Le remaniement droitier de Starmer prépare un budget d’austérité

Le Premier ministre travailliste Keir Starmer est constamment critiqué par l’élite dirigeante britannique pour ne pas en faire assez quant il s’agit d’attaquer la protection sociale et d’augmenter les dépenses militaires.

Alors que la France est plongée dans une crise politique provoquée par l’imposition d’énormes coupes budgétaires et que le Parti travailliste prépare son propre budget d’austérité pour novembre, Starmer a été obligé d’avancer un remaniement ministériel initialement prévu pour l’automne afin de rassurer ses maîtres financiers et industriels qu’il ne reculerait pas sur l’agenda droitier qu’ils exigent.

Le Premier ministre Keir Starmer s’entretient avec le vice-Premier ministre David Lammy lors de la réunion hebdomadaire du Cabinet au 10 Downing Street, le 9 septembre 2025 [Photo by imon Dawson / No 10 Downing Street / CC BY-NC-ND 4.0]

La démission d’Angela Rayner la semaine dernière, de ses fonctions de vice-Première ministre et de vice-présidente du Parti travailliste, a servi de prétexte. Elle faisait suite à un scandale fiscal attisé par les journaux de droite Daily Telegraph et Daily Mail.

Son départ a été un cadeau politique pour Starmer. Il lui a permis de remplacer une figure honnie de la droite, malgré sa loyauté fondamentale envers l’agenda pro-patronat et militariste du Parti travailliste. À part le «crime» d’être issue du Nord, d’un milieu ouvrier, et de son aversion déclarée pour les conservateurs, elle portait les deux seules initiatives travaillistes n’étant pas ouvertement droitières: un programme de construction de logements et un projet de loi sur les droits des travailleurs.

Deux des remplacements opérés par Starmer – celui de Rayner au logement et de son allié Justin Madders aux droits des travailleurs par les loyalistes blairistes Steve Reed et Kate Dearden – visent à garantir aux milieux financiers et aux grandes sociétés que ces politiques spécifiques seront ajustées à leurs moindres désirs.

Mais le remaniement va bien plus loin. Il vise à convaincre la classe dirigeante que le Parti travailliste mènera à bien ce pour quoi on a l’a aidé à arriver au pouvoir: une baisse historique des dépenses sociales et le retour du budget militaire à un niveau qui n’avait plus été atteint depuis la guerre froide.

Depuis plus d’un an, le gouvernement est accusé de traîner les pieds sur la hausse des dépenses militaires, qui ne devraient atteindre 3,5 % du PIB qu’en 2035, soit après deux élections générales au moins.

Pour apaiser ses détracteurs, Starmer a récompensé David Lammy, ancien ministre des Affaires étrangères et figure centrale du soutien britannique au génocide de Gaza et à la guerre en Ukraine, en le nommant vice-Premier ministre – remplaçant une fois de plus Angela Rayner. Après avoir défendu l’appui militaire britannique au criminel régime israélien, Lammy a également été nommé ministre de la Justice.

Sur le plan économique, un revirement cet été sur environ 1 milliard de livres de coupes dans l’allocation de chauffage hivernal, ainsi qu’un recul sur 5 milliards de livres de coupes dans les prestations d’invalidité ont été accueillis par les hurlement indignés des médias et du monde des affaires – une infime partie de ce qu’exige la finance internationale.

Starmer a réagi en remplaçant Liz Kendall, ministre du Travail et des Retraites, malgré son impeccable pedigree blairiste, par le vétéran de la droite Pat McFadden. Le Telegraph a souligné que Kendall était devenue un «canard boiteux» depuis le recul sur les prestations d’invalidité, et a commenté ainsi la nomination de McFadden: «Starmer annonce son intention de tailler dans les aides sociales avec un nouveau chef implacable de la protection sociale.»

Le secrétaire aux Affaires, Jonathon Reynolds – considéré comme le seul autre ministre du cabinet, avec Angela Rayner, à entretenir des liens avec les syndicats – a été remplacé par Peter Kyle, décrit avec approbation par le Spectator comme «un modernisateur pur jus, situé à droite dans le parti».

Darren Jones, qui a dirigé la revue des dépenses au Trésor et que le Guardian qualifie de «réformateur façon blairiste», a été intégré à l’équipe dirigeante de Starmer pour diriger le Bureau du Cabinet. Il est rejoint au 10 Downing Street par Tim Allan, ancien conseiller de Tony Blair et désormais nouveau directeur de la communication de Starmer.

Le secrétaire blairiste à la Santé Wes Streeting reste en poste ; il y a mis du sien cette semaine en annonçant au Financial Times qu’il envisageait de relancer les partenariats public-privé pour construire 200 nouveaux centre médicaux, ouvrant encore davantage les portes du NHS aux profiteurs privés.

