Italie: les manifestations de masse et la grève générale pour Gaza témoignent de l'opposition croissante de la classe ouvrière à la guerre et au régime autoritaire.

Des manifestants pro-palestiniens se rassemblent place San Giovanni à Rome, le samedi 4 octobre 2025, à l'issue d'une marche appelant à la fin de la guerre à Gaza. [AP Photo/Alessandra Tarantino]

L’Italie constitue l'un des foyers des protestations mondiales contre la saisie de la flottille de Sumud par Israël. Le samedi 4 octobre, Rome a été le théâtre d'une manifestation pro-palestinienne d'un million de personnes, suite à la grève générale nationale de vendredi, qui avait déjà paralysé une grande partie du pays. Ces grèves et manifestations successives marquent la plus importante vague d'opposition populaire et ouvrière en Italie depuis des décennies ; elles témoignent sans équivoque d'une résistance croissante à la guerre impérialiste, au génocide de Gaza et à la politique fascisante du gouvernement de Giorgia Meloni.

Le déclencheur immédiat de la vague de grèves a été l'interception violente par la marine israélienne de la flottille Global Sumud, un convoi transportant de l'aide humanitaire et des activistes internationaux cherchant à briser le blocus de Gaza. Parmi les personnes capturées figuraient quatre opposants italiens – membres de l'Alliance des Verts et de la Gauche (AVS) et du Mouvement 5 étoiles – dont le maintien en détention a suscité l'indignation dans tout le pays.

Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s'est vanté que les membres de la flottille seraient «traités comme des terroristes», une déclaration qui illustre la barbarie du régime de Netanyahou et de ses soutiens impérialistes.

En réaction, les dockers de Gênes, Livourne, Ancône et d'autres ports ont mené des actions directes, refusant de charger ou de décharger des navires transportant des armes à destination d'Israël. Leur prise de position courageuse a suscité un élan de solidarité et contraint les principales centrales syndicales italiennes, la CGIL et l'USB, à appeler à la grève générale du 3 octobre, malgré leurs propres efforts pour éviter une confrontation. Cette grève, motivée par la pression de la base, a révélé une forte montée du sentiment anti-guerre au sein de la classe ouvrière.

La grève de vendredi a paralysé une grande partie de la vie économique et sociale. Selon les chiffres syndicaux, plus de deux millions de travailleurs et de jeunes y ont participé dans plus de 100 villes. Les transports publics de Milan, Rome et Naples ont été presque entièrement interrompus. Les vols ont été suspendus à Bari, les écoles et les universités ont fermé dans tout le pays et les hôpitaux ont fonctionné avec un personnel réduit.

À Rome, 300 000 personnes ont défilé de la Piazza Vittorio à la Porta Maggiore, leurs banderoles réclamant « Liberté pour Gaza » et « Stop à la complicité de l'Italie dans le génocide ». À Bologne, 100 000 personnes ont bloqué l'autoroute A14 et le périphérique avant que la police n'utilise des gaz lacrymogènes, procédant à deux arrestations. À Gênes, 40 000 personnes ont participé à des manifestations rappelant les grèves portuaires des années 1960 et 1970. Turin, Palerme et les villes de Calabre ont elles aussi vu défiler des dizaines de milliers de manifestants.

Même les prisonniers de la prison Dozza de Bologne ont symboliquement rejoint la grève en refusant leurs salaires et leurs privilèges pour la journée, une expression frappante de la portée du mouvement dans toutes les couches de la société.

La manifestation massive de samedi à Rome – plus d'un million de personnes convergeant à nouveau vers le centre historique de la capitale – a confirmé que le mouvement se propage et s'intensifie.

Cette éruption d'opposition sociale et politique a ébranlé le gouvernement Meloni. Derrière la façade de « stabilité » et une base électorale de 30 pour cent se cache un mécontentement de masse en ébullition. La grève générale et la poursuite des manifestations ont révélé que le régime de Meloni, comme celui de Trump aux États-Unis ou dans tout autre pays impérialiste, est profondément impopulaire et s’appuie sur une base sociale étroite.

Le ministre des Transports, Matteo Salvini, a réagi à la grève par des menaces de répression, avertissant que « si la violence l'emporte, l'État réagira » et promettant que les organisateurs « payeraient personnellement ». Meloni elle-même a qualifié en ricanant la grève de « long week-end déguisé en révolution », révélant tant son mépris des droits démocratiques que la nervosité de son gouvernement face à l'opposition massive.

