Ceci est la première partie de la conférence « Socialisme internationaliste contre réformisme nationaliste » donnée par Clara Weiss, Chris Marsden et Peter Symonds lors de l'Université d'été 2025 du Parti de l'égalité socialiste (États-Unis) sur l'histoire de l’enquête La sécurité et la Quatrième Internationale. Pour compléter cette partie de la conférence, nous encourageons les lecteurs à étudier l'essai de Léon Trotsky « Vers le socialisme ou le capitalisme », dont la traduction révisée sera publiée sur le World Socialist Web Site.
Cette conférence se concentrera sur les expériences stratégiques de la révolution internationale, sur la base desquelles le mouvement trotskyste s'est consolidé comme unique continuation du marxisme révolutionnaire aux XXe et XXIe siècles. Au cœur de la lutte historique du trotskysme contre le stalinisme se trouvait la perspective de la révolution socialiste internationale. L'un des premiers grands domaines où ce conflit fondamental portant sur la perspective historique et l’orientation de classe a émergé fut celui de la politique économique soviétique. Le 15 octobre 1923, 46 Vieux bolcheviks ont déclaré leur solidarité politique avec les positions de Léon Trotsky sur les questions de politique économique et de démocratie interne du parti. Ils exigeaient l'élimination du «régime de factions», la consolidation de la planification et le renforcement de l'industrie soviétique. [1] Pour comprendre les questions de classe impliqués dans ce conflit, il est tout d'abord nécessaire d'expliquer, ne serait-ce que brièvement, les origines et la nature de l'économie soviétique.
Les origines de l'économie soviétique
La stratégie économique de Trotsky dans la lutte contre le stalinisme était une concrétisation de sa conception de la révolution permanente. Comme l'a expliqué le camarade Christoph Vandreier lors de sa précédente conférence, il avait prévu, plus tôt et plus clairement que quiconque, que la transformation révolutionnaire en Russie prendrait un caractère socialiste et international. L'analyse de Trotsky se distinguait par son approche internationale : il partait non pas du développement économique russe, mais de l'émergence d'une économie mondiale intégrée et de toute l'évolution historique de la révolution sociale. Sur cette base, il reconnut que les pays à développement économique tardif comme la Russie ne reproduiraient pas simplement le développement de la France ou de l'Angleterre. Au contraire, du fait de leur intégration au système capitaliste mondial, ils connaîtraient un processus de « développement combiné et inégal ».
Si avant 1917 la Russie était encore à bien des égards un pays arriéré et majoritairement agraire, les capitaux et la technologie nécessaires à son industrialisation avaient été fournis par les principaux pays impérialistes européens. De ce fait, les usines russes disposaient des équipements technologiques les plus avancés. La classe ouvrière, bien que relativement peu nombreuse, était fortement concentrée. Par ses exportations agricoles, l'économie paysanne devint elle aussi dépendante du marché mondial. La bourgeoisie russe, quant à elle, était aussi dépendante du capital financier mondial qu'elle était impuissante face au tsarisme.
Trotsky reconnut que, dans ces conditions, la classe ouvrière était la seule classe capable de réaliser les tâches non résolues de la révolution démocratique bourgeoise. Mais elle serait obligée de le faire par la prise de mesures socialistes. Alors que Lénine, avant 1917, envisageait une dictature de deux classes, la classe ouvrière et la paysannerie, Trotsky comprenait que, comme classe dépendant de la propriété privée de ses moyens de production, la paysannerie finirait par entrer en conflit avec les mesures socialistes de la révolution. Un conflit ouvert entre la classe ouvrière et la paysannerie ne pouvait être évité que par l'extension de la révolution aux pays plus avancés, ce qui permettrait une élévation rapide et considérable des forces productives. Il préconisait donc une dictature de la classe ouvrière, en alliance avec la paysannerie pauvre, comme point de départ et élément essentiel de la refonte socialiste de l'économie mondiale.
Cette perspective s'est confirmée dans toute la dynamique du processus révolutionnaire, qui a immédiatement acquis une dimension internationale, politique et économique. Les conquêtes de la révolution d'Octobre ont eu un impact considérable non seulement sur le capitalisme russe, mais aussi sur l'impérialisme mondial. Quelles étaient ces conquêtes sur le plan socio-économique ?
