La colère contre Macron des travailleurs et des jeunes monte malgré la démobilisation syndicale

Malgré une colère sociale qui reste forte ainsi qu’une large impopularité du gouvernement français, la participation à la journée d’action du 2 octobre était bien plus faible qu’à celle du 18 septembre. Environ 600.000 personnes se sont mobilisées dans plus de 200 cortèges, de source syndicale, contre environ un million auparavant. Plusieurs mobilisations, notamment à Paris, Lyon, Bordeaux, et Rennes ont attiré plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Le premier ministre Lecornu a vite chuté à 15 pour cent dans les sondages, devenant si impopulaire que Macron a dû se défaire de lui, mais il est évident que les travailleurs ne font pas confiance aux bureaucraties syndicales pour mener une lutte contre Macron. En négociant avec Macron et en démobilisant l’opposition ouvrière, ces bureaucraties et leurs alliés dans le Nouveau Front Populaire (NFP) de Jean-Luc Mélenchon donnent du temps à la classe dirigeante française pour préparer leurs projets d’austérité, de guerre et de répression policière.

La question décisive est l’organisation indépendante des travailleurs à la base, préparant une grève générale pour faire chuter Macron et stopper la militarisation et les guerres impérialistes. Une lutte internationale contre la guerre et pour l’expropriation socialiste des oligarques capitaliste par la base est la seule voie pour résoudre la crise capitaliste actuelle.

Or, après l’expérience de la démobilisation de plusieurs luttes par les directions syndicales et des politiciens populistes comme Mélenchon, des couches de travailleurs et de jeunes parlent de plus en plus ouvertement de leur désillusion avec les directions syndicales et de leurs aspirations socialistes.

Des journalistes du WSWS sont intervenus dans le cortège parisien le 2 octobre.

Jacques, qui travaille dans le cinéma, leur a dit: «Je suis venu manifester contre les réformes de l'État qui sont injustes, oppressives contre le peuple, et contre toutes les guerres aussi dans le monde. Macron a enfin reconnu aussi la Palestine … alors qu'il fallait le faire depuis un moment, interdire à Netanyahou de venir sur le sol français ou de passer dans l'espace aérien. Je revendique la retraite aussi à 60 ans, d'arrêter de se foutre de notre gueule, à continuer de nous taxer dans tous les sens sans jamais taxer les plus riches.»

Expliquant pourquoi il portait un drapeau palestinien, il a dénoncé le génocide à Gaza: «La vidéo est ultra présente dans nos vies et on voit toute la misère du monde. On ne peut pas se cacher de ce qui se passe, et que l’État est complice de ce que fait Israël. On livre des armes tout de même à Israël, en tout cas des pièces qui permettent de fabriquer leurs armes et de continuer».

Tout en soulignant qu’il est de gauche, Jacques a fait part de sa méfiance vis-à-vis Jean-Luc Mélenchon, le dirigeant du Nouveau Front Populaire (NFP): «Je ne suis pas non plus pour Mélenchon. Je ne suis pas non plus pour le système actuel. Il faut qu'on le change et qu'on le refonde totalement. Mélenchon, il fait partie d'un truc. Il vit super bien. Il vit bien au-dessus de la plupart de ses électeurs. Derrière, il y aura toujours du copinage et le problème, il est là.»

Interrogé sur les mesures de Trump, qui envoie l’armée dans les villes américaines avec autorisation de tirer sur le peuple tout en saccageant la fonction publique, il a averti: «Il y a une dictature qui est en train de s'installer. Et il y a une dictature qui peut s'installer en Europe parce que les dirigeants européens ... ils sont en train de prendre conscience que Trump, s'il le fait, eux ils peuvent le faire.»

«Il faut absolument bloquer le pays pour qu'on montre que les travailleurs ont juste ras-le-bol de cette élite qui fait n'importe quoi», a-t-il conclu.

Quand le WSWS a indiqué qu’une grève générale pourrait bien faire chuter le gouvernement et ainsi poser des tâches révolutionnaires à la classe ouvrière, Jacques a répondu: «Déjà, avant que le gouvernement chute, il faut qu'on s'organise, à ce qu'on bloque les choses correctement et qu'on soit tous solidaires du même truc. Si on fait tomber un gouvernement il faut déjà avoir un bon système en place avant dans chaque région … Après on peut mettre un bon système en place et essayer de faire les choses correctement.»

