L'accord conclu la semaine dernière par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) pour mettre fin à trois jours de médiation sur les salaires et précipiter les agents de bord d'Air Canada dans un arbitrage contraignant est la dernière étape de la trahison par la bureaucratie syndicale d'une lutte militante qui a défié l'État et menacé de galvaniser les travailleurs à travers le Canada.
«Le syndicat a passé neuf mois à négocier de bonne foi avec la compagnie sur les salaires et n'a vu aucune preuve que trois jours supplémentaires de médiation produiraient un résultat acceptable. Le syndicat cherche donc à obtenir une procédure accélérée qui mettra de l'argent dans les poches de nos membres et conclura ce processus le plus rapidement possible», a déclaré la composante Air Canada du SCFP dans un communiqué, justifiant ainsi sa dernière capitulation.
Moins de deux semaines auparavant, plus de 10 500 agents de bord avaient infligé un blâme retentissant à la direction d'Air Canada, au gouvernement libéral Carney et à l'appareil syndical lui-même en votant à 99,1 % contre un accord salarial que le SCFP avait qualifié de «transformationnel». Avec un taux de participation de près de 95 %, le résultat a exprimé l'hostilité écrasante de la base à l'égard d'un accord qui n'offrait rien d'autre que des réductions de salaire en termes réels, la poursuite du travail non rémunéré et la renonciation à des droits démocratiques fondamentaux.
Le vote a mis en évidence le caractère frauduleux du cadre de la «négociation collective» et le rôle des syndicats en tant que principaux responsables de son application. Selon les termes de l'accord conclu à la hâte par le SCFP avec la direction et le gouvernement – élaboré dans le dos des travailleurs lors de négociations nocturnes visant à mettre un terme à leur attitude de défi à l'égard d'un ordre de retour au travail le mois dernier – la seule section du contrat sur laquelle les travailleurs étaient autorisés à voter concernait les salaires.
Une proposition d'augmentation de 17 % étalée sur quatre ans se traduit par une baisse de salaire si l'on tient compte de l'inflation et d'années de stagnation salariale. Pendant ce temps, la bureaucratie syndicale a empêché les agents de bord de voter sur la grande majorité des concessions qu'elle avait accordées à huis clos. Celles-ci comprenaient la mise en place d'un système de rémunération à deux niveaux pour les tâches au sol, le travail avant le vol étant rémunéré à seulement 50 % du salaire normal et le travail après le vol n'étant pas rémunéré du tout.
Air Canada avait déjà indiqué qu'elle était prête à faire des concessions pour payer au taux de 50 pour cent. Le SCFP a approuvé cette proposition et a tenté de présenter une modification mineure – l'augmentation progressive du taux à 70 pour cent d'ici la quatrième année – comme une percée. En réalité, cela signifie que le travail au sol continuera d'être rémunéré à un niveau inférieur au salaire minimum fédéral, les agents de bord n'étant indemnisés que pour une fraction des 35 heures de travail non rémunéré qu'ils sont contraints d'effectuer chaque mois.
La manière dont le «vote» a été structuré souligne le cynisme de l'opération. Le SCFP a lié les travailleurs à l'avance en stipulant que s'ils rejetaient les conditions salariales, le reste de l'accord serait soumis à une médiation puis à un arbitrage contraignant, garantissant que les travailleurs ne seraient jamais autorisés à modifier le résultat. Le rejet courageux de l'accord par les agents de bord représentait donc non seulement une opposition aux diktats de la direction, mais aussi une répudiation sans équivoque de la tentative de la bureaucratie d'étouffer leur lutte.
