La plus grande manifestation d'extrême droite britannique capitalise sur le programme xénophobe et anti-ouvrier de Starmer

La manifestation qui eut lieu à Londres samedi, Unite the Kingdom (Unifiez le royaume), a été la plus grande mobilisation d'extrême droite de l'histoire britannique.

Estimée entre 100 000 et 150 000 personnes, la participation a dépassé le nombre de gens habituellement mobilisés par le démagogue antimusulman Tommy Robinson et a dépassé sa base de soutien habituelle, composée de hooligans du football et de voyous fascistes. Ce noyau dur a été renforcée par la présence de travailleurs et de leurs familles, y compris parmi les couches les plus défavorisées, qui ont avalé le message de l'extrême droite imputant la détresse sociale et l'effondrement des services essentiels à l'immigration.

Tommy Robinson s'exprime lors de la marche et du rassemblement « Unite the Kingdom » près de Westminster, à Londres, le 13 septembre 2025 [AP Photo/Joanna Chan]

Cette création d’un bouc émissaire n’a été possible que parce que les aboiements rauques des fascistes ont été délibérément et systématiquement amplifiés par les grands médias et l’ensemble de l’establishment politique, le rôle central étant joué par le gouvernement travailliste de Keir Starmer.

Depuis son entrée en fonction en juin 2024, Starmer a mené une attaque incessante et croissante contre le niveau de vie des travailleurs et les services sociaux vitaux, tout en attisant le militarisme et le nationalisme pour justifier son rôle dans la guerre de l'OTAN contre la Russie, son soutien au génocide à Gaza et son insistance pour dire qu’il fallait renforcer l'austérité parce que la protection sociale ne pouvait plus être financée.

Plus cela facilite l’émergence de tendances d’extrême droite, dont le Reform UK de Nigel Farage, désormais le parti le plus populaire en Grande-Bretagne, plus le gouvernement travailliste bat haut et fort le tambour nationaliste.

La manifestation de samedi faisait suite à un été marqué par des manifestations d'extrême droite devant les hôtels hébergeant des demandeurs d'asile et par une campagne « Hissez les couleurs » orchestrée par des fascistes, où l'on arborait le drapeau anglais à croix de Saint-Georges et l'Union Jack (drapeau national) sur les réverbères, les bâtiments gouvernementaux et les monuments. Le Parti travailliste a réagi en promettant de réprimer les demandes d'asile déposées par les familles des demandeurs d'asile ; il s'est vanté des 45 000 demandeurs d'asile expulsés ; il a promis de remplacer les hébergements hôteliers temporaires par des camps de concentration de fait dans des entrepôts et des installations militaires désaffectés ; et a proclamé son soutien au déploiement du drapeau national.

C'est pourquoi les principaux slogans scandés samedi étaient «Keir Starmer est un branleur», dirigé contre le gouvernement, et «Arrêtez les bateaux!» (de migrants), tandis que Robinson pouvait également se vanter de la façon dont «les politiciens trouvent soudainement du courage et répètent comme des perroquets les choses que nous disons depuis 15 ans.»

Robinson a fait spécifiquement référence à l'adoption de sa politique anti-migrants. Mais il aurait pu ajouter à cela la défense par Starmer du génocide israélien à Gaza et la répression massive de ses opposants. Le soutien aux massacres perpétrés par l'État sioniste et l'affichage de drapeaux israéliens ont été des facteurs majeurs d'une marche caractérisée par une hostilité farouche envers les musulmans.

Le soutien de l'élite dirigeante britannique aux manifestations de drapeaux et contre l'asile et a deux objectifs connexes. Le Parti travailliste a été porté au pouvoir avec la charge de mener un programme de guerre et d'austérité qu'un gouvernement conservateur en crise s'est avéré incapable de poursuivre efficacement. Mais Starmer a été maintes fois critiqué pour avoir évité certaines des coupes les plus lourdes et pour ne pas avoir augmenté les dépenses militaires assez rapidement. Alimenter l'opposition de droite sert à la fois à renforcer la détermination du Parti travailliste et à jeter les bases d'un virage politique vers l'extrême droite si cela s'avère nécessaire.

Le renforcement délibéré de l'extrême droite ne reflète pas seulement les processus en cours en France, en Italie et ailleurs en Europe. Il est également organisé à l'échelle internationale. Parmi les intervenants du rassemblement de samedi figuraient le politicien français d'extrême droite Éric Zemmour, le chef du Parti populaire danois Morten Messerschmidt et Petr Bystron de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD).

Mais la présence la plus significative a été de loin celle d’Elon Musk, qui a une fois de plus apporté son soutien à Robinson, a appelé à la chute du gouvernement Starmer et a appelé à une confrontation violente avec la gauche.

La présence d'Elon Musk démontre que derrière les prétentions de Robinson et de ses semblables, avec leurs invocations de «pouvoir populaire» et leurs promesses de donner la priorité aux «travailleurs britanniques», se cache un mouvement financé et représentant les intérêts de l'oligarchie financière. Tout comme lui et d'autres oligarques ultra-riches ont soutenu le mouvement fascisant MAGA de Trump, le deuxième homme le plus riche du monde prête désormais sa fortune et les réseaux sociaux qu'il contrôle à la promotion de l'extrême droite britannique, comme il l'a déjà fait avec l'AfD en Allemagne.

