La déclaration suivante a été publiée par Will Lehman, travailleur de Mack Trucks en Pennsylvanie, qui s'est présenté en 2022 comme candidat socialiste à la présidence du syndicat automobile UAW (United Auto Workers).
Le président du syndicat de l’automobile UAW, Shawn Fain, a déclaré que son organisation était disposée à coopérer avec la nouvelle administration fasciste. C'étaitlà le sens de son éditorial paru dans le Washington Post dimanche et intitulé «Je suis le président de l'UAW. Nous sommes prêts à travailler avec Trump.»
Après s’être fait passer pour un soi-disant « militant », « syndicaliste démocrate », avoir lancé des slogans comme « mangez les riches » et dénoncé Trump en le traitant de briseur de grève, Fain a annoncé du jour au lendemain sa volonté de collaborer avec le gouvernement le plus à droite de l’histoire des États-Unis.
Cela montre, sans l’ombre d’un doute, que la bureaucratie syndicale est un ennemi féroce de la classe ouvrière, prête à collaborer avec ce gouvernement d’oligarques et de fascistes pour détruire tous les droits durement acquis par les travailleurs. La conclusion que les travailleurs doivent tirer est la suivante: cet appareil ne peut pas être «réformé» mais doit être brisé et remplacé par des comités de la base, des organes de pouvoir ouvrier.
La main tendue de Fain à Trump est la continuation et le résultat de sa politique, pro-capitaliste et nationaliste depuis le début. Le bureaucrate de longue date de l’UAW a été installé à la présidence de l’UAW pour renforcer la crédibilité de la bureaucratie syndicale, rongée par les scandales et détestée des travailleurs. En 2023, Fain a collaboré avec Biden pour imposer un contrat au rabais aux travailleurs de GM, Ford et Stellantis après sa « grève debout» bidon, qui a entraîné des milliers de suppressions d’emplois (article en anglais).
Il y a quelques mois à peine, Fain avait soutenu Kamala Harris, espérant faire perdurer les relations vénales du mandat de Biden. Mais après l’effondrement des démocrates – détestés pour leurs guerres sans fin et leur indifférence à la catastrophe sociale à laquelle sont confrontés les travailleurs – Fain a retourné sa veste avec aisance. S’il y a des frictions, elles viendront du côté de Trump.
Fain n’est que le dernier bureaucrate syndical en date à s'être rapproché de Trump. Le président des Teamsters, Sean O'Brien, un autre soi-disant réformateur, était un invité d'honneur à l'investiture de Trump. Le président de l'International Longshore Association, (syndicat des dockers) Harold Daggett, a qualifié Trump de «héros» au début du mois après avoir empêché une grève (article en anglais) de plus de 40 000 dockers qui aurait pu se transformer en conflit direct avec la nouvelle administration.
Les dirigeants des syndicats d’enseignants ont eux aussi exprimé leur volonté de collaborer avec Trump, notamment après la nomination par ce dernier de Lori-Chavez DeRemer, qui soutient la loi PRO Act, au poste de secrétaire au Travail. La bureaucratie syndicale est satisfaite tant qu’elle continue à récolter les cotisations et qu’elle a «sa place à la table» pour réprimer les grèves et obéir aux ordres de ses maîtres des trusts.
Fain a notamment manifesté son soutien à la politique de guerre commerciale de Trump, qui prône «l’Amérique d’abord». Il a déclaré:
Nous ne sommes pas d’accord avec Trump sur la plupart des points de son programme intérieur, mais nous espérons trouver un terrain d’entente pour réformer nos politiques commerciales dévastatrices et reconstruire l’industrie manufacturière américaine. Trump a promis d’instaurer des tarifs douaniers pour protéger les travailleurs, et nous convenons que les droits de douane sont un outil nécessaire […] Nous convenons que nous avons besoin d’un système de droits de tarifs douaniers solide qui serve les intérêts nationaux et ceux de la classe ouvrière. Les droits de douane devraient ramener des emplois aux États-Unis, fournir des produits pour les communautés comme Belvidere, dans l’Illinois, et inciter les entreprises à investir dans de bons emplois, et non à exploiter les travailleurs à l’étranger.
Fain répète ici les mêmes mensonges que Trump, qui a lancé un appel nationaliste spécifique aux travailleurs de l’automobile lors de son discours d’investiture. Il est probable que certains de mes collègues de travail se sont fait avoir par cette rhétorique protectionniste. Mais ils se trompent lourdement. La destruction d’emplois qui dure depuis des décennies et se produit dans tous les pays, n’est pas le résultat d’accords commerciaux «injustes», mais du capitalisme.
Trump espère que ses mesures de guerre commerciale augmenteront les profits des oligarques américains face à leurs rivaux étrangers et diviseront les travailleurs selon des critères nationaux. Parmi eux, il y a l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, dont les usines Tesla sont notoirement des ateliers de misère, (article en anglais) même au regard des normes en régression de l'industrie automobile américaine.