Le contexte de cette lutte révèle pourquoi le SCFP s'est empressé de l'étouffer. Le 16 août, les agents de bord ont lancé leur grève après avoir voté massivement en faveur d'un plan d'action pour obtenir des augmentations de salaire et la fin du travail non rémunéré. Moins de 12 heures plus tard, la ministre de l'Emploi Patty Hajdu, exerçant les pouvoirs draconiens de l'article 107 du Code canadien du travail tel que réinterprété par les libéraux au cours des deux dernières années pour s'arroger de nouveaux pouvoirs autoritaires briseurs de grève, a interdit la grève. L'ordre visant à criminaliser la grève a été imposé par le biais d'une décision inventée du Conseil canadien des relations industrielles – composé de représentants non élus des grandes entreprises, des syndicats et du gouvernement – à la requête de Hajdu, sans même un vote parlementaire.
Soulignant leur détermination, les agents de bord ont ouvertement défié l'ordre et poursuivi leur débrayage. Le SCFP a sanctionné ce défi non pas pour obtenir les justes revendications des travailleurs et repousser l'assaut de l'État contre le droit de grève, mais uniquement pour garder le contrôle suffisamment longtemps pour ramener les travailleurs au travail. Dans les heures qui ont suivi l'annonce par la bureaucratie qu’elle était prête à aller en prison et à se faire imposer des amendes importantes pour maintenir la grève, la bureaucratie a entamé une séance de négociation nocturne avec la direction d'Air Canada sous l'égide du médiateur gouvernemental William Kaplan, et au petit matin du 19 août, le SCFP a annoncé son accord traitre.
La principale crainte de la bureaucratie syndicale était que la courageuse attitude de défi des agents de bord à l'égard de l'opération brise-grève de Carney inspire d'autres secteurs de la classe ouvrière. L'inflation, la baisse des salaires et l'attaque systématique contre le droit de grève sont des questions brûlantes pour les travailleurs de tous les secteurs, de l'éducation à la santé en passant par l'industrie automobile. Une grève illégale illimitée menée au mépris du gouvernement menaçait de faire éclater le système soigneusement géré des «relations de travail» corporatistes qui, depuis des décennies, maintient la lutte des classes sous un contrôle bureaucratique étroit, et de déstabiliser le gouvernement libéral minoritaire de Carney, récemment élu, avant même qu'il ne présente un budget. Le SCFP est intervenu, non pas en tant qu'organisation de lutte pour les travailleurs, mais en tant que gendarme politique agissant au nom de l'État capitaliste pour étouffer la lutte.
Une conspiration anti-travailleurs
Le silence des autres syndicats révèle l'ampleur de la conspiration. Le Congrès du travail du Canada s'est empressé de déclarer que l'accord de dernière minute du SCFP avait prouvé que «c'est la négociation, et non l'article 107 de Carney, qui permet de conclure des accords». Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), lui-même confronté à une bataille contractuelle sous la menace d'un arbitrage, n'a rien dit jusqu'à ce que tout soit terminé. Cette collusion n'était pas un accident, mais la politique consciente de toute la bureaucratie, dont les privilèges reposent sur leur alliance avec les entreprises et le gouvernement. Pour eux, la défense d’«Équipe Canada» – le partenariat tripartite qui lie les grandes entreprises, le gouvernement et les syndicats – prime sur la défense des salaires, des emplois et des droits des travailleurs.
Comme on pouvait s'y attendre, la pseudo-gauche a réagi au défi des agents de bord d'Air Canada non pas en faisant la lumière sur la trahison commise par le SCFP, mais en faisant tout son possible pour renforcer les illusions dans la bureaucratie même qui a trahi la grève. Spring Magazine s'est empressé de publier une série d'articles saluant l'entente de principe comme la preuve que «les travailleurs décideront de la fin de la grève, pas le gouvernement», occultant volontairement le fait que le SCFP avait déjà appliqué l'ordre de retour au travail de Carney et enfermé les travailleurs dans un cadre conçu pour étouffer leur lutte.
