Le Canada est toujours en proie à une importante épidémie de rougeole, une catastrophe sanitaire dévastatrice qui est le résultat tout à fait prévisible de décennies de politiques délibérées visant à subordonner les vies humaines aux profits des entreprises. L'épidémie, qui a débuté au Nouveau-Brunswick à l'automne dernier, s'est propagée à travers tout le pays et menace de priver le Canada de son statut « indemne » de rougeole, maintenu depuis plus d'un quart de siècle.
Au cours de la première semaine de septembre, les données fédérales ont confirmé 4902 cas de rougeole en 2025, un bilan stupéfiant qui dépasse largement les moyennes annuelles enregistrées dans d'autres économies avancées. L'Ontario a signalé plus de 2379 cas, l'Alberta plus de 1850 et la Colombie-Britannique près de 300. D'autres provinces, dont le Manitoba, continuent de publier des alertes d'exposition.
Le décès d'un nouveau-né en Ontario au début de l'année, infecté de manière congénitale, souligne tragiquement le coût humain de cette crise qui aurait pu être entièrement évitée. Les autorités ont tenu à souligner les comorbidités du nourrisson afin d'éviter de rejeter la responsabilité sur les défaillances de la santé publique.
Le Canada se distingue parmi les pays développés, même dans un contexte de résurgence mondiale de la maladie qui, selon les Nations unies, a atteint 350 000 cas à l'échelle internationale en 2024. Malgré une épidémie en cours au Texas, le nombre d'infections aux États-Unis est trois fois moins élevé qu'au Canada, un pays dont la population représente environ un dixième de celle de son voisin du sud. Il est également bien supérieur au pic atteint en Angleterre l'année dernière, le plus élevé depuis 13 ans. Malgré la recrudescence des cas et les inquiétudes concernant la transmission dans les écoles, le gouvernement provincial de l'Alberta, dirigé par le Parti conservateur uni et la première ministre d'extrême droite Danielle Smith, a refusé d'introduire la vaccination obligatoire pour les élèves. Le Dr Mark Joffe, ancien médecin-chef de la province, a dénoncé la réponse officielle comme étant « un échec total du leadership à tous les niveaux ».
Les responsables de la Colombie-Britannique avertissent que la rentrée scolaire risque de raviver l'épidémie qui a commencé dans les salles de classe avant les vacances d'été. La région la plus touchée de cette province a un taux de couverture vaccinale inférieur à 70 %. Lorsqu'on lui a demandé si une preuve de vaccination serait exigée pour la fréquentation scolaire, la ministre provinciale de la Santé du Nouveau Parti démocratique, Josie Osborne, a également refusé, déclarant : « Nous voulons que les enfants puissent aller à l'école en toute sécurité et dans la joie, et recevoir l'éducation dont ils ont besoin et qu'ils méritent. »
La grande majorité des personnes infectées ne sont pas vaccinées ou ont un statut vaccinal inconnu. En Ontario, près de 90 % des cas concernaient des personnes non vaccinées. Les enfants et les adolescents représentent la plus grande part. Cela ne reflète pas un mystérieux coup du sort, mais l'effondrement de la vaccination systématique et la destruction de l'infrastructure sanitaire nécessaire pour la maintenir. La surveillance nationale montre que la couverture vaccinale contre la rougeole a chuté depuis le début de la pandémie de COVID-19, la couverture à deux doses pour les enfants de sept ans en Ontario oscillant à seulement 70 %, bien en dessous des 95 % nécessaires pour empêcher la propagation de la rougeole.
Si plusieurs facteurs sont responsables de cette épidémie, notamment le manque d'accès aux médecins de famille et la perturbation de la vaccination systématique au cours des premières années de la pandémie de COVID-19, le principal responsable est clair : une baisse de la couverture vaccinale due à la réticence à la vaccination suscitée par la désinformation.
La vaccination systématique de la fin du XXe siècle, qui a permis d'éradiquer la maladie, a cédé la place à une hésitation croissante à l'égard des vaccins et à une résurgence de la maladie au cours des 15 dernières années, malgré la sécurité et l'efficacité prouvées du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR). Avant la mise au point d'un vaccin contre la rougeole en 1963, des dizaines de milliers de Canadiens étaient infectés chaque année.
Les régions les plus touchées ont certains des taux de vaccination les plus bas et ont connu une baisse vertigineuse depuis le début de la pandémie de COVID-19. Dans le sud de l'Alberta, le nombre de doses de vaccin ROR administrées a diminué de moitié depuis 2019.
