En réponse à la fermeture des entrepôts d’Amazon au Québec:

Il faut une vaste mobilisation industrielle et politique de la classe ouvrière

La déclaration qui suit a été diffusée par des supporteurs du Parti de l’égalité socialiste (Canada) lors d’une manifestation organisée le 15 février à Montréal par les syndicats en guise de protestation contre la fermeture des entrepôts d’Amazon au Québec.

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La décision du géant américain Amazon de fermer ses sept installations situées au Québec et de sabrer plus de 4.500 emplois est une déclaration de guerre non seulement à ses employés québécois et canadiens, mais à tous ses ouvriers dans le monde et à l’ensemble de la classe ouvrière internationale.

Une banderole en tête de manifestation prônant le boycott d’Amazon

Il ne fait aucun doute que la décision du multimilliardaire Jeff Bezos de fermer ses installations québécoises est une réaction aux tentatives de syndicalisation des employés de la province. En mai dernier, la compagnie avait été contrainte par le Tribunal administratif du travail (TAT) d’entamer le processus de négociations pour une première convention collective avec ses employés de l’entrepôt de Laval. Lorsque la Confédération des syndicats nationaux (CSN) – le syndicat auquel sont accrédités les travailleurs – a annoncé sa volonté d’entamer une démarche d’arbitrage, la compagnie a mis la clé dans la porte.

Amazon applique le principe dictatorial de l'oligarchie financière et patronale qu’elle incarne: tout effort des travailleurs pour résister à leurs conditions d’exploitation sera traité de façon impitoyable. La réponse de la CSN et de ses alliés dans la bureaucratie syndicale, toutefois, a été de capituler. Derrière ses dénonciations verbales de l’entreprise, la CSN ne fait rien pour s’opposer sérieusement aux fermetures et aux licenciements de masse des travailleurs qu’elle dit «représenter». Elle leur dit plutôt de placer leur confiance dans un recours juridique qui ne pourra en rien empêcher les fermetures.

Amazon, représentant de l’oligarchie

Les travailleurs confrontent une mégaentreprise multinationale d’une valeur de plus de 2000 milliards de dollars qui étend ses tentacules dans une multitude de domaines : du commerce en ligne à la livraison, en passant par la production cinématographique, le secteur médical et l’industrie militaire, pour ne nommer que ceux-ci. Amazon possède des installations aux quatre coins du globe et emploie plus de 1,5 million d’employés.

Sa surexploitation de la main-d’œuvre à travers des bas salaires, des conditions précaires, un régime de production inhumain, une négligence pour la sécurité et une surveillance continue ont fait du terme «amazonification» un mot-clé dans le milieu des affaires pour qualifier ces méthodes de gestion brutales. En annonçant la fermeture des installations au Québec, la direction a indiqué qu’elle retournait à «un modèle de distribution par des tiers», c’est-à-dire le recours à des livreurs considérés comme des «sous-traitants» sans lien d’emploi, donc sans avantages sociaux ni protections.

Ces méthodes sont aujourd’hui répliquées par toutes les grandes entreprises dans une guerre pour les profits à travers l’exploitation accrue des travailleurs et les mises à pied massives. 55 000 postiers ont justement mené une grève de plusieurs semaines pour contrer les efforts de Postes Canada pour «amazonifier» le service postal avant que le gouvernement fédéral de Justin Trudeau n’intervienne contre les travailleurs et force un retour au travail en décembre.

Avec une richesse personnelle de plus de 175 milliards de dollars, le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, est la personnification de la brutalité capitaliste et de l’oligarchie qui trône à son sommet. Cependant, la domination de cette oligarchie sur toute la vie économique et sociale ne pourrait être possible sans la collaboration directe des gouvernements, qui offrent des subventions sur un plateau d’argent, de bas impôts et une main-d’œuvre bon marché.

Ce n’est pas un hasard qu’Amazon annonçait son massacre des emplois au Québec quelques jours après l'investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, cérémonie à laquelle ont participé Bezos, Elon Musk et d’autres multimilliardaires pour signaler leur plein appui à Trump et à son programme de contre-révolution sociale. Cette décision est un signal que l’oligarchie fait la loi et que l’establishment politique est totalement à son service.

De manière similaire, loin de s’opposer aux diktats d’Amazon, le Premier ministre du Québec, François Legault, a simplement qualifié la suppression de 4500 emplois de «décision d’affaires d’une compagnie privée».

Une lutte de classe internationale est nécessaire

Pour combattre le géant Amazon, les travailleurs doivent élaborer une stratégie à la mesure de leur adversaire. Ils doivent d’abord comprendre qu’ils sont dans une lutte qui dépasse le simple cadre d’une négociation collective ou même la tentative d’établir un syndicat. Ils sont dans une lutte politique contre l’oligarchie et toute la classe dirigeante capitaliste. La seule stratégie possible est celle d’une lutte de classes dans laquelle toute la force sociale de la classe ouvrière doit être mobilisée.

La capacité de l’entreprise de fermer des installations et de restructurer ses services en un claquement de doigts et à sa guise démontre qu’une stratégie locale et même nationale est impossible. Face à une transnationale qui mène ses activités dans plus de 50 pays, les travailleurs doivent eux aussi s’unir à leurs collègues internationaux et développer une contre-offensive autour d’un programme commun.