Tout d'abord, le gouvernement révolutionnaire a exproprié toutes les grandes banques et annulé la dette extérieure de la Russie. À l'époque, la Russie était le plus grand débiteur extérieur du monde, cela eut donc un impact énorme sur le capital étranger.
Deuxièmement, il a exproprié et nationalisé les grandes entreprises, y compris celles appartenant à des sociétés allemandes, françaises, belges, britanniques ou japonaises.
Troisièmement, les bolcheviks ont instauré un monopole du commerce extérieur. Cela signifiait que toutes les exportations et importations étaient supervisées et réglementées par l'État soviétique.
Quatrièmement, les bolcheviks ont institué, même si c'était sous une forme rudimentaire, les fondements de la planification socialiste.
Dès sa prise du pouvoir, la république soviétique fut envahie presque immédiatement par des armées impérialistes, venues notamment d'Allemagne, de France, de Grande-Bretagne, des États-Unis et du Japon. L'Armée rouge, dirigée par Léon Trotsky, dut défendre et étendre les conquêtes de la révolution par la lutte armée. Mais malgré l'éruption de mouvements révolutionnaires en Italie, en Allemagne et en Hongrie, la classe ouvrière échoua à prendre le pouvoir en raison de la trahison de la social-démocratie. De ce fait, lors de sa formation en décembre 1922, l'Union soviétique resta limitée à de vastes pans de l'ancien Empire russe.
Mais si la révolution avait aboli la domination du capital à l'intérieur des frontières de l'URSS, elle n'avait pas soustraite celle-ci à l'impact de la dynamique de l'économie mondiale et de l'impérialisme. Étant donné l'isolement de la révolution, cette dynamique se répercutait désormais sur les rapports de classe au sein de l'URSS, en particulier entre la classe ouvrière et la paysannerie. Ce conflit social fondamental entre l'impérialisme et la révolution socialiste, ou, autrement dit, entre la bourgeoisie mondiale et la classe ouvrière, trouva son expression politique dans la lutte toujours plus violente de la bureaucratie stalinienne contre le mouvement trotskyste.
La nouvelle politique économique
Au printemps de 1921, les dirigeants bolcheviques introduisirent la « Nouvelle Politique Économique » (NEP), qui impliquait d'importantes concessions au capital privé. Les immenses sacrifices de la guerre civile – la perte de millions d'ouvriers et de paysans à cause de la guerre, de la famine et des maladies, ainsi que la destruction d'une grande partie des infrastructures industrielles et de transport du pays – avaient épuisé la population. La paysannerie était au bord de la révolte. Les revers de la révolution internationale signifiaient que la république soviétique resterait isolée bien plus longtemps que prévu. Dans ces conditions, des concessions au capital privé furent nécessaires pour enrayer l'effondrement en cours et permettre une reprise économique.
En quoi consistait la NEP ? Les paysans étaient autorisés à exercer le commerce privé pour vendre leurs produits. Dans les villes, des principes élémentaires de gestion des entreprises privées ont été réintroduits.
Contrairement à la situation d'avant 1917 cependant, l'État soviétique conservait le contrôle du commerce extérieur. Autrement dit, les paysans ne pouvaient pas exporter seuls leurs céréales et autres produits, et les dirigeants industriels ne pouvaient pas simplement importer des produits manufacturés moins chers des pays capitalistes avancés. L'industrie et les transports restaient nationalisés à 90 pour cent. Les leviers financiers étaient également aux mains de l'État. Il y avait donc une lutte constante entre un secteur essentiellement capitaliste, centré sur l'agriculture, et un secteur socialiste, centré sur l'industrie. Les couches sociales qui bénéficiaient le plus du «secteur capitaliste» étaient les commerçants privés, les paysans aisés, les «managers rouges» et les sections de la bureaucratie d'État impliquées dans le commerce privé et en assurant la médiation. La classe ouvrière était la principale classe dépendante du secteur socialiste et liée à celui-ci.
En 1923, il était clair que la NEP avait anticipé un effondrement économique et facilité la reprise. Mais cette reprise fut très inégale. L'industrie avait beaucoup plus souffert et s'était rétablie moins rapidement que l'agriculture. [16] Entre-temps, les commerçants privés – c'est-à-dire les paysans et les commerçants riches (les « NEPmen ») – dominaient le commerce des céréales. Le danger était donc que la reprise économique renforce non pas la position de la classe ouvrière, mais celle des tendances pro-capitalistes de la société soviétique, concentrées dans les campagnes. Autrement dit, les succès mêmes de la reprise économique posaient avec acuité la question : vers le capitalisme ou vers le socialisme ?
