de son administration ont déclaré qu'elles étaient favorables à un règlement négocié de la guerre en Ukraine afin de concentrer les efforts militaires américains sur la militarisation du Pacifique en préparation d'un conflit avec la Chine.

L'administration sortante de Biden et la nouvelle administration de Trump partagent toutes deux l'objectif de renforcer l'hégémonie américaine et la domination du dollar par le biais d'une violence militaire effrénée. Trump a été le premier président américain à autoriser la fourniture à grande échelle d'armes létales à l'Ukraine en 2019, contribuant ainsi à transformer l'Ukraine en force mandataire de l'OTAN et à provoquer l'invasion russe de février 2022. En 2018, l'administration Trump avait dévoilé une stratégie de sécurité nationale déclarant: «La concurrence entre grandes puissances – et non le terrorisme – est désormais l'objectif principal de la sécurité nationale des États-Unis.»

Une différence dans la politique étrangère des deux administrations concerne la présentation. Alors que Biden prétend, à tort, que les guerres de Washington dans le monde entier sont motivées par un altruisme bienveillant, Trump a admis que les États-Unis menaient des guerres afin de piller les ressources naturelles, ce qui s'exprime le plus franchement dans sa demande aux États-Unis de «prendre le pétrole» de l'Irak.

De plus en plus, l'establishment politique américain et les médias reformulent la guerre en Ukraine dans le langage trumpiste du pillage impérialiste. Le ton de ce changement a été donné par le sénateur américain Lindsey Graham, qui a affirmé en septembre: «Ils détiennent entre 10 et 12 trillions de dollars de minéraux critiques en Ukraine… Je ne veux pas donner cet argent et ces actifs à Poutine pour qu'il les partage avec la Chine ».

Dans un essai publié mercredi dans le Washington Post, le chroniqueur Marc A. Thiessen a demandé: «Trump veut-il que Poutine obtienne les 26 000 milliards de dollars de gaz et de minéraux de l'Ukraine?»

Thiessen déclare: «L'Ukraine n'est pas seulement le grenier à blé de l'Europe; c'est aussi une superpuissance minérale, avec certaines des plus grandes réserves de 117 des 120 minéraux les plus utilisés au monde. Parmi les 50 minéraux stratégiques identifiés par les États-Unis comme essentiels à leur économie et à leur sécurité nationale, dont beaucoup sont assez rares mais cruciaux pour certaines applications de grande valeur, l'Ukraine en fournit 22 ».

Il ajoute: «Le peuple américain a déjà investi environ 183 milliards de dollars pour aider l'Ukraine... Les contribuables américains ne devraient-ils pas obtenir un retour sur cet investissement? Voulons-nous que le titane ukrainien soit utilisé dans les avions américains ou dans les avions de combat russes et chinois qui menaceront les États-Unis et leurs alliés? Voulons-nous que le lithium et les terres rares de l'Ukraine alimentent les appareils électroniques et les véhicules électriques fabriqués aux États-Unis ou en Chine? »

Dans un article de la revue Foreign Affairs intitulé «The Price of American Retreat: Why Washington Must Reject Isolationism and Embrace Primacy » [Le prix de la retraite américaine: Pourquoi Washington doit rejeter l'isolationnisme et embrasser la primauté], le chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell a déclaré que « la sécurité et la prospérité des États-Unis sont ancrées dans la primauté militaire ». Et d’ajouter: «Les États-Unis doivent de toute urgence parvenir à un consensus bipartisan sur le rôle central de la puissance militaire dans la politique étrangère américaine.»

McConnell soutient que le seul moyen de dominer la Chine – l'objectif central déclaré de l'administration Trump en matière de politique étrangère – est de remporter une victoire militaire sur la Russie. «Tenir tête à la Chine exigera de Trump qu'il rejette le conseil myope selon lequel il doit donner la priorité à ce défi en abandonnant l'Ukraine.»

Quelles que soient les divergences pouvant exister sur la priorité relative des théâtres d’opérations d’Europe ou du Pacifique dans l'establishment politique américain, toutes les factions des partis démocrate et républicain soutiennent une extension des efforts déployés depuis des décennies par l'impérialisme américain pour faire la guerre dans le monde entier afin de préserver et d'étendre l'hégémonie mondiale des États-Unis.

Le Sénat américain l’a mis en évidence mercredi en adoptant à une écrasante majorité, la Loi sur l'autorisation de défense nationale (National Defense Authorization Act), la plus grosse dotation de financement militaire de l'histoire de l'humanité. Elle prévoit l'extension et la modernisation de l'arsenal nucléaire américain, ainsi que le financement d'opérations militaires dans le monde entier.

Quelles que soient les critiques démagogiques formulées par Trump à l'encontre de la politique ukrainienne de Biden, l'ensemble de l'establishment politique américain est engagé dans une expansion massive de la guerre partout dans le monde, menée avec les méthodes du terrorisme, de l'assassinat et du génocide inaugurées par la guerre d'extermination d'Israël à Gaza, financée par les États-Unis.

Ces guerres seront payées par une attaque frontale menée contre les droits sociaux, économiques et démocratiques de la classe ouvrière, que Trump mettra en œuvre dès son entrée en fonction. Des plans sont déjà en cours d'élaboration pour la baisse de la sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid, la privatisation du service postal américain et le démantèlement de toutes les protections restantes sur les lieux de travail et dans le domaine de l'environnement. Ces actions, qui alimenteront les comptes bancaires de l'oligarchie financière, seront toutes justifiées au nom de l'«effort de guerre».

Il est d'une importance vitale de lier le mouvement de la classe ouvrière pour la défense de ses droits sociaux et démocratiques à la lutte contre la guerre impérialiste sur la base d'une perspective socialiste pour mettre fin au système capitaliste, la cause première de la guerre et de la dictature.

(Article paru en anglais le 19 décembre 2024)

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