Comme l’a prouvé l’expérience historique, notamment celle de la désindustrialisation des années 1980, le protectionnisme est inévitablement lié à de nouvelles coupes encore plus drastiques dans les emplois et le niveau de vie au nom d’un capitalisme américain plus « compétitif». Bien avant l’apparition de Trump sur la scène politique nationale, les bureaucrates de l’UAW criaient à «l’Amérique d’abord».
Cette situation coïncida avec une violente campagne anti-japonaise et d’incitation raciste contre les immigrés, dont le meurtre de l'ingénieur sino-américain Vincent Chin en 1983. Cette campagne n'a jamais sauvé un seul emploi, mais a servi à diviser les travailleurs et à dissimuler le rôle joué par la bureaucratie de l'UAW dans l'imposition des licenciements massifs et des baisses de salaires qui ont dévasté Détroit et d'autres villes.
La distinction opérée par Fain entre la politique «intérieure» et la politique «étrangère» est fondamentalement fausse. Trump et l’oligarchie ont une politique unique de guerre de classe dans le monde entier. Elle commence par la guerre contre les immigrés, les descentes sur les lieux de travail et les déportations massives qui visent nombre de nos frères et sœurs de l’industrie automobile, et s’étendra à une guerre généralisée contre les droits sociaux et démocratiques de tous les travailleurs.
C’est ce que démontrent les mesures prises par Trump pour renverser la Constitution et détruire le droit du sol. Selon ce plan, les droits de citoyenneté ne seront plus garantis à tous ceux qui sont nés aux États-Unis, mais seulement à ceux qui démontrent leur «obéissance» et leur «allégeance» au gouvernement. Cela signifie que tout travailleur qui fait grève ou proteste contre les projets de coupes dans la Sécurité sociale et d’autres services essentiels pour financer les baisses d’impôts pour le patronat pourrait être privé de ses droits démocratiques les plus élémentaires.
Le nationalisme « América First » va de pair avec la nouvelle guerre impérialiste. Depuis deux ans, Fain promeut l’«arsenal de la démocratie» sous la présidence de Biden. Il a puisé ce slogan dans l’économie de guerre de la Seconde Guerre mondiale afin de préparer la classe ouvrière à la troisième guerre mondiale. Mais à présent Trump abandonne le prétexte que les guerres sont menées au nom de la «démocratie» et déclare ouvertement son intention de s’emparer de ressources et de territoires en annexant le Groenland, le canal de Panama et peut-être même le Canada.
Ce sont les travailleurs et leurs enfants qui seront envoyés combattre dans ces guerres; et c’est la classe ouvrière qui les paiera.
La classe ouvrière est une classe internationale qui est aujourd’hui plus soudée par un processus unique de production mondiale qu’à toute autre période de l’histoire. Les travailleurs d’Amérique ne peuvent pas se défendre aux dépens des travailleurs de tous les autres pays.
La solution pour les travailleurs n’est pas l’« Amérique d’abord », mais l’unité de la classe ouvrière du monde entier, qui comprend les travailleurs de VW luttant contre les suppressions d’emplois massives en Allemagne et les ceux de Stellantis en Italie, au Royaume-Uni et dans d’autres pays.
En 2022, je me suis présenté à la présidence de l’UAW sur la base d’une telle plateforme. J’ai lié la lutte pour l’unité internationale de la classe ouvrière à la politique socialiste, qui inclut l’expropriation de l’oligarchie des trusts et de la finance et la réorganisation de la vie économique et politique pour répondre aux besoins de la classe ouvrière. En opposition aux Socialistes démocrates d’Amérique, à l’UAWD, à Labor Notes et à tous ceux qui prétendaient que Fain réformerait le syndicat, j’ai insisté sur le fait que les travailleurs devaient abolir l’appareil de l’UAW et mettre le pouvoir entre les mains des travailleurs de la base.
À présent, comme le président de l’UAW lui-même, ces forces pseudo de gauche qui ont promu Fain s’avèrent n’être que des complices de Trump et de son gouvernement fasciste.
A mesure que les intérêts de classe que Trump représente deviennent évidents pour des millions de gens, y compris ceux qui ont voté pour lui, l’opposition de la classe ouvrière va grandir. Mais cette rébellion ne peut se développer que si les travailleurs rejettent consciemment le poison nationaliste et pro-capitaliste longtemps promu par la bureaucratie de l’UAW et les deux partis contrôlés par la grande entreprise.
Cela signifie étendre l’Alliance ouvrière internationale des comités de base à chaque usine et lieu de travail. La lutte contre les suppressions d’emplois et l’exploitation capitaliste doit être associée à la défense de nos collègues immigrés et à l’opposition aux guerres pour le profit. L’immense richesse et la concentration du pouvoir économique entre les mains de Musk et d’autres oligarques doivent être brisées et leurs vastes fortunes privées expropriées afin qu’elles puissent être utilisées pour les besoins de la société. C’est la seule façon de garantir des emplois et un niveau de vie élevé pour tous et de faire triompher la démocratie sur le fascisme et la dictature.
(Article paru en anglais le 22 janvier 2025)