Le sommet de la « coalition des volontaires » de Macron discute l’envoi de troupes européennes en Ukraine contre la Russie

Le président français Emmanuel Macron s'adresse au Parlement, le 8 juillet 2025. [Photo by Roger Harris/House of Lords 2025 / CC BY-NC-ND 4.0]

Peu de détails concrets ont été révélés lors du sommet qui a réuni jeudi à Paris plus de 30 chefs de gouvernement, sous la présidence du président français Emmanuel Macron, afin de planifier une « coalition des volontaires » pour déployer des troupes en Ukraine, ce qui constituerait une escalade majeure de la guerre contre la Russie.

L'incapacité de la coalition, menée par la Grande-Bretagne et la France, à se mettre d'accord sur quoi que ce soit de substantiel lors de sa huitième réunion souligne la dépendance militaire continue des puissances impérialistes européennes vis-à-vis de Washington. Elles réagissent en lançant une offensive d'austérité tous azimuts contre la classe ouvrière, afin de réunir les ressources nécessaires au réarmement et à la guerre contre la Russie.

Macron, le premier ministre britannique Keir Starmer, le chancelier allemand Friedrich Merz et les dirigeants d'autres pays européens, du Canada et de l'Australie se sont réunis avant de s'entretenir par téléphone avec le président américain Donald Trump dans l'après-midi. Macron, dont le gouvernement est sur le point de tomber pour la deuxième fois en à peine un an lundi, a annoncé que 26 pays s'étaient engagés à fournir une forme de soutien « terrestre, maritime, aérien ou cybernétique » à l'Ukraine en cas de cessez-le-feu ou d'accord de paix avec la Russie.

Cependant, six mois après la première réunion de la « coalition des volontaires » en mars, seules la Grande-Bretagne, la France et l'Estonie ont officiellement confirmé qu'ils enverraient des troupes terrestres en Ukraine. On ne sait toujours pas combien de soldats chaque pays pourrait fournir.

Cette coalition a été créée en réponse à la tentative de Trump de s'entendre avec le président russe Vladimir Poutine. Les puissances européennes craignent que cela ne les prive d'une part du butin constitué par les matières premières et les marchés ukrainiens et russes. Dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine provoquée par les États-Unis en 2022, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne avaient misé gros sur le fait que l'alliance transatlantique avec l'impérialisme américain leur permettrait de piller conjointement l'Ukraine et la Russie. Elles ont même réduit massivement leurs importations de gaz russe bon marché, essentiel à l'industrie européenne.

Mais Washington, guidé par la politique de l’« Amérique d’abord » de Trump, considère de plus en plus les puissances européennes non pas comme des alliés, mais comme des rivaux dans un monde en plein redécoupage. Le dictateur en puissance des États-Unis a non seulement évoqué la possibilité d'un accord avec Poutine aux dépens des Européens, mais il a également imposé des droits de douane de 15 % sur les importations de l'Union européenne vers les États-Unis dans le cadre de sa guerre commerciale mondiale. Comme l'écrivait le World Socialist Web Site après le sommet entre Trump et Poutine en Alaska le mois dernier,

Trump, qui renoue avec la tradition des partisans d'extrême droite de l’«Amérique d’abord » de l'époque de la Seconde Guerre mondiale, s'exprime au nom de couches de la classe dirigeante américaine orientées vers la guerre dans le Pacifique et la confrontation avec la Chine. Il a associé cette vision à des mesures tarifaires et à une guerre commerciale dirigées contre les puissances européennes. Pour ce camp, se désengager du conflit avec la Russie au sujet de l'Ukraine offre des avantages potentiels : garantir l'accès aux ressources vitales de la Russie et de l'Ukraine, affaiblir l'alignement de Moscou sur Pékin et affaiblir l'impérialisme européen.

Les impérialistes européens sont déterminés à réduire leur dépendance militaire vis-à-vis de Washington grâce à un programme de réarmement effréné, dépensant quelque 800 milliards d'euros dans le cadre du programme « Réarmer l'Europe » de l'Union européenne et 1000 milliards d'euros dans un fonds du gouvernement allemand destiné à son armée et à la modernisation des infrastructures liées à la guerre.

Mais la mise en œuvre de ce programme, qui implique l’élimination des concessions accordées à la classe ouvrière après la Seconde Guerre mondiale, prend du temps. Ils ont donc réagi au revirement de Trump en essayant de saboter un accord potentiel entre la Maison-Blanche et le Kremlin. Ils ont maintenu les États-Unis dans la guerre en formulant des exigences totalement inacceptables pour la Russie, comme l'envoi de troupes de l'OTAN en Ukraine.

Macron, Starmer et Merz soutiennent le projet du président ukrainien Volodymyr Zelensky d'acheter pour 90 milliards de dollars d'armes américaines avec des fonds européens. Selon le New York Times, un mécanisme d'approvisionnement de l'OTAN a été mis en place pour faciliter les achats européens auprès des fournisseurs de défense américains à hauteur d'un milliard de dollars par mois. L'accent est mis en particulier sur les armes de haute technologie, comme les missiles de croisière et les systèmes de défense aérienne. Alors que les puissances européennes poursuivent leur propre réarmement, ces sommes accélèrent encore la guerre de classe menée par l'élite dirigeante contre les travailleurs.