Révolution communiste/Marxist.ca et Socialist Action ont également fait l'éloge de la direction syndicale pour avoir prétendument résisté à la répression de l'État, présentant le SCFP et la bureaucratie au sens large comme des militants réticents qui n'avaient besoin que d'être poussés à l'action. En réalité, c'est le regain de militantisme des travailleurs de la base et leur détermination à poursuivre la grève illégalement, si nécessaire, qui ont forcé le SCFP à feindre l'opposition à ses alliés libéraux. Une fois que la bureaucratie a estimé que le danger était écarté, elle a mis en place un mécanisme permettant d'enfermer rapidement les agents de bord dans un processus de médiation, puis d'arbitrage, assurant ainsi la défaite de la position de défi adoptée par la base.
Le World Socialist Web Site insiste depuis longtemps sur le fait que la pseudo-gauche sert d'auxiliaire à la bureaucratie syndicale, qui dépeint ces agents parfaitement intégrés de l'État capitaliste comme des opposants afin d'empêcher les travailleurs de se libérer de leur emprise. En dépeignant les responsables syndicaux comme des alliés imparfaits plutôt que comme des exécutants conscients des diktats des patrons et du gouvernement, des groupes comme Labor Notes et Jacobin, alignés sur la faction des Socialistes démocrates d'Amérique du Parti démocrate américain et le Nouveau Parti démocratique au Canada, étouffent délibérément la lutte des classes dans la poursuite de leurs propres privilèges, qu'ils soient liés au monde universitaire, au financement des ONG, ou à l'appareil syndical lui-même.
Il ne s'agit pas simplement d'une erreur de stratégie, mais d'une fonction politique : chloroformer les travailleurs au moment même où ils commencent à reconnaître que leurs ennemis les plus déterminés ne sont pas seulement l'élite des entreprises et l'État, mais aussi l'appareil bureaucratique qui dirige la classe ouvrière en leur nom. Ce n'est qu'en brisant ce mur de tromperie politique que les travailleurs pourront développer leurs propres organisations indépendantes et la perspective socialiste révolutionnaire nécessaire, libérés de l'étau de la bureaucratie syndicale et de ses défenseurs de la pseudo-gauche.
Les agents de bord de la base, cependant, ont vu clair dans la propagande. Les commentaires partagés sur les forums de travailleurs après le vote débordaient de colère contre le SCFP, condamnant ses dirigeants comme des collaborateurs corrompus qui avaient gâché une «opportunité historique» et lié les travailleurs à un accord qui ne reflétait pas leur valeur. «Tout était en place pour que nous obtenions de réels progrès», a écrit l'un d'entre eux. «Il s'est passé quelque chose derrière des portes closes – et tôt ou tard, la vérité fera surface.» Un autre a déclaré sans ambages : «Hé, SFPC National, collaborateurs corrompus : arrêtez de trahir les sections locales et les travailleurs et de faire marche arrière à chaque fois qu'il y a un ordre d'arbitrage forcé illégal. Vous abandonnez le droit de grève pour nous tous, et nous ne sommes pas aveugles, et vous êtes dégoûtants.»
La trahison de la grève d'Air Canada trouve un parallèle évident dans l'expérience des travailleurs de soutien à l'éducation de l'Ontario en 2022. À l'époque, 55 000 employés d'école faiblement rémunérés, regroupés au sein du Conseil des syndicats des conseils scolaires de l'Ontario (CSCSO) du SCFP, ont lancé une grève en défiant ouvertement le projet de loi 28 du premier ministre conservateur Doug Ford, qui interdisait de manière préventive leur grève et invoquait la «clause dérogatoire» pour passer outre les droits constitutionnels.
