Aujourd'hui se déroule l'événement le plus dégradant de l'histoire politique américaine. Un criminel condamné, un escroc et un menteur pathologique, un démagogue fasciste chez qui l'ignorance et la bigoterie rivalisent avec la cupidité et la vanité va devenir le « commandant en chef » de l'armée la plus puissante du monde, dotée de suffisamment d'armes nucléaires pour incinérer toute vie sur la planète.
Rien ne marque aussi clairement l'effondrement irrémédiable de la démocratie américaine que le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, quatre ans après avoir tenté de renverser par la force la dernière élection et de s'installer comme président-dictateur malgré sa défaite écrasante aux urnes. Trump sera investi en tant que 47e président des États-Unis, non pas au moyen d'un coup d'État, comme il a cherché à le faire le 6 janvier 2021, mais grâce à son soutien au sein de l'oligarchie financière qui dirige l'Amérique, ainsi qu'à la prosternation et à la faillite de ses soi-disant opposants au sein du Parti démocrate.
En mars 2003, au début de l'invasion américaine de l'Irak, le World Socialist Web Site écrivait que l'impérialisme américain, malgré son vaste appareil militaire, s'était engagé sur une voie qui mènerait à un « rendez-vous avec le désastre ». Il est désormais possible de donner une date à ce rendez-vous : le 20 janvier 2025.
Karl Marx a déclaré que l'histoire se répète, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. Avec la seconde investiture de Donald Trump, cet aphorisme pourrait être modifié : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme catastrophe. En élevant Trump pour la deuxième fois à la présidence, la classe dirigeante américaine a perdu toute crédibilité politique et morale. Cette action est le début de la fin pour le capitalisme américain. Elle a semé le vent, et va maintenant récolter la tempête.
En 2017, on aurait pu dire – bien qu'à tort – que l'entrée de Trump à la Maison-Blanche était une aberration, un accident politique ou simplement le sous-produit de l'incompétence et de l'arrogance du Parti démocrate. On ne peut pas faire la même affirmation sur la répétition de cet événement huit ans plus tard. Il est désormais clair que Trump représente la quintessence de la classe dirigeante américaine. Ses caractéristiques personnelles sont une expression hideuse des principales caractéristiques de l'oligarchie des milliardaires dont la richesse et le pouvoir ont atteint des dimensions sans précédent au cours des quatre dernières décennies.
Lorsque Trump a prêté serment pour la première fois en tant que président, le 20 janvier 2017, le Parti de l'égalité socialiste (États-Unis) a publié une déclaration intitulée «L'investiture de Donald Trump : un événement qui restera marqué par l'infamie». Voici ce que nous écrivions il y a huit ans :
L'investiture de Donald Trump en tant que 45e président est l'un des événements les plus ignominieux de l'histoire des États-Unis. On a consacré plus de 100 millions de dollars aux célébrations. En vain! Aucune somme ne dissipera la puanteur qui imprègne cette investiture. L'orchestration frauduleuse de festivités publiques ne dissimulera pas non plus le sentiment répandu que le pays, avec l'installation du nouveau gouvernement, s'est engagé dans une voie qui mènera à un désastre aux dimensions inimaginables.
L'histoire a rattrapé le capitalisme américain. Un jargon démocratique a longtemps servi a dissimuler sa décomposition socio-économique et à cacher l'écart entre les mythes politiques officiels et la réalité sous-jacente. Mais à présent, le masque est tombé. Donald Trump personnifie la corruption, la cruauté, le parasitisme et la mentalité essentiellement fasciste des oligarques capitalistes qui contrôlent les États-Unis. Trump dirigera un gouvernement des riches, par les riches et pour les riches.
Le PES a souligné les profondes divisions au sein de l'élite dirigeante américaine, principalement en ce qui concerne la politique étrangère et la question de savoir si les préparatifs de guerre économique et militaire des États-Unis devaient être dirigés tout d'abord vers la Russie ou la Chine, ou contre leurs rivaux impérialistes européens comme l'Allemagne. Nous mettions en garde :
Malgré l'amertume de ces différends, la classe dirigeante est unifiée dans sa conviction que 1) l'impérialisme américain doit poursuivre ses intérêts mondiaux même au risque d'une guerre; et 2) qu'il faut intensifier l'attaque contre les intérêts sociaux et les droits politiques de la classe ouvrière. Trump parle et tweete non seulement pour lui-même, mais au nom de la classe dirigeante ; le fait que ses choix de cabinet de milliardaires et de généraux passent comme une lettre à la poste à travers la procédure de confirmation du Sénat le prouve. Quant à Obama, il a consacré sa dernière conférence de presse mercredi à applaudir la légitimité du gouvernement Trump et à déclarer qu'il « est juste que [Trump] aille de l'avant avec ses visions et ses valeurs ».
Non seulement cette évaluation a été confirmée par les événements ; elle s'applique à la situation politique actuelle, mais de manière exponentielle. Le président sortant Joe Biden incarne l'état de décrépitude du Parti démocrate et du libéralisme américain. Bien qu'il ait brièvement reconnu que Trump est un fasciste, il a promis la « transition la plus fluide » possible. Et en effet, une grande partie du programme fasciste de Trump ne fera qu'étendre et intensifier les mesures déjà entreprises par l'administration Biden-Harris : déportations massives d'immigrants ; attaques contre les droits démocratiques, en particulier contre ceux qui s'opposent aux politiques de l'impérialisme américain à l'intérieur ou à l'extérieur du pays ; guerre économique, subversion politique et agression militaire pure et simple contre les pays ciblés par Washington.
