Le groupe de hip-hop irlandais Kneecap, qui comprend trois membres, se voit interdire l’entrée au Canada malgré des concerts à guichets fermés prévus en octobre à Toronto et à Vancouver. Le député libéral Vince Gasparro, secrétaire parlementaire chargé de la lutte contre la criminalité, a annoncé cette mesure dans une déclaration vidéo remplie de mensonges et de double langage sur la plateforme X (propriété de l’oligarque et grand admirateur d’Hitler, le néonazi milliardaire Elon Musk).
Liam Óg Ó Hannaidh (Mo Chara), Naoise Ó Cairealláin (Móglaí Bap) et JJ Ó Dochartaigh (DJ Próvai) dénoncent courageusement le génocide perpétré par Israël à Gaza, soutenu et facilité par le Canada et toutes les puissances impérialistes. Kneecap a gagné le soutien et la popularité du public mondial et de ses collègues artistes grâce à sa position courageuse.
Après leur prestation au festival de musique Coachella en avril, où ils ont projeté des messages condamnant le gouvernement israélien, leur nombre d’écoutes hebdomadaires aux États-Unis ont presque doublé. Leur concert en juin à Glastonbury « était si couru que les organisateurs ont dû fermer l’accès à l’arène pour réduire la densité de spectateurs », selon un article du New York Times. Pour cette raison, Kneecap est devenu la cible de persécutions de la part d’organisations sionistes, des médias de droite et maintenant des gouvernements.
Le Canada est le deuxième pays à leur refuser l’entrée, après la Hongrie le 24 juillet. Le gouvernement hongrois, dont le président d’extrême droite Tamás Sulyok a falsifié le passé nazi de son père, a accusé Kneecap de tenir des « propos antisémites ».
Dans son annonce extraordinaire, Gasparro fonde toute son argumentation contre Kneecap sur l’accusation portée par le gouvernement britannique contre Liam Óg Ó Hannaidh, membre de Kneecap, en vertu de sa loi sur le terrorisme, le Terrorism Act, une accusation contre laquelle il doit se défendre devant le tribunal de Londres le 26 septembre. Assimilant la tenue d’une enquête avec un verdict de culpabilité, Gasparro accuse le groupe de «prôner la violence politique, de glorifier des organisations terroristes et d’afficher des symboles de haine visant directement la communauté juive ». Les mots « violence », « haine » et « terroriste/terrorisme » sont répétés quatre fois dans la vidéo d’une durée d’une minute et 40 secondes.
Par ailleurs, voici comment Gasparro qualifie le massacre de plus de 65 000 Palestiniens et la famine délibérée de centaines de milliers d’autres :
« Je tiens à être clair : le Canada ne doit en aucun cas servir de plateforme à l’extrémisme ou à la violence politique, et nous ne tolérerons pas que des conflits internationaux soient utilisés comme prétexte pour intimider et harceler les Canadiens ici même, dans leur propre pays. »
Kneecap a annoncé qu’il allait intenter une action en justice contre Vince Gasparro.
« Aucun membre de Kneecap n’a jamais été condamné pour AUCUN crime dans AUCUN pays [...] Nous nous défendrons sans relâche contre les accusations sans fondement visant à faire taire notre opposition au génocide commis par Israël », ont-ils écrit dans un communiqué. Ils ont également appelé leurs fans à « se lever et à s’exprimer ».
Le Parti de l’égalité socialiste au Royaume-Uni a publié un communiqué dénonçant ces accusations de terrorisme le 22 mai 2025 :
La persécution de Kneecap en vertu des lois antiterroristes souligne le lien entre la guerre impérialiste, le génocide et le passage à des formes dictatoriales de gouvernement.
[…]
Ils sont persécutés parce qu’ils expriment la colère profonde, le dégoût et l’indignation morale ressentis par des centaines de millions de travailleurs et de jeunes dans le monde entier qui veulent que le génocide prenne fin et que ses auteurs soient punis.
Ils sont persécutés dans le but d’intimider et finalement de criminaliser l’opposition de masse au génocide et à la guerre.
L’hypocrisie du gouvernement canadien, qui interdit un groupe de musique parce qu’il tiendrait un « discours haineux » et ferait preuve d’« antisémitisme », n’échappe pas aux internautes qui réagissent à la déclaration vidéo de Gasparro.
Un utilisateur de X a publié une image du Parlement canadien applaudissant Yaroslav Hunka, vétéran ukrainien nazi de la Waffen-SS, en septembre 2023, commentant : « Les nazis, c’est beau. Mais le monde qui dénonce le génocide que vous permettez, ça non, ça passe pas. »
Un autre commentaire populaire dit : « Donc, les soldats de l’armée israélienne qui commettent un génocide peuvent entrer dans le pays, mais un groupe irlandais qui dit que le génocide est mauvais ne le peut pas ? Expliquez-moi pourquoi. »
Un utilisateur canadien de Reddit a commenté un article sur l’interdiction en ces termes : « Ils sont interdits de séjour pour des opinions qui sont partagées par un grand nombre de Canadiens. Il y a eu des manifestations régulières en faveur de la Palestine dans ma ville depuis le début de l’invasion israélienne en octobre. »
Les affirmations de Gasparro selon lesquelles les opinions de Kneecap sont contraires aux « valeurs et aux lois canadiennes » concernent davantage l’élite dirigeante canadienne que la population canadienne.