Comme on pouvait s'y attendre, le Kremlin a réagi jeudi à l'annonce de Macron en menaçant d'attaquer les troupes occidentales déployées en Ukraine. « Nous considérons cela comme un danger pour nous : la présence de forces armées internationales ou étrangères, de forces armées des pays de l'OTAN sur le territoire ukrainien près de nos frontières », a commenté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, lors d'un forum économique à Vladivostok. Poutine a déclaré que tout soldat de l'OTAN présent sur le territoire ukrainien serait considéré par la Russie comme une « cible légitime ».

On ignore encore si Trump soutiendra explicitement les « garanties de sécurité » proposées par Macron et Starmer pour l'Ukraine. Macron a affirmé que Trump s'était engagé à offrir la protection des États-Unis à une telle force en cas d'attaque de la Russie, et que cet engagement serait officialisé dans les prochains jours. Sans le soutien des États-Unis, notamment en matière de renseignement et de puissance aérienne, le déploiement de troupes européennes et canadiennes en Ukraine semble actuellement impossible.

Ce qui est certain, cependant, c'est que les impérialistes européens préparent une attaque sauvage contre la classe ouvrière afin de lever les fonds nécessaires pour intensifier la guerre avec la Russie et poursuivre sans pitié leurs propres intérêts mondiaux, indépendamment de Washington. En Allemagne, le gouvernement de coalition chrétien-démocrate/social-démocrate de Merz a annoncé un « automne de réformes », cherchant à réduire de plusieurs dizaines de milliards d'euros les dépenses sociales afin de couvrir le coût du réarmement et de la guerre.

Le premier ministre français François Bayrou devrait perdre un vote de confiance lundi, lorsque son gouvernement minoritaire impopulaire présentera un budget prévoyant des coupes budgétaires de 44 milliards d'euros pour financer le programme de réarmement massif de la France. Alors que l'ensemble de la classe politique s'accorde à augmenter les dépenses militaires, Bayrou est considéré comme incapable de mener à bien les attaques nécessaires contre la classe ouvrière.

Les coupes annoncées jusqu'à présent ne sont qu'un acompte. Le réarmement à l'échelle exigée par les impérialistes européens dans le contexte d'une troisième guerre mondiale qui se développe rapidement nécessiterait des régimes dictatoriaux similaires à celui que Trump tente d'établir aux États-Unis.

C'est pourquoi certaines fractions de la classe dirigeante promeuvent systématiquement les partis d'extrême droite dans tous les grands pays européens. En Allemagne, les plans visant à porter l'Alternative pour l'Allemagne au pouvoir sont déjà bien avancés. En France, le chef du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, a adressé cette semaine une lettre aux chefs d'entreprise français dans laquelle il s'engage à ce qu'un gouvernement RN puisse mener à bien 100 milliards d'euros de coupes budgétaires, soit plus du double des coupes proposées par Bayrou et Macron.

Les partis dits « de gauche » ne sont pas moins fermes dans leur soutien au réarmement de l'impérialisme européen aux dépens de la classe ouvrière. Le Parti de gauche allemand a voté en faveur des crédits de guerre d'un billion d'euros au Bundesrat, la deuxième chambre du parlement allemand. De plus, le Parti de gauche a utilisé ses voix au parlement pour assurer l'élection de Merz au poste de chancelier. Il n'a rien fait pour mobiliser les travailleurs contre l'attaque de son gouvernement contre leur niveau de vie.

En France, le programme électoral du Nouveau Front populaire de Jean-Luc Mélenchon l'année dernière appelait explicitement au déploiement de troupes de « maintien de la paix » en Ukraine. Mélenchon a préconisé une affirmation plus agressive des intérêts nationaux de l'impérialisme français dans le contexte de l'effondrement de l'ordre international d'après-guerre. Quant aux bureaucraties syndicales, elles défendent toutes les intérêts de leur « propre » bourgeoisie nationale dans une course effrénée au réarmement et à la protection des profits des entreprises.

L'opposition à l'escalade de la guerre impérialiste doit être menée par la classe ouvrière à travers l'Europe et au-delà. Il existe une opposition généralisée au retour de la barbarie impérialiste, comme en témoigne la participation massive aux manifestations de ces deux dernières années contre le génocide des Palestiniens par Israël, armé et soutenu par les États-Unis.

Cette opposition doit être liée à la résurgence des luttes ouvrières contre la destruction des emplois et des conditions de travail, provoquée par l'aggravation de la crise du capitalisme mondial et la volonté des élites dirigeantes partout dans le monde de convertir de larges pans de l'industrie civile à la production de guerre. Ce combat ne peut réussir que sur la base d'un programme socialiste et internationaliste visant à mettre fin au capitalisme, source de la guerre, de la dictature et de la misère sociale grandissante pour la classe ouvrière.

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