Il y a un immense potentiel pour mobiliser la classe ouvrière en soutien dans une lutte contre Amazon, car partout les travailleurs confrontent la même réalité: attaques contre leurs droits et leurs conditions de vie, risque de guerre mondiale, crise environnementale, etc. Les travailleurs d’Amazon doivent donc se tourner vers leurs véritables alliés : les travailleurs de tous les secteurs et dans tous les pays – des transports à la logistique en passant par le commerce, les postes, mais aussi le secteur public et au-delà.

Les travailleurs ont impérativement besoin d’organisations de lutte pour se protéger des attaques patronales, mais en se tournant vers la bureaucratie syndicale ils ne trouveront que déception et trahison. Au cours des quatre dernières décennies, les appareils syndicaux ont saboté une lutte ouvrière après l’autre, collaborant avec le patronat et le gouvernement en coulisses pour étouffer la lutte de classe et faciliter l’imposition des coupures.

Un tournant vers la classe ouvrière n’est possible que si les travailleurs créent de nouvelles formes d’organisation: des comités de base, par et pour les travailleurs, indépendamment des appareils syndicaux pro-capitalistes. À moins qu’ils n’empruntent cette voie, leur lutte sera torpillée par la CSN.

LA CSN et toute la bureaucratie syndicale ont clairement démontré leur incapacité et leur désintérêt à défendre les emplois. Ils refusent de mobiliser l’appui populaire derrière leurs membres et lancent plutôt des appels futiles au gouvernement ultra-conservateur de Legault, ce même gouvernement qui a donné carte blanche à Amazon et qui a salué la criminalisation de la grève des postiers par le gouvernement fédéral de Trudeau.

Au départ, la CSN a répondu à l’intransigeance de la compagnie non pas en lançant un mouvement de grève et en élargissant l’opposition, mais en demandant l’arbitrage au gouvernement Legault. En fait, l’arbitrage, comme les lois spéciales anti-grève, fait partie intégrante du système de négociation collective totalement truqué en faveur du patronat par lequel les syndicats enchaînent les travailleurs.

La fraude du «boycott» d’Amazon

Disons-le franchement: les travailleurs doivent rejeter la campagne nationaliste de «boycottage» d’Amazon, qui est tout le contraire de la lutte de classe nécessaire à l’émancipation des travailleurs.

Comme la présidente de la CSN, Caroline Senneville, l’a elle-même reconnu, un boycott individuel n’aura aucun impact réel sur la compagnie. «Quelques millions de moins de chiffre d’affaires pour Amazon, ce n’est peut-être pas des tonnes», a-t-elle dit, en ajoutant: «Mais quelques millions de plus dans le chiffre d’affaires des entreprises québécoises, ça peut faire la différence entre une entreprise québécoise qui survit, puis une entreprise québécoise qui progresse».

Ceci fait partie de la tentative de longue date des syndicats d’attacher la classe ouvrière à la classe dirigeante québécoise et canadienne, dans le contexte d’une guerre de tarifs réactionnaire entre l’impérialisme américain et canadien depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Le tournant nationaliste-chauvin des syndicats et leur rejet d’une stratégie internationale pour unir la classe ouvrière sont le résultat de leur enracinement dans le système de profit et de l’État-nation. Face à la mondialisation de l’économie qui s’est développée au tournant des années 1980, et à la domination des transnationales, les syndicats ont réagi en s’intégrant toujours plus dans les structures de «leur» État capitaliste national.

Agissant aujourd’hui comme police industrielle dédiée à maintenir la «paix sociale» en appliquant les coupures et les lois anti-grève de l’État, les chefs syndicaux jouissent de relations cordiales avec le patronat et les gouvernements qui leur assurent de nombreux privilèges financiers.

Pour ces appareils bureaucratiques, la syndicalisation de nouvelles sections de travailleurs, comme ceux d’Amazon, est une source additionnelle de cotisations et un moyen d’offrir leurs services en tant que gendarme de la grande entreprise sur les lieux de travail.

Établissez des comités de base pour défendre tous les emplois

Un comité de base des travailleurs d’Amazon aurait pour tâche première de prendre contact avec les travailleurs d’Amazon à travers le monde, ainsi que les travailleurs du secteur de la logistique comme ceux des postes ou de Purolator, afin de mener une véritable lutte pour préserver les emplois et les conditions de travail de tous.

Ce comité jouirait du plein appui de L'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), soutenue par le World Socialist Web Site, qui lutte pour une contre-offensive ouvrière à l’austérité et la guerre par la création de comités sur chaque lieu de travail.

Grâce à l'IWA-RFC, les travailleurs établiront des lignes de communication directes et coordonneront leurs luttes au-delà des frontières nationales. Ces comités lutteront pour le pouvoir ouvrier contre les attaques patronales et les trahisons des chefs syndicaux.

En dernière analyse, une telle mobilisation est indissociable d’une lutte politique contre le système capitaliste, afin de briser l’emprise de géants comme Amazon sur la société et exproprier les fortunes mal acquises des Bezos, Elon Musk et cie, dans le cadre d’une profonde transformation de l’économie mondiale pour satisfaire les besoins sociaux de tous.

Tous ceux qui partagent cette perspective sont invités à contacter dès maintenant le World Socialist Web Site.