Il ne se passe pas un jour sans qu’on n’annonce des nouvelles désastreuses pour les travailleurs de l'automobile et de ses fournisseurs. Les principaux constructeurs ont annoncé des suppressions d'emplois massives, de l'ordre de quatre à cinq chiffres : Volkswagen, Mercedes, Bosch, ZF, Porsche, Ford, Audi et d'autres. Parallèlement, des centaines d'emplois disparaissent chaque jour dans d'innombrables entreprises de taille moyenne.
Le syndicat IG Metall compte plus de deux millions de membres, la plupart dans l'industrie automobile. Grâce à ses nombreux représentants aux comités d'entreprise et comme délégués syndicaux, il est parfaitement informé de l'évolution de la situation dans les différentes usines. Mais au lieu de mobiliser cette force sociale contre la destruction massive des emplois, il aide à imposer ces attaques à ses propres membres.
La durée de vie des études sur les pertes d'emplois attendues dans l'industrie automobile et chez les équipementiers est plus courte que celle d'un nucléide instable. Lorsque l'Institut économique allemand (IW) a annoncé début septembre, pour le compte du ministère allemand de l'Économie, que 18 000 emplois supplémentaires seraient supprimés en Allemagne d'ici la fin de l'année et 98 000 en tout d'ici 2030, cette prévision était déjà dépassée par la réalité.
La semaine dernière, Bosch a annoncé la plus grande hécatombe d'emplois de l'histoire du groupe: rien qu'en Allemagne, 22 000 emplois vont être supprimés, bien plus que les 9 000 postes initialement prévus.
Selon l'IW, 1,2 million de personnes travaillent actuellement pour les constructeurs automobiles, leurs fournisseurs et d'autres entreprises qui en dépendent. Dans les domaines de transformation d'avenir – électrification, automatisation et connectivité – pas plus de 182 000 personnes sont employées. La création d'emplois stagne dans ce secteur dû aux faibles ventes de véhicules électriques des constructeurs allemands. Parallèlement, les entreprises prévoient un virage à 180 degrés et se recentrent sur leurs véhicules à essence. Cela pourrait ralentir temporairement la vague d'insolvabilités et de coupes budgétaires, mais signifie simplement qu'elles reprendront ensuite les coupes avec encore plus de force.
Les suppressions d'emplois sont motivées par la baisse des bénéfices. Le 14 septembre, le quotidien financier Handelsblatt rapportait, citant une analyse sectorielle du cabinet de conseil EY, que les bénéfices des 19 plus grands constructeurs automobiles mondiaux avaient chuté de 50 pour cent au premier semestre par rapport à la même période l'an dernier (-49,2 %), mais s'élevaient toujours au niveau appréciable de 42,8 milliards d'euros.
Le constructeur automobile leader Porsche a déjà émis quatre avertissements sur résultats cette année, même s'il prévoit toujours des bénéfices. La capitalisation boursière de Porsche a diminué de moitié depuis son entrée en bourse il y a trois ans. Cette situation a suscité la colère des familles Porsche et Piëch, propriétaires de Porsche.
Ils veulent continuer à accroître leurs milliards au détriment des travailleurs de l'automobile. C'est pourquoi, comme d'autres actionnaires et propriétaires, ils exigent la destruction d'emplois et de nouvelles baisses de salaires pour doper les profits et freiner la chute du cours des actions.
Les victimes sont des dizaines de milliers de travailleurs, comme le montre la liste, incomplète, suivante (avec les dates d'annonce) :
Bosch (annoncé le 25 septembre) – D'ici 2030 au plus tard, 13 000 emplois supplémentaires seront supprimés en plus des 9 000 déjà annoncés dans la division Mobilité, principalement en Allemagne.
Stellantis/Opel (25 septembre) – Le groupe Stellantis suspend temporairement la production dans plusieurs usines européennes, dont celle d'Opel à Eisenach, en Thuringe. La production sera « adaptée à travers une fermeture temporaire de deux jours en octobre ».
Kiekert Heiligenhaus (25 septembre) – L'équipementier automobile Kiekert AG, inventeur du système moderne de verrouillage centralisé, a déposé le bilan. Les quelque 700 salariés allemands percevront des indemnités d'insolvabilité jusqu'en novembre ; la suite des événements reste incertaine.
Goodyear Fulda (25 septembre) – Le 30 septembre, l'usine Goodyear de Fulda fermera définitivement ses portes après 125 ans d'histoire industrielle. Les 1 050 anciens salariés du fabricant de pneumatiques seront mis à la rue.
ZF Coblence (19 septembre) – Le fournisseur ZF a annoncé la semaine dernière la suppression d'environ 450 emplois à Coblence d'ici 2030. «L'essentiel des suppressions d'emplois restantes devrait être achevé d'ici fin 2026.»