Depuis octobre 2023, des centaines de manifestations surviennent partout au Canada en faveur des droits nationaux des Palestiniens et contre le génocide perpétré par Israël, rassemblant des centaines de milliers de participants. De nombreuses manifestations pro-palestiniennes ont eu lieu tout au long de l’été, notamment à Montréal, Ottawa, Toronto, Calgary et Vancouver, se heurtant à la répression policière. Le 11 juillet, onze personnes ont été arrêtées et inculpées lors d’une manifestation pro-palestinienne rassemblant plus d’un millier de participants. Samedi, deux manifestants ont été arrêtés à Ottawa lors de la manifestation anti-guerre, anti-austérité et environnementale « Fixons les limites » (Draw the Line), au cours de laquelle de nombreux participants brandissaient des drapeaux palestiniens et portaient le keffieh.
Dans tous les domaines de la société canadienne, les droits démocratiques sont démantelés, notamment dans la sphère culturelle, où de nombreux artistes sont victimes d’interdictions, d’intimidations et perdent même leur emploi parce qu’ils s’expriment contre le génocide.
Selon un article de la Presse canadienne, quatre syndicats représentant du personnel enseignant et administratif de l’université McGill s’opposent aux efforts de l’université visant à limiter le droit de manifester sur le campus. L’université cherche à obtenir une injonction visant spécifiquement l’organisation étudiante « Students for Palestine’s Honour and Resistance » (Étudiants pour l’honneur et la résistance de la Palestine) et à mettre en place des « mesures de sécurité spéciales » pour restreindre l’accès au campus du 5 au 7 octobre, par mesure de précaution « à un moment où le risque de perturbation est élevé ». En vertu de cette injonction, pratiquement toute manifestation bruyante pourrait en fait se voir interdite, y compris si des travailleurs protestaient dans le cadre du renouvellement de leurs négociations collectives.
L’artiste torontoise Pegah Peivandi s’est récemment vue empêchée de terminer une fresque pro-palestinienne dans le cadre de la Canadian National Exhibition à laquelle elle avait pourtant été invitée.
Le 2 septembre, elle a publié sur Instagram :
Après environ trois heures de travail, j’ai remarqué qu’un policier tournait autour de moi, observant attentivement les progrès de ma peinture. Je n’y ai pas vraiment prêté attention, me disant que je n’avais rien à me reprocher.
Toutefois, lorsque j’ai pris une pause, l’un des coordinateurs du programme est venu pour me montrer une page Wikipédia comprenant une liste de symboles nationaux associés à la Palestine libre, me montrant plus particulièrement l’image de la pastèque. Pointant mon demi-cercle inachevé sur fond noir, il m’a demandé : « C’est de ça qu’il s’agit ? » [...] Quand on m’a demandé de modifier mon dessin, j’ai refusé. Pourquoi est-ce que je continuerais de peindre pour une institution qui accorde plus de crédit aux suppositions d’un policier qu’à ma voix, et qui réduit un génocide à une simple « conversation politique » ? Tout ce que j’avais dessiné alors, c’était un demi-cercle rouge entouré de blanc et de vert. Pas de graines, pas de détails, juste l’esquisse inachevée d’une pastèque. C’était déjà suffisant pour que l’on me fasse sortir, que l’on me réduise au silence et que l’on m’empêche de terminer mon dessin.
Nous entrons dans une nouvelle phase où la protestation est non seulement passible de sanctions, mais aussi de plus en plus réprimée avant même qu’elle ne puisse avoir lieu. Le 19 septembre, le ministre fédéral de la Justice, Sean Fraser, a déposé un projet de loi au Parlement intitulé « Loi visant à lutter contre la haine ». Ce projet de loi vient s’ajouter aux règlements municipaux sur les « zones tampons » déjà adoptés à Toronto, Vaughan, Brampton et Calgary restreignant les manifestations à moins de 50 mètres des lieux de culte, des écoles, des garderies et d’autres institutions. Ces instruments juridiques visent spécifiquement les manifestations contre le génocide et placent tout participant sous le coup d’une suspicion généralisée de faire la promotion de la « haine », du « terrorisme » et de l’« antisémitisme ». Par contre, les vrais fascistes, comme Charlie Kirk qui vient d’être assassiné, reçoivent des ovations debout au Parlement et des éloges funèbres de la part de l’ensemble de l’establishment politique.
L’annonce faite dimanche par le premier ministre Carney (avec ses homologues britannique, australien et portugais) de la reconnaissance d’un État palestinien est une démonstration répugnante d’hypocrisie visant à détourner l’attention de ces développements et à dissimuler la complicité des puissances occidentales dans le génocide. La reconnaissance diplomatique dépend d’une série de conditions, qui intègrent les principaux objectifs de guerre du gouvernement fasciste israélien, notamment le dépôt des armes par le Hamas et son exclusion de tout rôle dans la future gouvernance de la Palestine. Le gouvernement canadien refuse toujours de qualifier ce qui se passe de génocide, utilisant des termes orwelliens pour parler de « la contribution du gouvernement israélien à la catastrophe humanitaire à Gaza ». L’impérialisme canadien tente de dissimuler ses traces. Tel que précédemment rapporté par le WSWS, entre octobre 2023 et juillet 2025, 47 livraisons militaires directes ont été effectuées par des fabricants d’armes basés au Canada à destination d’Israël. Ainsi le Canada a effectué la livraison de plus de 421 000 balles à Israël depuis le début du génocide à Gaza, dont 175 000 lors d’une seule livraison en avril.
(Article paru en anglais le 23 septembre 2025)