Perspective

La réunion fasciste tenue à la Maison-Blanche signale la répression et la violence de masse

Le président Donald Trump s'exprime lors d'une table ronde sur l'antifascisme dans la salle à manger d'État de la Maison-Blanche, le mercredi 8 octobre 2025, à Washington, assisté par la procureure générale Pam Bondi et la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem. [AP Photo/Evan Vucci]

Tous les événements du mois dernier, depuis l'assassinat de Charlie Kirk – la transformation d'un provocateur fasciste en martyr du mouvement MAGA, la mobilisation de la Garde nationale contre le soi-disant «ennemi intérieur» et les préparatifs ouverts pour invoquer la loi sur l'insurrection – ont démontré sans l'ombre d'un doute qu'il s'agit d'une conspiration systématique du gouvernement Trump visant à instaurer une dictature. Les œillères tombent des yeux des gens. De plus en plus d'Américains disent: «Je ne reconnais plus ce pays.» Trump et ses satrapes arrogants font du pays de Lincoln celui d'un aspirant Führer.

Ce complot a franchi une nouvelle étape, terrifiante, mercredi, lorsque le président Trump a convoqué à la Maison-Blanche une réunion présentée comme une «table ronde sur l'antifa». Il s'agissait en réalité d'une réunion de fous politiques d'extrême droite : néonazis, nationalistes chrétiens, racistes et hitlériens. Ils ont été réunis par Trump pour ce qui était clairement destiné à lancer une guerre ouverte contre l'opposition politique. Un climat de menace et de violence imminente a régné tout au long de cette « discussion ».

Rien de tel ne s'est jamais produit dans l'histoire des États-Unis. La Maison-Blanche s'est transformée en quartier général pour une conspiration visant à légitimer le fascisme, à qualifier l'antifascisme de «terrorisme» et à mobiliser l'appareil répressif de l'État contre la population.

Aux côtés de hauts responsables du gouvernement – la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem, la procureure générale Pam Bondi, le procureur général adjoint Todd Blanche, le conseiller principal Stephen Miller et le secrétaire au Trésor Scott Bessent – se trouvait un groupe d'agitateurs néonazis se faisant passer pour des «journalistes». Le plus répugnant de ces aspirants bourreaux était Jack Posobiec, un néonazi que le Southern Poverty Law Center a décrit comme ayant «collaboré depuis des années avec les suprémacistes blancs, les néofascistes et les antisémites».

Lors de cette réunion, Trump a déclaré, «nous avons aboli la liberté d'expression» et a dénoncé les manifestations rassemblant des millions de personnes, notamment les manifestations «No Kings» du 18 octobre, comme des «opérations rémunérées» dirigées par un vaste «réseau terroriste de gauche». Les différentes personnalités fascistes ont dénoncé les Socialistes démocrates d'Amérique, CODEPINK et d'autres groupes comme complices des «antifas». Trump a accusé les gouverneurs et les maires démocrates d'agir «illégalement», a demandé leur arrestation et les a avertis, à la manière d'un chef mafieux, de «faire très attention ».

Noem a affirmé que le prétendu « réseau antifa » était « aussi sophistiqué que Daech ou le Hezbollah », tandis que la procureure générale Pam Bondi a juré de « les démanteler pierre par pierre », de « détruire l'organisation entière de fond en comble ». Tous les participants de la réunion ont convenu de la nécessité de désigner « antifa » comme « organisation terroriste étrangère ». Cela autoriserait la répression politique et la violence, allant jusqu'à l'assassinat et au meurtre de masse.

Mais « antifa » n'est pas une organisation. Elle n'a ni direction centrale, ni liste d'adhérents, ni structure. Quand le gouvernement Trump déclare la guerre à « antifa », il l’entend littéralement : une guerre contre l'antifascisme même, la criminalisation de toute opposition à la dictature et la répression.

Lors de la discussion sur la question de savoir s'il fallait qualifier « antifa » d'« organisation terroriste étrangère », Trump s'est adressé directement à Posobiec et lui a demandé : « Souhaitez-vous que cela soit fait ? » Le propagandiste fasciste, figure clé de la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021, a répondu avec enthousiasme par l'affirmative.

Dans son livre Unhumans: The Secret History of Communist Revolutions (and How to Crush Them) – avec une préface de Steve Bannon et un texte de présentation du vice-président JD Vance – Posobiec décrit tous les mouvements révolutionnaires des 250 dernières années comme étant l’œuvre de monstres sous-humains.

«Les gens de gauche agissent par envie», écrit Posobiec. «Il est impossible de raisonner avec ceux qui manipulent massivement les plus démunis pour piller et abattre.» S'il est impossible de raisonner avec les «non-humains», il faut s’en charger par d’autres moyens. «La démocratie n'a jamais réussi à protéger les innocents des non-humains», écrit-il. «Il est temps d'arrêter de jouer selon des règles qu'ils ne veulent pas respecter.»

