Êtes-vous un travailleur postal ou un employé du secteur de la livraison ou de la logistique ? Nous vous invitons à contacter le Comité de base des travailleurs des postes à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.
Un mois après que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a capitulé devant l'ordre anti-grève du gouvernement libéral en renvoyant 55.000 travailleurs des postes au travail, la classe dirigeante intensifie ses efforts pour détruire le service postal.
Les négociations contractuelles ont repris cette semaine et une commission d'enquête industrielle doit tenir ses premières audiences sur l'avenir de Postes Canada les 27 et 28 janvier. Le gouvernement libéral, soutenu par les conseillers d'entreprise, la direction de Postes Canada et les dirigeants du STTP, prépare le terrain pour l'élimination des emplois, la dégradation des conditions de travail et la transformation du service postal du pays en une opération squelettique à faible coût au nom du retour à la rentabilité de la société.
C'est ce qu'a clairement démontré Ian Lee, professeur de gestion des affaires à l'université Carleton et ancien cadre de Postes Canada, lors d'une entrevue accordée à CBC News cette semaine, dans laquelle il a exposé des plans de grande envergure pour la cannibalisation du service postal national – actuellement géré comme une société d'État à but lucratif sous la supervision du gouvernement. Lee a proposé que les opérations urbaines soient confiées à des entreprises de messagerie privées à but lucratif ou que la livraison à domicile soit supprimée au profit de la livraison dans les boîtes postales des franchises des épiceries et des pharmacies. Enfin, il a proposé que les activités de Postes Canada soient réduites à un service subventionné par le contribuable pour les communautés rurales et éloignées. Les entreprises de messagerie privées refusent de livrer dans ces communautés parce que ce n'est pas rentable, même lorsqu'elles font appel à des entrepreneurs payés au rabais.
« Il y a un avenir. Ce sera une organisation très différente. Elle sera beaucoup plus petite », a déclaré Lee à CBC News. « Elle sera restructurée. La seule question est de savoir quand et dans quelle mesure, et quelle sera la proposition offerte lors de la restructuration. »
Le professeur Lee, qui a sans aucun doute une vue interne des discussions en cours au sein de la direction de Postes Canada, n'a pas parlé des implications pour les milliers de travailleurs qui perdraient probablement leur emploi ou qui seraient réduits à des travailleurs mal payés, temporaires ou à temps partiel.
Lee et d'autres crapules comme lui ne seraient pas en mesure de se réjouir aussi ouvertement de la suppression de dizaines de milliers d'emplois à temps plein et d'infliger une défaite cuisante à l'une des sections les plus militantes de la classe ouvrière sans le torpillage de la grève des postiers par le STTP.
Avec l'appui total du Congrès du travail du Canada, qui a mis trois jours avant de publier un nouveau communiqué critiquant légèrement le décret gouvernemental de retour au travail, l'exécutif national du STTP a forcé les travailleurs des postes à reprendre le travail sans leur donner voix au chapitre. Il a agi de cette manière arbitraire et antidémocratique parce qu'il savait pertinemment qu'il y avait un sentiment de masse dans la base pour défier l’intervention briseuse de grève de l'État.
De plus, les travailleurs bénéficiaient d'un puissant soutien de la part de l'ensemble de la population et se trouvaient face à un gouvernement libéral en train de s'effondrer. Le jour même où le STTP a ordonné aux travailleurs de démanteler les piquets de grève, Chrystia Freeland a démissionné de son poste de vice-première ministre et de ministre des Finances, aggravant la crise à laquelle était confronté le premier ministre Trudeau et qui a conduit à sa démission au début du mois.
Outre cette situation politique favorable, la forte demande de courrier avant la période des vacances a placé les travailleurs en position de force pour faire de leur lutte – qui exigeait des emplois sûrs, une protection contre l'utilisation de l'automatisation et de l'IA pour accroître l'exploitation des travailleurs, et de véritables augmentations de salaire – le fer de lance d'une contre-offensive menée par les travailleurs contre l'austérité et la guerre capitalistes. La réponse aurait été enthousiaste, car les revendications des postiers sont similaires et d'une importance vitale pour tous les travailleurs, qu'ils soient du secteur privé ou du secteur public. Mais la priorité absolue de la direction du STTP était d'empêcher à tout prix une telle évolution, car elle aurait bouleversé l'alliance corporatiste anti-travailleurs de la bureaucratie syndicale avec les libéraux et les néo-démocrates.