Comme le PES l'a déclaré il y a huit ans, la solution à Trump ne viendra que de la classe ouvrière américaine et internationale. Le bilan de l'administration Biden est une confirmation irréfutable de cette évaluation. L'histoire condamnera ses quatre années à la Maison-Blanche de la même manière qu'elle a jugé le régime allemand de Weimar : comme un intermède au cours duquel les forces fascistes ont été autorisées à surmonter leurs échecs initiaux et à réapparaître comme un danger encore plus grand pour les droits démocratiques et sociaux des travailleurs, à la fois en Amérique et dans le monde entier.
En outre, en mettant l'accent sur l'escalade de la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, son engagement inébranlable à permettre le génocide israélien à Gaza, et ses préparatifs pour des guerres encore plus vastes contre l'Iran et finalement la Chine, l'administration Biden a déjà entamé les premières étapes d'une guerre mondiale qu'elle confie maintenant aux militaristes fous de l'administration Trump, y compris des personnalités telles que l'avocat et défenseur des crimes de guerre Pete Hegseth, nommé à la tête du Pentagone.
Beaucoup d'autres personnes partagent la responsabilité de la résurrection de Trump. Les processus socio-économiques qui ont donné naissance à l'oligarchie milliardaire n'opèrent pas seulement à travers les individus, mais aussi à travers des institutions telles que les grands médias et les organisations politiques de la classe moyenne aisée, y compris la pseudo-gauche.
Des personnalités comme Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez et d'autres ont avancé un pseudo-réformisme pathétique, promouvant la fiction qu'un changement significatif pourrait être réalisé au sein de l'establishment politique tout en ne servant qu'à renforcer l'emprise du Parti démocrate. Les organisations de la pseudo-gauche travaillent sans relâche pour diviser la classe ouvrière par la politique raciale, de genre et d'orientation sexuelle, et bloquer le développement d'un mouvement socialiste de masse contre le capitalisme américain.
Les médias institutionnels ont abandonné toute prétention à une approche critique de la nouvelle administration Trump, dépeignant Trump comme le choix du peuple américain et qui bénéficie d’un soutien populaire de masse. Les voyous, les charlatans et autres alliés fascistes de Trump sont traités comme des sages politiques, comme dans l'interview respectueuse d'ABC News de dimanche avec Steve Bannon, condamné et emprisonné pour avoir défié une assignation à comparaître du Congrès pour témoigner sur son rôle dans la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021.
Lorsque le New York Times a écrit hier que « les vives tensions et la défiance colérique ont cédé la place à l'accommodement et à la soumission », il parlait pour lui-même et pour le Parti démocrate. Comme Trotsky l'a fait remarquer un jour, non seulement la force conquiert, elle convainc.
Le soi-disant « mouvement ouvrier », incarné par des syndicats comme l'AFL-CIO et l'UAW, est complice de cette déchéance. Dans une chronique publiée dimanche, Shawn Fain, président de l'UAW, qui a été promu par l'ensemble de la pseudo-gauche, s'est engagé à « travailler avec » la nouvelle administration, en particulier sur la politique économique nationaliste, en suivant l'exemple du président des Teamsters, Sean O'Brien, et d'autres. L'ensemble de l'appareil syndical fonctionne comme un auxiliaire de la direction des entreprises et de l'État.
Le retour de Trump à la Maison-Blanche marque une nouvelle phase dangereuse de la crise du capitalisme américain. L'administration Trump reflète l'effort désespéré de la classe dirigeante américaine pour résoudre ses contradictions insolubles et faire face à l'aggravation de la crise économique et aux tensions géopolitiques croissantes par l'autoritarisme et la guerre. Cela fait partie d'un phénomène mondial, qui est évident dans tous les grands pays capitalistes.
Mais le retour de Trump ne signifie pas la consolidation du fascisme en Amérique. Trump est arrivé au pouvoir sur la base de mensonges, en exploitant la désillusion et la colère de larges pans de la population. Entre l'installation du nouveau régime et la mise en œuvre de ses politiques se trouve la résistance de la classe ouvrière, qui entre dans d'immenses luttes sociales.
Cette vaste contradiction définit la situation actuelle. Alors que la classe dirigeante se déplace violemment vers la droite, le mouvement général des masses se dirige vers la gauche, vers une radicalisation sociale et politique, aux États-Unis et dans le monde. Et si la classe dirigeante a abandonné les idéaux démocratiques incarnés dans la Déclaration d'indépendance et réaffirmés par Lincoln pendant la guerre de Sécession, ce n'est pas le cas de la classe ouvrière. Ces idéaux restent profondément ancrés dans la conscience des masses américaines. Ces idéaux – égalité, liberté et justice – trouvent leur véritable expression aujourd'hui dans le programme du socialisme international.
Le mouvement révolutionnaire se fonde sur cette vérité profonde. La classe ouvrière, confrontée à des conditions d'exploitation et d'inégalité qui ne cessent de s'aggraver, est la seule force sociale capable d'affronter et de renverser l'oligarchie que représente Trump.
Alors que les États-Unis et le monde entrent dans la période du second mandat de Trump, la tâche essentielle est de construire une direction socialiste et révolutionnaire au sein de la classe ouvrière.