Il s'agit d'un appel ouvert à la violence contre les opposants à Trump. Le langage de Posobiec est directement emprunté au vocabulaire nazi. Ses « non-humains » sont une traduction proche du terme nazi Untermenschen (« sous-humains »), utilisé pour justifier le génocide des Juifs, des Slaves et d'autres peuples. En 1942, le chef SS Heinrich Himmler supervisa la publication d'un pamphlet intitulé Der Untermensch, qui déclarait que certaines populations étaient des « créatures biologiques » qui n’étaient « que partiellement des êtres humains ».

Les « non-humains» de Posobiec, comme les Untermenschen d'Himmler, sont voués à l'anéantissement. «Ce qu'il nous faut, ce sont des listes», écrivait-il – des listes d'ennemis, ainsi que des «hommes et femmes d'action» pour traquer les opposants dans les médias, l'éducation et l'économie. «Que les marxistes culturels tremblent de peur… » L'an dernier, au CPAC, partageant la scène avec Bannon, Posobiec déclarait: «Bienvenue à la fin de la démocratie. Nous sommes ici pour la renverser complètement. Nous n'y sommes pas parvenus le 6 janvier, mais nous nous efforcerons de nous en débarrasser.»

Posobiec a également déclaré à Trump lors de l’événement de la Maison-Blanche que « l’antifa» existait depuis la République de Weimar en Allemagne, c'est-à-dire depuis l'opposition à l'ascension d'Hitler. Ce thème a été défendu par d'autres personnes présentes, dont Andy Ngo, qui, dans son livre «Démasqué», déplore: «Si les chemises brunes sont bien connues dans la société occidentale contemporaine, l'histoire des paramilitaires d'extrême gauche de l'entre-deux-guerres en Allemagne est tombée dans l'oubli.»

Quelques heures après cette réunion fasciste, Mark Bray, historien à l'université Rutgers et auteur d' Antifa : The Anti-Fascist Handbook, a été empêché d'embarquer sur un vol Newark-Espagne mercredi soir. Menacé de mort par des militants de Turning Point USA et qualifié par Posobiec de « professeur terroriste national », Bray tentait de quitter le pays avec sa famille.

Après avoir passé la sécurité, Bray a été informé à la porte d'embarquement que leurs réservations avaient été annulées. Il a écrit: «Quelqu'un a annulé le vol de ma famille à la dernière minute. Nous avons obtenu nos cartes d'embarquement. Nous avons enregistré nos bagages. Nous avons passé la sécurité. Puis, à la porte d'embarquement, notre réservation a ‘disparu’.»

La seule explication à cette annulation est que quelqu'un au sein ou autour du gouvernement a cherché à empêcher Bray de quitter les États-Unis et d'échapper aux menaces contre sa vie, et à envoyer le message qu’il était suivi et ciblé.

On aurait pu croire que l'invitation faite aux fascistes de venir à la Maison-Blanche, où leurs appels à la répression politique et au renversement violent des droits constitutionnels ont été approuvés par le président, aurait suscité une vague de protestations. Mais rien de tel ne s'est produit. L'accueil bras ouverts de fascistes au siège de la présidence a rencontré une indifférence quasi totale de la part de l'establishment politique et médiatique. Aucun démocrate de premier plan – dont le chef de la minorité à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, ou le sénateur du Vermont, Bernie Sanders – n'a publié la moindre déclaration concernant cette réunion de néonazis et de suprémacistes blancs à la résidence présidentielle.

Les principaux journaux télévisés n'en ont pas parlé. Le Washington Post, principal journal couvrant la capitale du pays, n'a rien publié à la une de son site web. Le New York Times, principal organe de presse du Parti démocrate, n'a publié qu'un article superficiel, se concentrant étroitement sur la fausse affirmation de Trump selon laquelle il aurait « supprimé la liberté d'expression », omettant toute référence aux menaces et déclarations fascisantes des participants.

Ce silence s'étend également aux diverses organisations qui œuvrent au sein et autour du Parti démocrate. Le magazine Jacobin, organe associé aux Socialistes démocrates d'Amérique (DSA), n'a rien publié sur cette réunion fasciste, sur l'invocation de la loi sur l'insurrection, ou sur les menaces visant Bray et l'annulation de son vol.

Les DSA eux-mêmes, explicitement menacés lors de cette réunion ciblant le mouvement « antifa », a publié une brève déclaration de principe jeudi après-midi : « Les DSA affirment [leur] droit fondamental à la liberté d’expression et de réunion. Nous ne nous laisserons pas intimider par les acolytes du gouvernement Trump et nous poursuivrons notre combat pour la démocratie jusqu’au bout. »

Les DSA affirment ne pas se laisser intimider, mais si c'est tout ce qu'ils ont à dire en réponse à une menace directe de la Maison-Blanche, alors ils le sont clairement. De plus, l'enjeu ne concerne pas seulement les «droits fondamentaux» des DSA, mais le renversement de la Constitution et l'instauration d'une dictature. Nulle part cette organisation n'explique comment mener sa prétendue «lutte pour la démocratie», car pour les DSA, la réponse est toujours la même: subordonner l'opposition au Parti démocrate, qui, par son silence et son inaction, faciliter le coup d'État de Trump.