Trotsky avait identifié ce problème fondamental dès avril 1923. Dans son rapport au XIIe Congrès du Parti, il avait utilisé l'expression « crise des ciseaux ». L'effondrement de l'industrie et son incapacité à produire des biens industriels de haute qualité et à bas prix pour les campagnes avaient entraîné une divergence croissante entre les prix des biens industriels (achetés en grande partie par les paysans) et ceux des produits agricoles (achetés en grande partie par les ouvriers) – ce que l'on appelle les « ciseaux ». En d'autres termes, l’industrie ne pouvait pas satisfaire la demande.
Cela imposait des limites non seulement à la consommation, mais aussi aux exportations et aux importations. Ceci, à son tour, entravait encore davantage le développement de l'industrie. Dans ce contexte, même une bonne récolte présentait de sérieux dangers : elle accentuait l'incapacité des villes à satisfaire la demande des campagnes et à écouler leurs produits. Cela constituerait une incitation supplémentaire à encourager les commerçants privés et les paysans riches dans leurs efforts pour s'intégrer directement au capital mondial et exporter des céréales hors du contrôle de l'État soviétique, c'est-à-dire en supprimant le monopole du commerce extérieur. S'ils y parvenaient, ils deviendraient la base sociale de la restauration du capitalisme et de l'élimination des acquis d'Octobre. Quelle était alors la solution?
Entre 1923 et 1927, Trotsky et l'Opposition expliquèrent que cette disproportion entre agriculture et industrie ne pouvait être surmontée que par une approche planifiée du développement de l’industrie. Parallèlement, l'État devait accroître les exportations de céréales et utiliser les recettes pour financer l'industrialisation. Plus important encore, Trotsky reconnut que chaque avancée de l'économie soviétique accentuait inévitablement sa dépendance du marché capitaliste mondial. En 1925, Trotsky expliquait :
C'est précisément grâce à nos réalisations que nous sommes entrés sur le marché mondial, c'est-à-dire que nous avons intégré la division mondiale du travail, tout en demeurant dans un environnement capitaliste. Dans ces conditions, le rythme de notre développement économique déterminera la force de notre résistance à la pression économique du capital mondial et à la pression militaro-politique de l'impérialisme mondial. [2]
La question était de savoir comment les dirigeants soviétiques géreraient et réguleraient ce processus afin d'en tirer le maximum de bénéfices pour la classe ouvrière. Dans le cas contraire, les forces pro-capitalistes de la société soviétique exploiteraient inévitablement ce même processus à leur profit.
Trotsky insistait pour que les ressources technologiques les plus avancées et, autant que possible, le capital du marché mondial soient utilisés pour accélérer le développement de l'industrie soviétique et améliorer la qualité de sa production. Sinon, l'industrie soviétique continuerait inévitablement à prendre du retard sur l'industrie capitaliste mondiale. Pour citer Trotsky : « Nous ne pourrons accélérer notre développement que si nous sommes capables d'utiliser les ressources offertes par la division internationale du travail. » [3]
Cette approche internationale de la politique économique soviétique, fondée sur une évaluation marxiste de la domination objective de l'économie mondiale, fut répudiée par le programme autarcique du «socialisme dans un seul pays». Proclamé par Staline en décembre 1924, il impliquait une réaction contre l'internationalisme révolutionnaire et le marxisme, tant sur le plan politique qu'économique.
L'histoire et le contenu de classe du «socialisme dans un seul pays»
À première vue, cette conception pouvait paraître absurde. En effet, elle comportait, comme Trotsky le soulignait souvent, une composante «métaphysique», c'est-à-dire irrationnelle. Cependant, politiquement et théoriquement, l'idée de construire le «socialisme dans un seul pays s'inscrivait dans une longue tradition et représentait un véritable intérêt de classe. Elle avait ses racines dans la même perspective national-réformiste qui avait inspiré la politique de l'aile révisionniste de la social-démocratie, culminant avec sa trahison de 1914. L'un des principaux théoriciens du réformisme nationaliste, Georg von Vollmar, avait formulé la conception d'un «État socialiste isolé» dans un essai de 1878. Ferdinand Lassalle, l'un des fondateurs du mouvement socialiste allemand, avait avancé une orientation national-étatiste encore plus tôt.
