La Coalition Avenir Québec (CAQ), qui gouverne la province depuis sept ans sous la direction du Premier ministre François Legault fortement aligné à droite, fait face à une grogne populaire montante. Selon les sondages, si une élection provinciale (prévue d’ici octobre 2026) avait lieu aujourd’hui, la CAQ subirait une défaite cinglante. Au même moment, l’élite dirigeante se montre de plus en plus impatiente devant ce qu’elle considère comme l’échec du gouvernement Legault à imposer son programme réactionnaire.
La réponse du gouvernement est venue au début du mois avec un remaniement ministériel conçu pour symboliser un autre coup de barre à droite. Dans un discours prononcé à cette occasion le 10 septembre, le Premier ministre Legault (un millionnaire et ex-PDG d’Air Transat) a déclaré une guerre ouverte contre les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière au Québec.
Annonçant un «traitement choc», Legault a cité la nécessité de «couper profondément dans la bureaucratie», c’est-à-dire démanteler ce qui reste des services publics essentiels, notamment en matière de santé et d’éducation.
Il a également pris pour cible la réglementation environnementale dans un signal clair à la grande entreprise qu’elle aurait le champ complètement libre pour engranger des profits tout en foulant aux pieds les mesures les plus élémentaires de protection de l’environnement.
La CAQ va aussi poursuivre son attaque frontale sur les immigrants et les minorités religieuses dans le cadre de ses efforts constants pour en faire des boucs émissaires de la profonde crise sociale causée par le capitalisme en faillite.
Legault a ainsi repris dans son discours du 10 septembre le scénario frauduleux d’un Québec qui serait «submergé» par une «explosion de l’immigration» avant d’annoncer qu’il «n’exclut aucun moyen pour réduire la pression sur nos services publics et sur notre identité».
Ce langage fait écho à la théorie du «Grand remplacement» véhiculée par l’extrême-droite concernant un supposé complot pour remplacer la population blanche des pays occidentaux par des étrangers en provenance de pays musulmans ou africains. Dans la déclinaison québécoise de cette théorie du complot, le gouvernement fédéral canadien voudrait submerger le «peuple québécois» francophone dans une mer d’immigrants portés à parler l’anglais.
Le gouvernement Legault a déjà déclaré vouloir couper l’accès aux services publics pour les demandeurs d’asile si Ottawa ne réduisait pas la proportion de demandeurs d'asile accueillis au Québec. Pendant même que la CAQ pointe du doigt l’une des sections les vulnérables de la société, ce sont ses politiques d’austérité conçues au bénéfice des riches – compressions budgétaires massives et fortes baisses d’impôt sur la grande entreprise – qui sont la source première des «pressions sur les services publics».
Afin de détourner le regard des travailleurs de cette réalité sociale, l’élite dirigeante, incluant la CAQ et le Parti québécois (PQ), fait depuis des années la promotion du chauvinisme québécois en alimentant la xénophobie et le racisme, en particulier par la promotion de l’islamophobie.
Suivant l’adoption de la loi 21 en 2019, qui interdisait déjà le port de signes religieux dans la fonction publique pour ceux «en position d’autorité coercitive», le gouvernement Legault a présenté le projet de loi 94 en avril dernier pour étendre dorénavant la loi 21 à tout le personnel scolaire et à quiconque offre un service dans les écoles. L’hypocrisie du gouvernement est sans bornes lorsqu’il avance le prétexte de la «laïcité de l’État» pour justifier sa violation des droits des minorités religieuses tout en insistant pour le maintien du «patrimoine catholique» du Québec.
Une nouvelle loi est en préparation pour interdire le port de signes religieux dans les garderies et bannir les prières en public. Le ministre de l’Immigration Jean‑François Roberge a justifié cette dernière mesure en pointant du doigt la «prolifération des prières de rue», notamment dans le sillage des manifestations pro-palestiniennes où des prières publiques ont été utilisées comme forme de protestation.
Il n’est pas nécessaire d’endosser une telle pratique, qui ne contribue pas à la clarification politique des travailleurs et des jeunes, pour dénoncer fermement tout projet de loi visant à l’interdire. Car cela fait partie des efforts croissants de la classe dirigeante partout dans le monde pour criminaliser l’opposition populaire montante au génocide mené par l’État sioniste israélien contre le peuple palestinien de Gaza avec la pleine complicité de Washington, Ottawa et l’Union européenne.
Le gouvernement Legault s’est montré particulièrement provocateur: il a calomnié les manifestants opposés au génocide d’Israël comme étant des antisémites et il a fait pression sur la police le printemps dernier pour qu’elle intervienne et démantèle des campements pro-palestiniens érigés sur plusieurs campus universitaires du Québec.