Tout au long des négociations avec le STTP, qui durent depuis plus d'un an, la direction de Postes Canada a plaidé la pauvreté, soulignant que l'entreprise a perdu 3 milliards de dollars depuis 2018, car les volumes de courrier se sont détournés des lettres traditionnelles au profit des colis. Ils insistent sur le fait que ces pertes nécessitent l'expansion et l'enracinement d'une main-d'œuvre à temps partiel et temporaire mal rémunérée, ainsi que la mise en œuvre de l'intelligence artificielle et d'autres technologies pour concurrencer les conditions notoires d'exploitation brutale d'Amazon, d'UPS et d'autres entreprises de livraison privées.
Après des mois d'attente, le STTP a finalement appelé à un débrayage national le 15 novembre, à la suite de demandes militantes des membres de la base pour défendre leurs emplois et lutter pour de meilleurs salaires et avantages sociaux. Les travailleurs ont tenu des piquets de grève dans les dépôts et les centres de tri de tout le pays, déterminés à repousser les demandes de concessions importantes de la part de l'entreprise. Au lieu de préparer les travailleurs à un ordre de retour au travail imminent et inévitable et de chercher à mobiliser l'ensemble de la classe ouvrière pour défendre les postiers, les services publics et le droit de grève, l'appareil du STTP a maintenu les travailleurs isolés sur leurs piquets de grève, les encourageant simplement à écrire à leurs députés et à demander à la Société canadienne des postes de négocier équitablement.
Lorsque la criminalisation de la grève par l'État est intervenue, sous la forme d'une ordonnance du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) non élu, agissant sur les instructions du ministre libéral du Travail Steve MacKinnon, la bureaucratie syndicale a mis fin à toute discussion sur la possibilité pour les travailleurs de défier cette ordonnance illégitime et leur a ordonné de retourner au travail le 17 décembre. L'ordonnance antidémocratique de MacKinnon s'appuie sur une interprétation inventée de l'article 107 du Code canadien du travail que le gouvernement libéral a utilisée pour mettre fin à quatre conflits de travail distincts en moins de six mois.
L'ordonnance du CCRI a prolongé la convention collective expirée jusqu'au 22 mai afin de donner à la direction et au STTP plus de temps pour conspirer dans le dos des travailleurs sur la meilleure façon de restructurer fondamentalement Postes Canada, avant de présenter leurs décisions comme un fait accompli.
La Commission d'enquête industrielle ordonnée par MacKinnon est une fraude : un mécanisme transparent pour imposer les exigences des entreprises canadiennes. Elle est dirigée par l'arbitre chevronné William Kaplan, qui joue également le rôle de médiateur dans les négociations contractuelles en cours. On peut affirmer avec certitude qu'au nom du rétablissement de la rentabilité, elle approuvera sans discussion bon nombre des attaques de grande envergure souhaitées par la direction et exigées par les investisseurs de Bay Street et les grandes entreprises dans leur ensemble.
La commission dispose d'un large mandat pour examiner la situation financière de Postes Canada, les modèles de livraison alternatifs et les questions de négociation liées à l'emploi à temps plein, à la santé et à la sécurité, ainsi qu'à la sécurité de l'emploi. Elle est habilitée à recommander tout changement qu'elle juge nécessaire aux activités de Postes Canada et aux conventions collectives conclues entre Postes Canada et le STTP.
Alors que les entreprises canadiennes disposent de tous les moyens pour parvenir à leurs fins, les travailleurs n'auront aucun moyen efficace de se faire entendre, et encore moins de faire valoir leurs revendications. En général, les seules personnes autorisées à comparaître devant de telles commissions sont les dirigeants d'entreprise, les lobbyistes des grandes sociétés, les fonctionnaires et les bureaucrates syndicaux. Kaplan doit remettre le rapport de sa commission d'enquête avant le 15 mai, soit une semaine avant que les travailleurs postaux soumis à l'ordre du CCRI ne recouvrent leur droit de grève légal.