Ces réactions mettent en lumière une profonde crise de légitimité. L'élite dirigeante craint que la colère suscitée par Gaza et la crise du coût de la vie ne se transforme en mouvement plus large remettant en cause l'ordre capitaliste dans son ensemble. L'ampleur de la répression policière – à Bologne, Milan et Salerne, où canons à eau et gaz lacrymogènes ont été déployés – révèle la disposition de l'État à recourir à la violence.

La loi Meloni, dite « loi Gandhi », adoptée plus tôt cette année sous couvert de « non-violence », restreint drastiquement le droit de manifester en criminalisant les manifestations spontanées et en accordant à la police de larges pouvoirs pour disperser les rassemblements. Conjuguées à la Commission sur le droit de grève, qui déclare arbitrairement les actions syndicales « illégitimes », ces mesures privent les travailleurs de leurs droits démocratiques fondamentaux.

Si la grève générale exprimait la combativité des travailleurs, son organisation et son issue ont été délibérément restreintes par la bureaucratie syndicale et ses partisans staliniens et pseudo de gauche. Alors que le gouvernement se prépare à la guerre, déclarant les grèves et les manifestations illégales, les syndicats ne mobilisent pas la classe ouvrière pour faire tomber Meloni, mais plaident plutôt pour le «droit» d'organiser une simple manifestation. Maurizio Landini, dirigeant de la CGIL, a invoqué la loi italienne 146 de 1990, affirmant que l'action était justifiée par une «mesure exceptionnelle visant à protéger la santé et la sécurité publiques».

Les partis de la pseudo-gauche et les figures de l'opposition – Elly Schlein du Parti démocrate (PD), Nicola Fratoianni de l'Alliance des Verts et de la Gauche (AVS) et Giuseppe Conte du Mouvement 5 étoiles (M5S) – ont cherché à se positionner en défenseurs de la démocratie et de la paix. Pourtant, ces mêmes tendances partagent la responsabilité politique de la participation de l'Italie aux guerres de l'OTAN et de l'érosion des droits sociaux et démocratiques. La loi sur l'emploi du PD a sapé les protections du travail, tandis que le M5S a approuvé des décrets anti-immigrés et des budgets d'austérité lorsqu'il était au pouvoir.

La grève menée en Italie fait partie d’une résurgence mondiale des luttes ouvrières. Dans les jours qui ont suivi l'attaque contre la flottille, des manifestations ont éclaté à Londres, Paris, Madrid, Athènes, Amsterdam, New York, ainsi qu'à travers le Moyen-Orient et l'Asie. Des millions de personnes dans le monde ont exigé la fin du siège israélien de Gaza et la libération des activistes détenus. À l'échelle internationale, l'opposition aux inégalités, au militarisme et au génocide converge avec la colère face à l'effondrement du niveau de vie et aux régimes autoritaires.

Les grèves et manifestations des 3 et 4 octobre montrent que la classe ouvrière émerge comme la force sociale décisive contre la guerre et la réaction. Quelles que soient les manœuvres des syndicats, une grève générale impliquant des millions de personnes pour protester contre le génocide de Gaza représente un tournant historique. Elle confirme l'analyse du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) : la lutte contre la guerre impérialiste doit être menée à travers la mobilisation indépendante de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste.

La tâche est désormais de donner une direction consciente à ce mouvement. La classe ouvrière italienne et européenne doit tirer les leçons de la trahison des syndicats et des partis de la pseudo-gauche et prendre elle-même la lutte en main. Cela nécessite la constitution de comités de la base dans chaque lieu de travail, port, école et quartier, afin de coordonner les actions, de s'unir au niveau international et de développer une offensive politique unifiée contre la guerre, l'austérité et la dictature, et pour les États socialistes unis d'Europe.

Le système capitaliste qui à l’extérieur finance le génocide israélien et les guerres de l'OTAN impose également à l’intérieur la pauvreté et la répression. Pour mettre fin à la guerre, les travailleurs doivent prendre le pouvoir, exproprier les banques et les grandes entreprises, et réorganiser la société sur la base des besoins sociaux, et non du profit privé.

(Article paru en anglais le 7 octobre 2025)

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