S'adressant à Robinson par visioconférence, Musk a déclaré: «Ce que je vois se produire, c'est la destruction de la Grande-Bretagne […] avec une immigration massive et incontrôlée, et l'incapacité du gouvernement à protéger les innocents, notamment les enfants victimes de viols collectifs.» Il a appelé à un «changement de gouvernement» immédiat par la « dissolution du Parlement», un «changement de gouvernement révolutionnaire» qui créerait un avenir où «il y aurait une déréglementation, une réduction massive de la bureaucratie…»

Le rôle de l'extrême droite américaine était évident partout samedi. Après le meurtre de Charlie Kirk, influenceur pro-Trump, Robinson s'est engagé à faire de son rassemblement un hommage au provocateur fasciste. Sky News a fait état du nationalisme chrétien affiché, avec des personnes portant des croix en bois, et chantant « Christ est roi » depuis la tribune et une récitation publique du Notre Père.

Musk a clairement indiqué que l'objectif principal de la béatification de Kirk était de créer une atmosphère de pogrom contre la gauche, condition préalable à une attaque massive contre la classe ouvrière. S'insurgeant contre «la violence à gauche, avec l'assassinat de sang-froid de notre ami Charlie Kirk cette semaine», il a déclaré: «La gauche est le parti du meurtre et de sa célébration.»

L'été dernier, lors d'une vague de violentes émeutes anti-immigration en Grande-Bretagne, Musk a déclaré que «la guerre civile était inévitable». Samedi, il a appelé à une guerre civile, déclarant lors du rassemblement: «Si cela continue, la violence viendra à vous, vous n'aurez pas le choix. Vous êtes dans une situation fondamentale ici: que vous choisissiez la violence ou non, la violence viendra à vous. Soit vous vous battez, soit vous mourez.»

La responsabilité du danger que représente pour la classe ouvrière la montée de l'extrême droite ne peut être imputée uniquement à ceux qui servent ouvertement la classe dirigeante comme Starmer. Les idéologues fascistes comme Robinson et des personnalités plus « respectables» comme Farage ne peuvent exploiter la détresse sociale et la haine généralisée envers le gouvernement Starmer que parce que le sentiment de gauche largement répandu au sein de la classe ouvrière a été systématiquement réprimé par ceux qui se prétendent « de gauche».

En 2015, Jeremy Corbyn a été élu chef du Parti travailliste avec le soutien de millions de travailleurs qui souhaitaient qu'il augmente les salaires, reconstruise le Service national de santé, le logement social et les écoles, mette fin au bellicisme britannique et chasse la droite blairiste hors du parti. Corbyn a trahi ces aspirations politiques et a au contraire donné une dose d'adrénaline à toutes les tendances de la droite.

Dimanche, Corbyn a publié un tweet superficiel déclarant : « Ce gouvernement aurait pu s'attaquer aux super-riches pour lutter contre les inégalités. Il a préféré attiser les flammes du racisme et encourager l'extrême droite. » Mais cela excuse son propre échec à s'attaquer aux super-riches et à lutter contre les inégalités avant de céder la direction du Parti travailliste à Starmer.

Il a ajouté: «Il est temps de trouver une véritable alternative qui redistribue la richesse, la propriété et le pouvoir», sans mentionner le parti qu'il a fondé avec l'ancienne députée travailliste Zarah Sultana ni expliquer comment une telle redistribution se produira alors que ses adversaires bénéficient du soutien de l'oligarchie et de la protection de l'État. Une fois de plus, son rôle est de désarmer la classe ouvrière en énumérant une liste de vœux pieux tandis que l'ennemi de classe se prépare à la guerre des classes.

Les groupes de la pseudo-gauche britannique jouent un rôle auxiliaire essentiel, en promouvant des campagnes telles que Stand Up To Racism et Unite Against Fascism qui, à leur tour, promeuvent divers bureaucrates syndicaux et travaillistes «de gauche» – y compris ceux qui ont été contraints à contrecœur de se séparer du parti.

Le Socialist Worker a commenté le rassemblement de quelques milliers de personnes lors d'une contre-manifestation samedi en dénonçant les appels à «se concentrer sur la politique pro-entreprise de l'extrême droite» et ceux qui disaient « que leur montée est principalement due à l'austérité» comme une diversion détournant l’attention de leur « opposition à l'immigration ‘illégale de masse’».

Ceci offre une amnistie politique à la bureaucratie travailliste et syndicale, vers laquelle s’orientent exclusivement ses campagnes. Socialist Worker a notamment relevé la présence de « 54 banderoles de sections syndicales sur cette manifestation, dont 20 du syndicat NEU, ainsi que des banderoles de sept conseils syndicaux » dans un rassemblement sans forte présence ouvrière et dangereusement dépassé en nombre par l'extrême droite. Il ne s'agit pas là d'un « signal d'alarme » comme le prétend Socialist Worker. C'est une façon d'endormir les travailleurs.

Leur unité avec les bureaucrates « de gauche» empêche activement la lutte pour unifier la classe ouvrière même, britannique et immigrée, contre le capitalisme et pour le socialisme, la seule façon de stopper la montée de l’extrême droite.

Pour aller de l’avant dans cette lutte, le Parti de l'égalité socialiste encourage vivement les travailleurs à former des comités de la base dans chaque usine, université et lieu de travail afin de briser l'emprise paralysante de la bureaucratie syndicale. Cela permettra aux travailleurs de s'organiser pour défendre collectivement les migrants, tout en planifiant et en menant une lutte politique et sociale contre le gouvernement Starmer, qui couperait l'herbe sous les pieds des fascistes et changerait le climat politique, non seulement en Grande-Bretagne mais encore à l'international.

(Article paru en anglais le 15 septembre 2025)

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