Lassalle considérait l'État non comme un instrument de domination de classe, mais comme une entité supra-classe garante du progrès social. Il appela le gouvernement prussien à accorder des réformes à la classe ouvrière et à accélérer le développement industriel de l'Allemagne. Lassalle était convaincu que le socialisme pouvait et, de fait, devait être réalisé dans un cadre national. Il concevait le socialisme comme le fruit de la lutte non pas de la classe ouvrière, mais de la «nation». En 1864, il écrivait : « Le marché mondial appartient à la nation qui décidera la première d'entreprendre cette transformation sociale [le socialisme] à grande échelle. Ce sera la récompense méritée de son énergie et de sa détermination. » [4] Lassalle et von Vollmar élaborèrent ainsi une sorte de « socialisme d'État bourgeois » qui permettrait un développement plus efficace et plus rapide de l'Allemagne bourgeoise et sa domination à l'échelle mondiale.
Comme eux, Staline et Boukharine ne procédaient pas de l'économie mondiale et la lutte des classes internationale, mais d’un cadre national étroit. Boukharine déclarait que les forces du marché libérées par la NEP ne menaceraient pas le développement socialiste, mais favoriseraient bien plutôt une transition pacifique vers le socialisme, dans la seule Russie, à une vitesse de « tortue ». Boukharine affirmait que la simple existence de l'État soviétique garantissait l'évolution vers le socialisme dans un seul pays. Comme il le dit, «le cadre général de l'évolution de notre pays est prédéterminé par la structure de la dictature du prolétariat.» [5]
De telles conceptions constituaient une déclaration de fait que la lutte des classes, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'URSS, était inexistante, ou du moins sans conséquence pour le sort de la révolution. C'était la recette idéale pour se prosterner devant les ennemis les plus acharnés de la classe ouvrière et de la révolution, et pour se montrer complaisant face à la menace d'une intervention militaire de l'impérialisme et à sa prédominance économique encore écrasante.
En termes de classe, le «socialisme dans un seul pays» exprimait les intérêts des couches sociales pro-capitalistes, encouragées par la NEP. Parmi elles figuraient non seulement les paysans et les commerçants riches, mais aussi un grand nombre d'anciens fonctionnaires de l'époque tsariste, réintégrés dans l'appareil économique et étatique et formant une part importante de la bureaucratie. Dans la mesure où ils soutenaient l'État soviétique, il le faisaient parce qu'ils le voyaient comme une continuation de l'ancien État russe. Tantôt ouvertement, tantôt tacitement, ils exprimaient l'espoir que le programme socialiste de la révolution d'Octobre serait abandonné au profit de ce qu'ils considéraient comme le «véritable enjeu»: un grand renouveau national de la Russie.
Leurs sentiments furent articulés sans détour par Nikolaï Oustrailov, chef de la tendance dite « nationale-bolchevique ». L'Opposition fit le lien entre le « national-bolchevisme » – une tendance essentiellement contre-révolutionnaire – parmi des intellectuels et bureaucrates soviétiques et la politique économique des dirigeants staliniens. Elle avertit que la « politique Oustrailovienne » impliquerait « un développement des forces productives sur une base capitaliste, par le biais d'une érosion progressive des conquêtes d'Octobre ». [6]
Personne n'a exprimé plus clairement cette orientation restaurationniste que Boukharine, chef de l'aile droite du parti, qui appelait ouvertement les paysans riches à «s'enrichir». Staline était le chef de ce que l'Opposition appelait la faction «centriste» au sein du Politburo : oscillant entre la gauche et la droite, elle défendait plus directement les intérêts de la bureaucratie soviétique.
En tant qu'organisme parasitaire dans la société soviétique, la bureaucratie exprimait la pression de l'impérialisme mondial sur l'État ouvrier. Dépourvue d'ancrage indépendant et de fonction essentielle dans le processus de production, elle était constamment tiraillée entre différentes forces sociales. S'engageant dans des zigzags toujours plus fiévreux, elle répondait pragmatiquement à des crises qui, le plus souvent, étaient de son fait. Le seul aspect constant de la ligne bureaucratique était sa lutte toujours plus déterminée et impitoyable contre l'aile révolutionnaire du parti dirigée par Léon Trotsky. Jusqu'en 1928, la faction stalinienne mena cette lutte en étroite alliance avec l'aile droite autour de Boukharine. C'est pourquoi Trotsky utilisa le terme de recul « centre-droite » pour la période 1924-1927. Au cours de ces années, comme les camarades Chris Marsden et Peter Symonds le discuteront dans les prochaines parties de cette conférence, la direction stalinienne a complété son adaptation aux couches bourgeoises de la société soviétique par une orientation vers la bureaucratie ouvrière réformiste en Angleterre et la bourgeoisie nationale en Chine.