Stabilus Koblenz (19 septembre) – Le fabricant de ressorts pneumatiques supprime 450 emplois dans le monde et regroupe ses bureaux et ses sites de production en Allemagne, aux États-Unis, à Singapour et en Thaïlande. Ces mesures devraient permettre d'économiser 19 millions d'euros d'ici septembre prochain.
MAN Salzgitter (18 septembre) – Un nombre indéterminé, probablement plusieurs centaines, d'emplois seront supprimés suite à des délocalisations ou des fermetures sur ce site de Basse-Saxe. Les opérations d’assemblage d’essieux et de vilebrequin sont affectées.
Ford Cologne (16 septembre) – L'usine principale de Cologne passe de deux à une seule équipe, entraînant la suppression de 1 000 emplois supplémentaires. Deux semaines plus tôt, IG Metall avait déjà donné le feu vert à la suppression de 2 900 postes.
Breyden Lollar (12 septembre) – Le fabricant de disques de frein ferme cette année son site de Lollar, en Hesse, où travaillent 230 personnes. Les ouvriers de la fonderie, autrefois membres de l'empire Bosch, craignent pour leurs emplois depuis plus de trois ans. La fin est attendue dans quelques mois.
BorgWarner Darmstadt/Offenbach (8 septembre) – L'équipementier américain prévoit de réduire de près de moitié ses effectifs à Darmstadt et Langen (Hesse). « Selon la direction, environ 40 pour cent des 300 postes d'ingénieurs (BTC) et 45 pour cent des 500 emplois d'usine doivent disparaître d'ici janvier 2026 », rapporte IG Metall.
Musashi Hann.Münden/Lüchow (8 septembre) – Le fournisseur japonais prévoit de réduire ses effectifs et de fermer deux usines allemandes. Les ventes de pièces forgées produites par Musashi ont chuté de 40 pour cent. Les usines de Hannoversch Münden (Basse-Saxe) et de Leinefelde (Thuringe) fermeront leurs portes ; les effectifs de Lüchow (Basse-Saxe) seront licenciés . Des centaines de travailleurs sont concernés.
Le syndicat IG Metall s'est donné pour mission de faire passer partout les attaques et de briser la volonté de lutte des travailleurs.
Les syndicats s'emploient activement à isoler les sites concernés, laissant les travailleurs se faire licencier chacun de son côté. Les responsables syndicaux négocient des « contrats sociaux » qui obligent les travailleurs à quitter leur emploi : retraites anticipées, temps partiel pour les plus âgés, indemnités de départ et recours à des entreprises d'intérim. Même les « licenciements secs », dont l'exclusion était autrefois toujours troquée par les syndicats contre des réductions massives d'emplois et de salaires, sont désormais mis en œuvre.
Mais les travailleurs veulent se battre. Le comité d'entreprise de ZF à Coblence signale « une volonté de lutter pour préserver les emplois ». Cependant, à l'échelle du groupe – qui vise à supprimer jusqu'à 14 000 emplois rien qu'en Allemagne d'ici fin 2028 – le comité d'entreprise et IG Metall refusent de mener des luttes défensives communes.
Quand les bureaucrates syndicaux réagissent avec une colère feinte aux attaques annoncées, ils le font uniquement pour étouffer la montée du militantisme. Par exemple quand le secrétaire régional d'IG Metall à Darmstadt affirme que le comité d'entreprise et IG Metall « n'accepteront pas les projets de BorgWarner sans les contester». Rien ne se passera – sinon quelques manifestations aux sifflets ou le rituel assommant et démoralisé des cortèges trimballant des cercueils en carton. Les discours creux d'«opposition» ne sont jamais suivi de résistance concrète et efficace.
Au contraire, IG Metall et tous les principaux syndicats soutiennent les attaques des entreprises. Corrompus par des places lucratives aux conseils de surveillance et aux comités d'entreprise, les bureaucrates partagent le point de vue de la direction et des actionnaires : pour préserver les profits, il faut supprimer des emplois et réduire les charges de personnel (salaires, primes, avantages en nature, indemnités journalières, retraites complémentaires, etc.).
Les travailleurs de l'industrie automobile ne doivent pas se faire d’illusions : l'appareil d'IG Metall et ses représentants au sein des comités d'entreprise sont de l'autre côté de la barricade. L’opposition grandissante doit donc s'organiser indépendamment de la bureaucratie et contre elle.
À cette fin, des comités d’action de base indépendants doivent être créés, réunissant tous ceux qui veulent vraiment lutter et surmonter la fragmentation imposée par les syndicats, en dépassant les divers secteurs et les frontières.
La production et toutes les ressources sociales doivent servir les besoins sociaux de la classe ouvrière – celle qui crée toute la valeur – plutôt que les intérêts et les profits des riches.
Si vous partagez cette orientation, nous vous invitons à nous contacter pour mettre fin à ces attaques incessantes. Remplissez le formulaire ou envoyez un message WhatsApp au +49 163 337 8340.
(Article paru en anglais le 3 octobre 2025)