Nathalie, déléguée FO, a dénoncé le mépris du pouvoir pour l’opinion: «Les Français sont exprimés aux législatives pour changer radicalement de politique et notamment pour avoir un premier ministre de gauche. Macron nous a bien entendus et il nous a collé des ministres de droite en série, des gouvernements qui se rapprochent de plus en plus du RN et des politiques qui enfoncent la tête sous l'eau des classes moyennes et des plus petites.»

Nathalie à la manifestation parisienne, le 2 octobre 2025.

Elle a fait part de sa solidarité avec les mobilisations «Pas de rois» et des manifestations contre les rafles d’immigrés aux USA: «Évidemment, je suis solidaire. Le système des élections américaines fait qu'ils se retrouvent avec Trump pour la deuxième fois, alors qu'il avait déjà fait des ravages. Là, tout ce que vous avez cité, c'est vrai. On parle aussi du droit des femmes à l'avortement … On ne peut qu'être solidaire. Ce type-là est un fou. Le problème, c'est qu'il peut faire des émules, ça fait flipper.»

Prune, étudiante, s’était mobilisée par dégoût avec la politique des premiers ministres successifs sous Macron. Elle a dit: «C'est important de montrer au gouvernement que ce n'est pas possible. Il n'y a aucune écoute du gouvernement pour le peuple. Je trouve que c'est intolérable.»

Pointant le mépris de Macron pour les mobilisations de l’opposition d’une énorme majorité des Français contre son gouvernement, Prune a ajouté: «Manifester, c'est une manière de faire porter nos voix d'une manière citoyenne. Après, oui, bloquer tout, à mon avis, c'est une solution, parce que le gouvernement nous montre qu'il n'écoute rien. Il y a beau avoir des manifs, en vrai, ils n'agissent pas».

Lucie, informaticienne consultante, a expliqué pourquoi elle s’était mobilisée: «C'est important de lutter, résister et de s'imposer dans la rue, surtout face au régime fasciste et autoritaire que Macron essaie d'imposer … La répression policière, on le sent énormément. On le sent aussi dans la façon dont on nous impose des lois qui ne sont pas du tout sociales, des amendements qui ne sont pas du tout sociaux. Ils ne sont pas pour l'éducation, ils ne sont pas pour la santé, mais ils sont juste pour faire des économies pour la guerre.»

Elle a ajouté: «Quand on va dans la rue pour manifester et pour protester contre cette violence, on est traités de terroristes, de casseurs, d’antisémites aussi parce qu'on proteste contre le génocide en Palestine».

Lucie s’est dite partisane d’une révolution socialiste, mais par méfiance voir opposition envers les politiques des partis social-démocrates ou de pseudo-gauche populiste que les médias capitalistes font passer depuis des décennies pour la «gauche». Elle a expliqué:

«Le Parti socialiste français nous a bien trahi. Je ne parle pas de politique, je parle juste de la façon dont on interagit ensemble, la façon dont on lutte ensemble. C'est purement solidaire, c'est purement populaire. Et pour moi, ça, c'est des politiques foncièrement de gauche. Mais ça ne veut pas dire que les partis français représentent bien cette politique. Ça ne veut pas dire que je fais 100 pour cent confiance à LFI, le parti de Jean-Louis Mélenchon. Même si j'aimerais qu'il arrive au pouvoir, je compte bien sûr qu'après on le tienne à l'œil.»

Sur la faillite politique des tentatives de résoudre la crise par des réformes sur le plan national, elle a dit: «Il y a un problème de fond dans le monde entier, un problème lié au capitalisme, un problème lié à l'impérialisme ... C'est beaucoup plus global que ce qu'on pense.»

«Je suis solidaire de toutes les manifestations de tous les travailleurs du monde entier», a-t-elle dit à propos des mobilisations des travailleurs américains contre le gouvernement Trump. Les «États-Unis, on se dit souvent qu'ils sont cinq ans d'avant sur nous. Et rien n'empêche qu'on arrive là si on ne fait rien aujourd'hui.»

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