L'ampleur de la lutte au sein du parti
Pour conclure cette partie de la conférence, je tiens à souligner que Trotsky avait compris très tôt que l'enjeu de cette lutte ne se limitait pas à des questions tactiques ou à des politiques individuelles, mais à la continuité du marxisme et au sort de la révolution mondiale. Cette compréhension de classe et historique déterminait toutes ses réflexions et sa conduite dans la lutte interne au parti.
Alors que la plupart des historiens ont tendance à considérer la lutte entre Trotsky et Staline comme une lutte entre deux individus, Trotsky était parfaitement conscient que, malgré la violence des attaques personnelles dont il était l'objet, il ne représentait pas seulement sa propre personne, mais aussi de puissantes forces de classe aux niveau national et, surtout, international. Lui et d'autres dirigeants de l'Opposition avaient joué un rôle fondamental dans la création de l'État soviétique, de ses institutions économiques, politiques et universitaires, ainsi que de ses forces armées. En attaquant l'Opposition, la direction stalinienne répudiait les positions et le programme politiques, et, en fin de compte, les hommes qui avaient été à la base du succès de la Révolution de 1917. Il était donc vital de préserver et de former un cadre, non seulement au sein du Parti bolchevique, mais aussi dans l'ensemble de l'Internationale communiste, basé sur une lutte pour la plus grande clarté politique sur les questions stratégiques fondamentales de l'époque.
Il convient de souligner que, dans les années 1920, l'Opposition ne se contentait pas de formuler des propositions politiques. Trotsky, Ivar Smilga, Gueorgui Piatakov et des centaines d'autres opposants faisaient partie intégrante de l'appareil économique soviétique. Ils occupaient souvent des fonctions très influentes et bénéficiaient d'un soutien important dans certaines sections du parti et de l'appareil d'État.
Ce court extrait vidéo montre Smilga et Trotsky lors de l'inauguration d'une centrale électrique, événement majeur à l'époque. En octobre 1925 encore, le New York Times considérait Trotsky, alors en charge de fonctions relativement mineures au sein de l'appareil économique, comme le «chef de l'armée industrielle russe».
Ainsi, lorsque nous parlons de lutte, les camarades ne doivent pas la percevoir comme une affaire intellectuelle. Il ne s'agissait pas d'une simple bataille sur le papier. Trotsky et ses partisans furent poussés dans une position minoritaire en raison d'un changement radical dans l'équilibre mondial des forces de classe. Mais l'issue de cette lutte était incertaine. Chaque jour, à pratiquement chaque réunion du parti, à chaque réunion d'institutions étatiques dirigeantes ou intermédiaires, dirigeants et partisans de l'Opposition se battaient pour leur politique et, de fait, étaient souvent capables de donner le ton.
Trotsky n'a jamais eu l'illusion que les contradictions de l'économie soviétique et de la révolution pourraient être résolues par des mesures économiques et un changement de politique étatique. De même que la révolution était le résultat de processus mondiaux, son sort allait se décider à l'échelle mondiale. Entre 1924 et 1927, les deux principaux champs de bataille de la révolution mondiale furent la Grande-Bretagne et la Chine.
(Article paru en anglais le 29 août 2025)
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[1] La Déclaration des 46. Traduction originale parue dans cet article :
https://www.wsws.org/fr/articles/2023/10/21/ztbo-o21.html
[2] Léon Trotsky, Towards Socialism or Capitalism. Traduction originale de C.Weiss.
[3] Ibid.
[4] Ferdinand Lassalle, Herr Bastiat-Schulze Delitzsch, der ökonomische Julian, oder: Capital und Arbeit, (Berlin: C. Ihring Nachf., 1874), p. 183.
[5] Cité dans: Platform of the Opposition: The Party Crisis and How to Overcome It (September 1927), in: The Challenge of the Left Opposition (1926-27), ed. by Naomi Allen and George Saunders, (New York: Pathfinder Press, 1980), p. 323.
[6] Ibid., p. 310.