Tout au long de l’été, la pression droitière sur Starmer a été alimentée par une promotion médiatique et politique généralisée des manifestations d’extrême droite contre les demandeurs d’asile, ainsi que par la campagne anti-migrants et de ‘Loi et d’Ordre’ menée par le Reform UK de Nigel Farage. Starmer a utilisé ce remaniement pour adopter cette ligne en totalité.

La ministre de l’Intérieur Yvette Cooper, qui a été en tête de la criminalisation de l’opposition au génocide à Gaza et a intensifié les razzias et les expulsions de migrants, a été nommée ministre des Affaires étrangères, succédant à Lammy. Elle est remplacée à l’Intérieur par Shabana Mahmood, figure de la droite du parti, qui a exigé une nouvelle baisse de l’immigration et davantage d’expulsions de demandeurs d’asile.

Lucy Powell, quant à elle, a été évincée de son poste de présidente de la Chambre des communes [Parlement] après avoir été ciblée pour avoir dénoncé les sous-entendus anti-immigrés tenus plus tôt dans l’année à propos des gangs d’abuseurs sexuels.

Le premier acte significatif de Shabana Mahmood comme ministre de l’Intérieur a été de superviser l’arrestation de près de 900 personnes sur Parliament Square à Londres, lors de la manifestation de samedi dernier contre la classification de Palestine Action comme organisation terroriste.

Elle commencera bientôt à travailler sur l'annonce faite par Starmer que le gouvernement avancera considérablement son plan de mettre fin à l’hébergement des demandeurs d’asile dans des hôtels reconvertis – l’une des principales revendications de Reform UK. La proposition actuellement discutée consiste à les transférer dans des casernes militaires, une politique initialement mise en œuvre par le précédent gouvernement conservateur.

La dirigeante du Parti conservateur Kemi Badenoch a proposé – en partie pour retrouver une importance politique, après que Starmer a fait avancer l’agenda de son parti plus efficacement que celui-ci n’avait pu le faire durant ses dernières années au pouvoir – «Réunissons-nous. Trouvons un accord pour réduire les dépenses sociales. Et je lui offrirai le soutien du Parti conservateur.»

Alors que Starmer nomme un cabinet de guerre contre la classe ouvrière pour répondre à ce que le Financial Times appelle son «plus grand test» – «combler un trou de 40 milliards de livres dans les finances publiques avec le budget de novembre» – ce qui reste de la gauche au Parti travailliste s’est empressé d’affirmer sa loyauté au parti.

Le nouveau parti envisagé par l’ex-leader travailliste Jeremy Corbyn et la députée Zarah Sultana cherche à attirer des transfuges du Labour. Mais le Groupe de campagne socialiste des députés travaillistes (Socialist Campaign Groupe) a saisi l’occasion pour réaffirmer son rôle de contributeur à une «église large» du Parti travailliste, selon les mots de l’ex-ministre des Finances fantôme John McDonnell. Il ne s’agissait pas de contester la direction de Starmer, mais d’agir «dans l’intérêt du parti, pour unir le parti… et montrer la voie au pays».

McDonnell n’est toujours pas autorisé à siéger comme député travailliste, les ‘whips’ du parti l’ayant sanctionné pour avoir voté contre un maintien de la politique sociale punitive des Tories. Pourtant, tout ce que lui et ses quelques alliés demandaient était une course à la vice-présidence du parti, où «des candidats représentant toutes les opinions des membres du parti puissent se présenter». Même cela leur a été refusé.

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La direction de Starmer exige que les candidats potentiels obtiennent le soutien de 80 députés travaillistes, ce qui garantit quasiment l’investiture de son choix, Bridget Phillipson, avec l’outsider Lucy Powell comme seule alternative possible. La seule candidate nominalement de gauche – Bell Ribeiro-Addy du Socialist Campaign Group – n’a obtenu que 24 nominations sur les 399 députés du parti ouvertement droitier de Starmer.

Downing Street a déclaré que David Lammy resterait vice-Premier ministre, quel que soit le résultat de l’élection à la vice-présidence du parti.

Le fait que Starmer ne fait pas même confiance à une vraie élection au sein d’un parti dont les membres ont été largement purgés de toute sensibilité vaguement de gauche est un signe de la brutalité des attaques que prépare son gouvernement.

C’est un gouvernement dirigé par une cabale droitière honnie ayant à sa tête un Premier ministre dont le taux de popularité est le plus bas de tous les dirigeants du monde occidental. Il gouverne dans une hostilité ouverte envers la population, pour le compte des fauteurs de guerre et des ultra-riches.

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