La baisse des taux de vaccination ROR va de pair avec un recul systématique de la fourniture de vaccins contre la COVID-19. Alors même que le virus continue de se propager à l'échelle mondiale, le gouvernement fédéral a mis fin cette année à tout financement des vaccins contre la COVID-19, laissant aux provinces le soin de les payer. Au Québec, les vaccins contre la COVID-19 seront réservés à partir de cet automne aux groupes de population « à risque », notamment les personnes âgées de plus de 65 ans et les résidents des établissements de soins de longue durée. Toutes les autres personnes devront payer entre 150 et 180 dollars dans une pharmacie. L'Alberta a également mis fin à la gratuité des vaccins contre la COVID-19.
L'élite dirigeante porte l'entière responsabilité d'avoir créé les conditions politiques et sociales qui ont favorisé la résurgence de cette maladie extrêmement contagieuse. Le fameux « Convoi de la liberté » du début de l'année 2022, présenté à l'époque par la presse bourgeoise comme une explosion spontanée de l'opposition populaire aux mesures de santé publique liées à la COVID, a en fait été systématiquement encouragé par des secteurs puissants de la classe dirigeante et leurs porte-parole médiatiques. Les grandes entreprises, soutenues par les grands médias, ont cherché à imposer la réouverture complète de l'économie au nom du profit, sans se soucier du nombre de morts. L'extrême droite a été délibérément mobilisée pour menacer le Parlement et bloquer les passages frontaliers avec les États-Unis, servant de bélier contre les mesures d'atténuation les plus limitées.
La levée de toutes les mesures anti-COVID a ensuite été approuvée par tous les partis officiels, des libéraux et conservateurs au NPD et au Bloc québécois. Les syndicats ont joué un rôle essentiel dans la légitimation des tirades antiscientifiques de l'extrême droite. Travaillant systématiquement à bloquer tout mouvement indépendant de la classe ouvrière pour exiger des mesures de santé publique sérieuses et une vaste expansion des soins de santé, les syndicats ont appliqué la ligne de la classe dirigeante consistant à « vivre avec le virus », ce qui signifiait une infection de masse, des décès et la propagation de la COVID longue.
L'establishment politique et les médias ont délibérément diffusé des informations erronées pour semer la confusion et la démoralisation, et justifier le renvoi des travailleurs dans les usines et sur les lieux de travail, et des enfants à l'école, où le coronavirus s'est rapidement propagé.
La résurgence de la rougeole est indissociable de l'offensive menée depuis longtemps par la classe dirigeante contre la santé publique et les soins de santé. Pendant des décennies, les gouvernements fédéral et provinciaux successifs, tant libéraux que conservateurs, ont mené un programme implacable de coupes budgétaires, de privatisations et de sous-financement. Les coupes réelles d'Ottawa dans les transferts aux provinces en matière de santé ont laissé les hôpitaux, les cliniques et les services de santé locaux en sous-effectif et incapables de fournir même les services préventifs les plus élémentaires. Des provinces comme l'Alberta ont réduit leurs budgets de santé, tout en accordant des subventions et des allégements fiscaux aux géants pétroliers. Partout, les programmes de vaccination de routine ont été saccagés, les médecins de famille sont de plus en plus inaccessibles et les services de santé communautaires sont privés de ressources.
Le résultat est clair : le retour de maladies autrefois éradiquées, une mortalité en forte hausse due à des causes « évitables » et des systèmes de santé au bord de l'effondrement.
La résurgence de la rougeole doit servir d'avertissement. La classe dirigeante canadienne, qui a déjà condamné des dizaines de milliers de personnes à une mort prématurée pendant la pandémie de COVID-19, normalise un avenir dans lequel des maladies autrefois éradiquées se propagent de manière incontrôlée et où de nouveaux agents pathogènes peuvent se propager sans contrôle. Elle a l'intention de réduire encore davantage les dépenses sociales afin d'investir des milliards de dollars dans le militarisme et la guerre.
La classe ouvrière ne peut accorder aucune confiance à l'État capitaliste, à ses partis politiques ou aux syndicats pro-patronaux. La défense de la santé et de la vie nécessite une lutte politique contre le système capitaliste lui-même, qui sacrifie les besoins publics les plus fondamentaux – un air sain, des écoles et des lieux de travail sûrs, des hôpitaux fonctionnels – pour enrichir l'élite parasitaire. Le retour de la rougeole au Canada prouve que seule la mobilisation indépendante de la classe ouvrière, armée d'un programme socialiste, peut garantir les ressources et l'organisation nécessaires pour protéger la santé publique.
(Article paru en anglais le 19 septembre 2025)