Les agents de bord d'Air Canada ont infligé une retentissante désapprobation à la direction, à la bureaucratie du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et au gouvernement libéral de Mark Carney en rejetant massivement l'accord salarial provisoire qui avait mis fin à leur grève de trois jours le mois dernier. Le résultat, annoncé samedi, a été un vote non à 99,1 % avec un taux de participation de 94,6 %, les travailleurs rejetant un accord que le SCFP avait présenté comme « transformationnel ».
En raison de l'accord réactionnaire conclu par le SCFP avec la direction et le gouvernement, la seule partie du contrat de travail de quatre ans proposé sur laquelle les travailleurs ont pu voter concernait les salaires. Il prévoyait une « augmentation » salariale de 17 % sur quatre ans, ce qui correspond en réalité à une baisse salariale en termes réels en raison de la stagnation des salaires pendant les dix années de la convention collective précédente et de la flambée des prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité.
Le résultat du vote souligne la nécessité urgente pour les agents de bord d'Air Canada et de toute l'Amérique du Nord, ainsi que pour les travailleurs de tous les secteurs économiques, d'établir leur indépendance organisationnelle et politique par rapport à la bureaucratie syndicale. Des comités de base, dirigés par les agents de bord eux-mêmes, doivent être créés sur chaque lieu de travail et unifiés au sein d'un réseau de comités de base afin de coordonner une lutte sociale et politique de la classe ouvrière pour mettre fin à la priorité accordée aux profits des entreprises au détriment des droits des travailleurs dans le secteur aérien.
Plus de 10 500 agents de bord ont débrayé le 16 août pour réclamer de réelles augmentations salariales et la fin de la pratique du travail non rémunéré avant et après les vols, qui représente en moyenne 35 heures par mois et par travailleur. Moins de 12 heures après le début de la grève, la ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, est intervenue au nom du gouvernement libéral pro-patronal pour interdire la grève en vertu des dispositions draconiennes de l'article 107 du Code canadien du travail. Soulignant leur détermination à se battre, les agents de bord ont défié cette ordonnance, qui reposait sur une interprétation fallacieuse de l'article 107 permettant à Hajdu d'ordonner unilatéralement au Conseil canadien des relations industrielles non élu de déclarer la grève illégale, contournant ainsi le Parlement.
La bureaucratie du SCFP s'est sentie obligée de sanctionner la décision des travailleurs de défier le gouvernement, mais elle l'a fait afin de mieux poignarder les travailleurs dans le dos. Au troisième jour de la grève, la direction du SCFP a entamé des négociations marathons avec la direction d'Air Canada, sous la supervision du médiateur nommé par le gouvernement, William Kaplan. Aux premières heures du mardi 19 août, le SCFP a annoncé un « accord » avec la compagnie, affirmant qu'il mettait fin au travail non rémunéré chez Air Canada. Cependant, signe révélateur que les termes de l'accord étaient une trahison, le syndicat a interdit aux travailleurs de voter sur la majorité de ses dispositions.
De plus, afin de s'assurer que le vote de la base soit essentiellement sans importance, le SCFP a accepté que, dans le cas où les agents de bord rejetteraient l'accord, toutes les questions en suspens dans l'accord soient soumises à un arbitrage exécutoire après une période de médiation symbolique de trois jours.
Dans les parties de l'accord sur lesquelles les travailleurs n'avaient plus leur mot à dire, le syndicat a fait d'énormes concessions à la direction. Même si Air Canada avait indiqué avant la grève qu'elle était disposée à payer le travail effectué par les agents de bord avant le vol à 50 % de leur taux de rémunération normal, le SCFP a accepté un accord qui consacrait le taux de 50 % (et rien pour le travail après le vol). Le seul changement proposé par le syndicat pour prouver que des gains avaient été obtenus était que la direction acceptait désormais que le taux de rémunération pour le travail au sol avant le vol augmente progressivement pour atteindre 70 % du salaire normal des agents de bord au cours de la quatrième année de l'accord. Étant donné que le salaire moyen des agents de bord est de 29 dollars de l'heure, un taux de rémunération de 50 % pour le travail au sol signifie que les travailleurs seront rémunérés en dessous du salaire minimum fédéral.
La principale raison pour laquelle le SCFP s'est empressé de saboter la résistance des agents de bord à l'ordre anti-grève du gouvernement était que la bureaucratie craignait que la lutte des travailleurs ne serve d'exemple à d'autres travailleurs, déclenchant une mobilisation plus large contre l'austérité capitaliste que la bureaucratie aurait du mal à maitriser. Les questions pour lesquelles les travailleurs d'Air Canada se battent, notamment le droit de grève, les bas salaires et le travail non rémunéré, sont des questions qui touchent tous les travailleurs.
La coalition mobilisée contre les agents de bord par la direction du SCFP, les cadres d'Air Canada et les représentants du gouvernement fournit un autre exemple flagrant du caractère pro-patronal du système canadien de «relations de travail ». La soi-disant « négociation collective » est un mécanisme clé utilisé par la classe dirigeante pour réprimer la lutte des classes en séparant les luttes individuelles des travailleurs afin de créer les conditions les plus favorables pour imposer les exigences des patrons. Ce système sert également de base aux privilèges dont jouissent les bureaucrates syndicaux, qui ont un intérêt matériel direct à maintenir et à intensifier l'exploitation des travailleurs qu'ils prétendent représenter afin de défendre leur « partenariat » corporatiste avec les patrons et le gouvernement.
