Air Canada exige l’intervention du gouvernement contre 10 000 agents de bord qui devraient déclencher la grève samedi

Le personnel de cabine d'Air Canada, membre du SCFP, organise une manifestation en Colombie-Britannique dans le cadre d'une journée d'action nationale le 11 août 2025. [Photo: British Columbia Federation of Labor]

Quelque 10 000 agents de bord d'Air Canada devraient se mettre en grève tôt samedi matin, ce qui serait la première grève nationale du personnel de cabine de la compagnie aérienne depuis quatorze ans. Une grève perturberait les activités de la plus grande compagnie aérienne du Canada, qui représente plus de la moitié de la capacité de transport de passagers du secteur et assure près de 1000 vols par jour.

Le déclencheur immédiat est l'échec des négociations contractuelles, après l'expiration en mars d'un accord décennal signé en 2015. Cet accord, imposé par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), a contraint les travailleurs à accepter une stagnation des salaires pendant dix ans, tandis que l'inflation érodait progressivement leurs revenus réels.

Le salaire annuel moyen d'un agent de bord d'Air Canada s'élève actuellement à environ 53 000 dollars, les nouveaux employés gagnant moins, voire nettement moins de 40 000 dollars par an, en fonction de leurs heures de vol et des types de liaisons. Au cours du dernier quart de siècle, les salaires des nouveaux arrivants n'ont augmenté que de 10 %. Les membres d'équipage débutants sont payés des salaires de misère pour un travail qui exige des déplacements constants, des horaires irréguliers et une responsabilité directe pour la sécurité des passagers.

Pire, les agents de bord ne sont pas rémunérés pour les tâches essentielles avant l'embarquement et après le débarquement, notamment les contrôles de sécurité et l'assistance aux passagers. En fait, leur salaire ne commence à être versé qu'à partir du moment où l'avion quitte la porte d'embarquement de l'aéroport.

Les agents de bord sont extrêmement mécontents de l'érosion de leur salaire réel, alors que la compagnie aérienne a réalisé des profits exceptionnels, à l'exception des pires années de la pandémie de COVID-19. 94,6 % des agents de bord ont participé au vote de grève, celle-ci ayant été approuvée à 99,7 %.

Air Canada a proposé ce qu'elle qualifie de « généreuse » augmentation de 38 % sur quatre ans, dont 25 % la première année, ainsi qu'une rémunération de 50 % pour les tâches effectuées avant le décollage et de prétendues améliorations des pensions et des dispositions relatives au repos. L'augmentation réelle des salaires proposée serait en réalité plus proche de 17,2 % et laisserait sans réponse la question fondamentale du travail non rémunéré.

La compagnie aérienne a réagi en menaçant de procéder à un lock-out et a commencé à annuler des vols par étapes avant un arrêt complet, menaçant de bloquer jusqu'à 130 000 passagers par jour.

Le 11 août, Air Canada a demandé au gouvernement fédéral d'intervenir pour imposer un arbitrage exécutoire afin de résoudre toutes les questions en suspens. Le SCFP a rejeté ce plan. Le lendemain, la compagnie a officiellement demandé au gouvernement libéral fédéral d'invoquer l'article 107 du Code canadien du travail afin d'imposer un arbitrage exécutoire avant que toute grève ou tout lock-out ne puisse prendre effet. Dans une déclaration publique, Air Canada a ouvertement fait référence à des «précédents avérés » d'interventions gouvernementales récentes visant à mettre fin ou à court-circuiter des grèves des travailleurs de Postes Canada, des chemins de fer, des ports et des compagnies aériennes, indiquant clairement qu'elle s'attendait à ce qu'Ottawa joue une fois de plus le rôle de briseur de grève.

Il ne s'agit pas d'une menace hypothétique. Les gouvernements successifs, tant libéraux que conservateurs, ont utilisé à plusieurs reprises les dispositions anti-travailleurs du Code canadien du travail et ont élaboré de nouvelles interprétations afin de criminaliser les grèves et d'imposer des reculs sans avoir à passer par le Parlement pour faire adopter une loi de retour au travail.

En décembre dernier, les libéraux ont interdit une grève des travailleurs de Postes Canada et les ont contraints à voter au début du mois sur des reculs contractuels dictés par la direction. Des mesures similaires ont été utilisées pour bloquer des grèves dans les secteurs ferroviaire et portuaire ces dernières années. L'objectif est le même dans tous les cas : maintenir les travailleurs sous contrôle et faire en sorte que les profits tirés de leur travail continuent d'alimenter les comptes bancaires de la classe dirigeante en imposant la « paix sociale » selon les conditions dictées par les entreprises canadiennes.