Le défi des travailleurs de soutien à l'éducation a électrisé les travailleurs de toute la province, a déclenché des manifestations de masse et a fait naître la perspective d'une grève générale alors que des dizaines de milliers de travailleurs se ralliaient spontanément en solidarité. Mais c'est précisément à ce moment-là, alors que le gouvernement Ford était dans les cordes, que Laura Walton, présidente du CSCSO, et le SCFP national sont intervenus pour mettre un terme à la lutte. Lors de pourparlers en coulisses avec Ford, auxquels ont également participé le Congrès du travail du Canada, Unifor et d'autres dirigeants syndicaux nationaux, un accord a été concocté pour saboter la lutte courageuse des travailleurs sans répondre à aucune de leurs revendications. Sans vote ni même accord de principe, Walton a ordonné aux travailleurs de reprendre le travail après que Ford eut promis d'abroger la loi 28, gâchant ainsi la possibilité d'obtenir des augmentations de salaire à hauteur de l'inflation et de garantir les ressources dont l'éducation publique a cruellement besoin. Alors que les directions syndicales ont salué l'arrêt de la grève comme une grande «victoire» parce que Ford avait retiré la loi d'interdiction de la grève, les travailleurs se sont retrouvés moins d'un mois plus tard avec un contrat pourri rempli de reculs que le SCFP s'est empressé de leur enfoncer dans la gorge. La bureaucratie a récompensé Walton pour cette trahison en l'élevant à la présidence de la Fédération du travail de l'Ontario.
La nécessité de créer des comités de base
La leçon pour les agents de bord, comme pour les travailleurs de l'éducation, est sans équivoque : l'appareil syndical n'est pas un véhicule pour faire avancer les luttes des travailleurs, mais un instrument pour les réprimer. Dans les deux cas, la détermination de la base a conduit les gouvernements au bord de la crise, avant qu’ils ne soient sauvés par la bureaucratie, dont les privilèges et les alliances politiques dépendent de la répression du pouvoir social de la classe ouvrière.
L'issue de l'affrontement à Air Canada a une fois de plus confirmé de la manière la plus brutale que le militantisme seul ne suffit pas. Le courage des agents de bord, qui ont défié le gouvernement et rejeté l'accord, a prouvé que les travailleurs sont prêts à se battre. Mais il a également prouvé que tant que la bureaucratie gardera le contrôle, un tel défi sera étouffé. Le SCFP a maintenant abandonné toute médiation et remis le contrat de travail à l'arbitrage, garantissant ainsi que les travailleurs seront liés aux conditions de la direction sans aucun semblant de participation démocratique.
L'expérience des agents de bord d'Air Canada est donc une condamnation accablante de l'ensemble du système de «négociation collective» et de l'appareil syndical qui l'administre. Ce cadre ne donne pas de pouvoir aux travailleurs ; il sépare et isole leurs luttes afin de faire passer en force les exigences des employeurs. Il fournit la base matérielle des privilèges des bureaucrates, dont les avantages et les salaires dépendent de la préservation de leurs partenariats corporatistes avec les entreprises et les gouvernements. Et il est défendu par la pseudo-gauche, qui colporte les illusions de ce système pour empêcher les travailleurs de s'en détacher sur le plan politique et organisationnel.
Les leçons à tirer pour les travailleurs au Canada et dans le monde sont claires. Le droit de grève, la lutte pour des salaires décents et la défense des droits démocratiques ne peuvent être assurés par le SCFP, le STTP, Unifor ou tout autre syndicat nationaliste et pro-capitaliste. Ils doivent être menés par la création de comités de base, dirigés directement par les travailleurs, reliés entre eux par-delà les industries et les frontières, et armés d'un programme politique qui s’oppose à ce que les besoins humains soient subordonnés au profit des entreprises.
La position courageuse prise par les agents de bord a marqué un tournant. Elle a démontré que l'étouffement de la résistance des travailleurs par la bureaucratie devient de plus en plus difficile. Mais elle a également montré que des victoires ne peuvent être obtenues que si les travailleurs prennent leurs luttes en main, rompent consciemment avec l'alliance syndicale-NDP-Libérale et lient leur combat à la construction de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base et du Parti de l'égalité socialiste (Canada). Ce n'est qu'à travers un tel mouvement, fondé sur un programme socialiste et internationaliste, que l'immense pouvoir de la classe ouvrière pourra être mobilisé pour vaincre l'austérité, défendre les droits démocratiques et réorganiser la société sur la base des besoins sociaux.
(Article paru en anglais le 24 septembre 2025)