Le résultat du vote sur la convention collective est une condamnation sans appel de toute la bureaucratie syndicale et de ses partisans dans les organisations de pseudo-gauche, qui ont proclamé haut et fort que la grève des agents de bord du mois dernier avait abouti à une « victoire » retentissante pour les travailleurs. Le Congrès du travail du Canada, qui prétend « représenter » les intérêts de millions de travailleurs, a déclaré avec enthousiasme le 19 août que l'accord annoncé au milieu de la nuit par le SCFP prouvait que « ce sont les négociations, et non l'article 107 de Carney, qui permettent d'obtenir des accords ». La principale fédération syndicale canadienne a affirmé que les grévistes « ont porté un coup décisif aux employeurs qui pensent pouvoir contourner la négociation équitable en se cachant derrière l'article 107 du Code canadien du travail ». Socialist.ca, le site web des International Socialists, a affirmé que les travailleurs d'Air Canada avaient « repoussé l'attaque antisyndicale de Carney ».
Les agents de bord de base n'ont laissé aucun doute sur ce qu'ils pensent de cette propagande en faveur de la bureaucratie syndicale en s'opposant presque unanimement à l'accord qui était censé leur assurer la « victoire » sur Air Canada et le gouvernement. L'hostilité amère envers la bureaucratie était évidente dans les nombreux commentaires publiés par les travailleurs sur une page Facebook destinée aux employés des compagnies aériennes après l'annonce du résultat du vote par le syndicat.
« Ce résultat révèle l'échec du syndicat à la table des négociations », a écrit un travailleur. « Ce qui aurait dû être une occasion historique d'obtenir un contrat équitable et des conditions de travail décentes a été gâché. Au lieu de cela, nous sommes réduits au silence et liés par un accord qui ne reflète pas ce que l’on vaut. Je l'ai déjà dit et je le répète : tout était en place pour que nous obtenions de réels progrès. Quelque chose s'est passé à huis clos, et tôt ou tard, la vérité éclatera au grand jour. »
Un autre employé a déclaré : « Hé, SCFP National, bande de collaborateurs corrompus : arrêtez de trahir les sections locales et les travailleurs et de céder à chaque fois qu'il y a une ordonnance d'arbitrage forcé illégale. Vous renoncez au droit de grève pour nous tous, et nous vous voyons faire, et vous êtes dégoûtants. »
Les agents de bord d'Air Canada ont fait tout leur possible dans le cadre officiel des « négociations collectives » pour exprimer leur volonté de mener une véritable lutte pour leurs revendications tout à fait justifiées. Ils ont voté massivement en faveur de la grève et ont courageusement tenu tête au gouvernement Carney face à une campagne médiatique anti-travailleurs visant à calomnier les grévistes en les présentant comme des perturbateurs des activités commerciales et des projets de vacances des voyageurs aériens. Et maintenant, bien que les bureaucrates syndicaux n'aient absolument rien proposé comme stratégie pour permettre aux travailleurs de lutter pour leurs revendications, les agents de bord ont voté de manière décisive pour rejeter l'accord salarial.
Mais la combativité et l'indignation justifiée face aux actions méprisables de la direction syndicale ne suffisent pas. L'expérience des travailleurs d'Air Canada démontre clairement qu'ils ne peuvent pas avancer d'un centimètre sans briser l'emprise de la bureaucratie syndicale sur leurs luttes. Ils doivent s'orienter vers la construction d'un mouvement de masse de la classe ouvrière sur une base entièrement nouvelle : un programme exigeant la fin de toute action anti-grève et la garantie d'emplois décents et sûrs pour tous.
Pendant la grève des travailleurs d'Air Canada, le World Socialist Web Site a insisté sur le fait qu'elle marquait un « tournant dans la lutte des classes » en raison du défi ouvert lancé au gouvernement par les grévistes. À de nombreuses reprises au cours de l'année précédente, notamment en décembre 2024, lorsqu'un décret gouvernemental a renvoyé 55 000 postiers au travail sans opposition, la bureaucratie syndicale s'est sentie capable de s'entendre avec le gouvernement pour bloquer la résistance de la base. La position courageuse des agents de bord a prouvé qu'il est de plus en plus difficile d'étouffer l'opposition des travailleurs à l'austérité capitaliste. De plus, elle a révélé que chaque lutte contractuelle des travailleurs est une lutte politique, opposant leurs revendications à la volonté de la classe dirigeante de subordonner toutes les ressources de la société au réarmement, à la guerre impérialiste et à l'enrichissement de l'oligarchie financière.
Cependant, nous avons averti que si les travailleurs ne se libéraient pas des propagateurs du nationalisme et de l'austérité capitaliste dans les bureaucraties syndicales, leurs luttes seraient inévitablement vouées à l'échec. Nous avons insisté sur le fait que
La grève d'Air Canada montre que les travailleurs s'efforcent de faire valoir leurs intérêts de classe. Pour réussir, ils doivent abolir l'appareil syndical bureaucratisé et redonner le pouvoir à la base, où il doit être.
Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses Partis de l'égalité socialiste ont lancé l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) afin de fournir les moyens organisationnels et politiques nécessaires à cette lutte. Grâce au développement de comités de base, les travailleurs peuvent faire valoir leurs revendications en fonction de leurs besoins, et non des profits des entreprises ; contrer le sabotage mené par la bureaucratie syndicale ; et mobiliser leur immense pouvoir social dans des luttes coordonnées à travers les industries, les frontières et les continents.
Le développement de l'IWA-RFC est un élément crucial dans la lutte pour armer la montée en puissance de la classe ouvrière avec un programme socialiste et internationaliste, qui doit guider la lutte contre la guerre impérialiste, la dictature et la destruction des droits sociaux et démocratiques des travailleurs, et pour le pouvoir de la classe ouvrière.