Tout cela fait partie d'un plan concocté par le gouvernement Trudeau afin de piper les dés aussi lourdement que possible contre les travailleurs postaux. La Commission d'enquête produira un rapport soi-disant « neutre », « d'une tierce partie », qui appuiera les demandes de Postes Canada, afin d'aider à attiser le sentiment public contre les travailleurs des postes. De plus, la position des travailleurs sera affaiblie par le fait que les volumes de courrier sont beaucoup plus faibles en mai que dans les semaines précédant les vacances de Noël et que l'employeur et la Société canadienne des postes auront eu cinq mois pour élaborer d'autres plans en vue d'éviter une grève.
Malgré tout, et dans le cadre de ses efforts continus pour lier les travailleurs au système de négociation collective conçu par l'État et favorable à l'employeur, le STTP fait activement la promotion de la commission d'enquête. Après avoir bâillonné et ligoté les travailleurs de la base en imposant l'interdiction de grève le mois dernier, la présidente du STTP, Jan Simpson, a eu l'audace de prétendre que la Commission d'enquête industrielle truquée serait un « forum vital pour présenter et aborder les questions plus larges et les changements structurels des bureaux de poste publics et la façon dont ils affectent tous les membres et le public ».
En opposition à la capitulation et à la collaboration de la bureaucratie du STTP dans la destruction des emplois et des conditions de travail, les travailleurs des postes de tout le Canada réunis au sein du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP) se sont battus pour un programme basé sur les besoins des travailleurs, et non sur ce que le syndicat juge possible ou sur ce que la direction déclare nécessaire pour augmenter les profits. Le CBTP a travaillé activement pour mobiliser le soutien aux travailleurs des postes dans la classe ouvrière canadienne et pour développer des liens avec les travailleurs des postes à l'échelle internationale, qui sont tous confrontés aux mêmes attaques contre leur niveau de vie et leurs emplois.
Avant la grève, le CBTP a publié un programme pour développer la lutte des travailleurs postaux. Ce programme stipulait :
Les travailleurs des postes doivent prendre le contrôle de leur lutte contractuelle entre leurs mains.
Le refus de l'appareil du STTP de donner suite au mandat de grève écrasant et de fournir une stratégie pour mobiliser le pouvoir des travailleurs afin d'obtenir nos justes revendications et de faire face à la menace de bris de grève du gouvernement est une preuve de plus qu'il est dans la poche de la direction de Postes Canada et du gouvernement libéral de Trudeau.
Nous appelons les travailleurs des postes et tous les travailleurs des secteurs de la livraison et de la logistique à se joindre au Comité de base des travailleurs des postes et à le mettre sur pied. Nous luttons pour :
1. Obtenir les revendications des travailleurs des postes, y compris une augmentation de salaire de 30 % pour compenser les années de concessions et pour que les travailleurs aient le contrôle sur le déploiement des nouvelles technologies.
2. Élargir notre lutte à d'autres sections de travailleurs à travers le Canada afin de défier une loi de retour au travail ou toute autre interdiction de grève antidémocratique imposée par l'État.
3. Lancer une lutte politique qui rejette le fait que Postes Canada soit gérée comme une entreprise à but lucratif, et faire de notre lutte contractuelle le fer de lance d'une contre-offensive menée par les travailleurs en défense des services publics entièrement financés et des droits des travailleurs, et contre l'austérité et la guerre.
Avec la reprise des négociations contractuelles et l'entrée en fonction de la commission Kaplan, la lutte des travailleurs postaux est entrée dans une nouvelle phase. Les travailleurs militants de la base doivent se préparer à une mobilisation pour stopper la restructuration pro-patronale planifiée de Postes Canada en rejoignant le CBTP, qui est affilié à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base, et en construisant un réseau de comités de base dans chaque usine et dépôt qui se battra pour son programme. Remplissez le formulaire ci-dessous pour entrer en contact avec le CBTP dès maintenant.
(Article paru en anglais le 17 janvier 2025)