Les agents de bord ont déjà emprunté cette voie. En 2011, le SCFP a annoncé un préavis de grève, pour le retirer quelques heures avant le début du mouvement, après que le gouvernement conservateur ait menacé de recourir à une loi de retour au travail et que le Conseil canadien des relations industrielles, non élu, ait suspendu leur droit de grève. Le SCFP s'est docilement plié à cette décision, renvoyant le conflit à l'arbitrage. Cette capitulation a désorienté les travailleurs, démobilisé leur lutte et ouvert la voie à l'accord de compromis de dix ans dont l'expiration a déclenché le conflit actuel. La leçon est claire : faire appel à l'État ou s'en remettre à son mécanisme d'arbitrage « neutre » mène inévitablement à la défaite.

Le gouvernement libéral du premier ministre Mark Carney se positionne déjà pour intervenir afin de défendre les profits d'Air Canada. Bien que la ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, se soit jusqu'à présent contentée d'appeler « les deux parties » à parvenir à un accord négocié, le bilan des libéraux pro-patronat ne laisse aucun doute sur le fait que le gouvernement agira pour empêcher une grève qui perturberait les activités de l'une des plus grandes sociétés canadiennes. L'invocation de l'article 107 plane sur le conflit comme une arme visant à priver les travailleurs de leurs droits démocratiques les plus fondamentaux.

Tout en prenant position contre la perspective d'un arbitrage exécutoire imposé par le gouvernement, le SCFP a limité sa stratégie à des appels à la négociation « de bonne foi » et à une campagne de lettres aux députés, c'est-à-dire aux personnes mêmes qui imposent les diktats de la classe dirigeante, notamment des augmentations de plusieurs milliards de dollars des dépenses militaires pour mener des guerres dans le monde entier et des subventions massives à l'oligarchie financière et aux grandes entreprises canadiennes. Il ne s'agit pas d'une stratégie pour gagner, mais d'un effort délibéré pour maintenir la lutte dans le carcan d'un système de relations de travail conçu par les entreprises et appliqué par l'État.

La détermination du SCFP à étouffer le pouvoir social des agents de bord d'Air Canada découle de ses liens étroits avec l'État et les dirigeants d'entreprise. En tant que plus grand syndicat du pays en termes d'adhérents, le SCFP est un pilier essentiel du soutien que la bureaucratie syndicale apporte depuis des décennies aux libéraux, y compris aux gouvernements libéraux pro-guerre et pro-austérité dirigés par Trudeau et Carney au cours de la dernière décennie.

Les conditions intolérables auxquelles sont confrontés les agents de bord d'Air Canada s'inscrivent dans une détérioration plus générale des conditions de travail de l'ensemble de la classe ouvrière. Partout au pays et à l'échelle internationale, les gouvernements et les entreprises utilisent l'inflation, la restructuration des entreprises et les mesures légales soutenues par l'État pour faire baisser les salaires réels, intensifier la charge de travail et éroder la sécurité d'emploi. Les postiers, les cheminots, les débardeurs, les fonctionnaires et les enseignants de tout le Canada ont tous été confrontés à la même combinaison d'employeurs intransigeants, d'intervention de l'État et d'une bureaucratie syndicale totalement engagée à défendre le capitalisme canadien en imposant la crise sur le dos des travailleurs qu'elle prétend représenter.

L'issue de la lutte des agents de bord aura des conséquences profondes. Si Air Canada parvient à utiliser le gouvernement pour imposer l'arbitrage, cela encouragera d'autres employeurs à faire de même, renforçant ainsi le précédent selon lequel le droit de grève n'existe qu'à la discrétion de l'État. Cela constituerait un pas important vers l'interdiction de facto des grèves dans des secteurs clés de l'économie.

Pour éviter une telle défaite, les agents de bord doivent prendre en main la conduite de la lutte. Cela signifie former des comités de base dans chaque lieu de travail, indépendants de la bureaucratie du SCFP, afin d'unifier les agents de bord et de relier leur lutte à celle des travailleurs d'autres industries confrontés à des attaques similaires au Canada, aux États-Unis et à l'échelle internationale. Ces comités organiseront des réunions de masse, appelleront directement à l'aide les travailleurs des chemins de fer, des postes, des ports et du secteur public, et prépareront des actions communes pour défier les lois antigrève et les mesures briseuses de grève du gouvernement.

La lutte chez Air Canada ne concerne pas une seule convention collective ou une seule entreprise. Il s'agit de défendre les droits les plus fondamentaux de la classe ouvrière contre une élite dirigeante déterminée à les détruire. Le choix qui s'offre aux travailleurs est clair : se soumettre à l'arbitrage et accepter une nouvelle série de baisses salariales et de travail non rémunéré, ou mobiliser leur force collective pour remporter une véritable victoire. La première étape consiste à rompre avec le cadre qui a conduit à des défaites successives et à organiser un mouvement qui placera les besoins des travailleurs au-dessus des profits.

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