Citant le déficit budgétaire persistant et l’abaissement de la cote de crédit du Québec par l’agence américaine de notation de crédit S&P Global, la CAQ prépare des mesures d’austérité dévastatrices. Il a déjà annoncé des coupes de l’ordre de 1 milliard de dollars dans la santé publique, et de plus de 500 millions de dollars en éducation.
Prévoyant une opposition de masse parmi les travailleurs, Legault a annoncé l’intention de son gouvernement de revoir les règles sur les votes de grève afin de renforcer le contrôle de l’État sur le processus. Il a déclaré qu’il «faut avoir le courage de moderniser le régime syndical», c’est-à-dire de réduire à néant ce qui reste des droits des travailleurs.
Cette nouvelle attaque sur les droits démocratiques suit de près l’adoption récente du projet de loi 89 cet été, qui donne au gouvernement des pouvoirs étendus pour limiter drastiquement le droit de grève. La révision du mode de financement des syndicats vise notamment à limiter la possibilité pour ces derniers de lancer des campagnes politiques ou des contestations judiciaires. Le gouvernement Legault est particulièrement furieux contre la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) pour avoir osé défendre ses membres par un recours devant la Cour suprême du Canada qui remet en cause la loi 21 interdisant aux enseignants de porter le hijab (foulard traditionnel utilisé par certaines musulmanes).
La remontée du chauvinisme et du nationalisme fait partie de tendances globales. Aux États-Unis, le régime de Trump a déclaré la guerre aux immigrants en renforçant les pouvoirs de l’État et de sa police d’immigration qui agit comme une véritable Gestapo pour traquer et déporter des dizaines de milliers de travailleurs immigrés de toutes les origines et de tous les statuts légaux. Cet assaut sur les droits démocratiques est allé de pair avec un vandalisme sans précédent contre les infrastructures et services publics, supervisé par l’infâme Département américain de l’efficacité gouvernementale (DOGE), dont s’inspire actuellement la CAQ.
Sous la couverture de la guerre tarifaire lancée par Trump et ses menaces d’annexion du Canada, l’élite dirigeante au Canada a elle-même effectué un tournant rapide vers la droite. Le gouvernement libéral de l’ex-Premier ministre Justin Trudeau avait déjà drastiquement réduit le taux d’immigration au nom de la lutte contre la crise du logement et des services publics.
Cet été, continuant dans la même lignée, le gouvernement de l’actuel Premier ministre libéral canadien, Mark Carney, a annoncé des mesures limitant le nombre de résidents permanents à 1 pour cent de la population, et celui des résidents temporaires à 5 pour cent. Ceci a été accompagné de l’annonce de coupes budgétaires de 15 pour cent, ainsi que d’une augmentation massive de 17 pour cent des dépenses militaires.
À part quelques condamnations démagogiques, la réponse des syndicats à l’assaut patronal se limite à des appels pathétiques adressés à la classe dirigeante pour le «dialogue social», c’est-à-dire pour convaincre celle-ci de continuer à utiliser les services de la bureaucratie syndicale pour imposer ses attaques contre les travailleurs.
Au Québec, par exemple, pas la moindre mobilisation contre le projet de loi 89 n’a été organisée par les centrales syndicales. La présidente de la plus grande d’entre elles, Magali Picard de la FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec), est en pourparlers avec le PQ sur la possibilité d’accorder un appui aux prochaines élections à ce parti de la grande entreprise qui attaque la CAQ de la droite en exigeant plus de coupes budgétaires et plus de chauvinisme anti-immigrants.
Suite au discours de Legault, Québec solidaire (QS), un parti des classes moyennes aisées qui soulève à l’occasion de timides critiques supposément «de gauche», a fait savoir par la voix de son co-porte parole Guillaume Cliche-Rivard que Legault avait lancé une «autre déclaration de guerre aux travailleurs». Cependant, les inquiétudes de QS n’ont rien avoir avec les intérêts des travailleurs.
Pour chaque pas vers la droite que le gouvernement a fait par le passé, QS a joué un rôle clé, en alliance avec la bureaucratie syndicale et le PQ, pour étouffer et paralyser systématiquement toute résistance des travailleurs. QS fait ceci non seulement à travers sa propre promotion du projet d’un Québec capitaliste indépendant fondé sur le nationalisme linguistique, mais également par sa promotion des appareils bureaucratiques syndicaux qui dominent les travailleurs.
Le discours de Legault est un sérieux avertissement. Afin de répondre à cette déclaration de guerre par leur propre contre-offensive, il est primordial pour les travailleurs au Québec de rompre avec le nationalisme sous toutes ses formes et de reconnaître le caractère international de leur lutte.
Ils doivent déclencher, en alliance étroite avec leurs frères et sœurs de classe à travers le Canada et au-delà, une contre-offensive ouvrière contre l’austérité capitaliste et pour la défense des emplois, des services publics et des droits démocratiques. Cela doit être associé à une nouvelle perspective politique: la réorganisation socialiste de l’économie pour satisfaire les besoins sociaux et non le profit privé.