L'opposition populaire au programme dictatorial de Trump est énorme. Des millions de personnes se préparent à participer aux prochaines manifestations « No Kings » du 18 octobre où plus de 2 100 manifestations sont déjà prévues dans les villes du pays. Les menaces du gouvernement, le déploiement de troupes dans les grandes villes et son projet d'invoquer la loi sur l'insurrection sont des mesures préventives contre le mouvement grandissant de la classe ouvrière et de la jeunesse.

Tout porte à croire que le gouvernement Trump cherchera à provoquer des incidents violents pour justifier la répression. Tous ceux qui envisagent de participer à des manifestations pacifiques doivent se méfier des pièges tendus par des provocateurs et éviter de tomber dans leurs pièges.

Mais les manifestations, motivées par une profonde détermination à défendre les droits démocratiques, doivent se confronter à certaines vérités politiques et stratégiques cruciales.

L'attaque lancée contre les droits démocratiques vise avant tout la classe ouvrière. En définitive, Trump cherche à créer un système politique dans lequel les travailleurs sont privés de tout moyen de défendre leurs intérêts sociaux les plus fondamentaux. Le programme de son gouvernement est mis en œuvre durant l’arrêt des activités gouvernementales, qui dure depuis deux semaines.

Trump se vante de profiter de l'occasion pour détruire des centaines de milliers d'emplois, de casser les services sociaux et de priver des millions de gens de leurs soins de santé, de leur logement et de leurs retraites. Le gouvernement qui déploie des troupes dans les villes américaines mène en même temps une contre-révolution sociale dirigée contre tous les acquis de la classe ouvrière.

Deuxièmement, Trump n'agit pas en tant qu'individu isolé. Il parle et agit au nom de l'oligarchie capitaliste américaine, qui a conclu que sa richesse et son pouvoir ne pouvaient plus être maintenus par des moyens démocratiques. Les oligarques du monde des affaires et de la finance qui ont dîné le mois dernier à la Maison-Blanche et ont couvert Trump d'éloges sont animés par les mêmes intérêts qui ont conduit des pans de la classe dirigeante allemande sans scrupules à porter Hitler au pouvoir en 1933 et à soutenir sa dictature.

Les milliardaires sont convaincus que le système capitaliste exige une réduction massive des prestations sociales et du niveau de vie général de la classe ouvrière. De plus, ils souhaitent la suppression de toute restriction au recours à la puissance militaire pour défendre leurs intérêts économiques mondiaux. Trump a été nommé à la Maison-Blanche pour mettre en œuvre ce programme fascisant.

Troisièmement, le Parti démocrate ne fera rien pour s'opposer à cette campagne. Quelles que soient ses divergences tactiques, il est lui aussi un instrument de l'oligarchie financière et patronale et de l'appareil militaire et de renseignement, et partage les objectifs fondamentaux de Trump : défendre la richesse capitaliste, faire la guerre et réprimer tout mouvement venant d'en bas. Son silence et sa complicité expriment sa nature de classe. Ce qu'il craint par-dessus tout, c'est un mouvement de masse de la classe ouvrière qui menacerait les fondements mêmes du pouvoir capitaliste.

De la reconnaissance de la situation telle que définie ci-dessus, il résulte :

Quatrièmement, la défense des droits démocratiques exige la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière, seule force sociale capable d'enrayer la descente dans la dictature. Forte de centaines de millions de personnes, elle joue le rôle déterminant dans le processus économique de production et possède le potentiel de mettre à genoux les oligarques et d'imposer une répartition massive et démocratique du pouvoir et des richesses.

De plus, la vaste classe ouvrière américaine fait partie d’une classe ouvrière internationale qui permet de mener la lutte contre le capitalisme à l’échelle mondiale.

Les manifestations du 18 octobre doivent marquer le début d’une contre-offensive contre le déchaînement dictatorial et fascisant de Trump.

Le Socialist Equality Party (SEP, Parti de l'égalité socialiste) appelle instamment les travailleurs et les étudiants, sur tous les lieux de travail, dans toutes les usines, dans tous les quartiers et toutes les écoles, à discuter et organiser la résistance face à l’attaque des droits démocratiques. Il faut stopper les attaques brutales lancées contre les travailleurs immigrés et leurs familles. De plus, toutes les organisations politiques et tous les individus ciblés par le régime Trump doivent être défendus. Pour sa part, le Socialist Equality Party défendra toutes les victimes des attaques gouvernementales, indépendamment de ses divergences programmatiques et stratégiques avec elles.

Des comités de la base doivent être formés pour coordonner cette lutte au-delà des divers secteurs et des frontières. Le SEP a pris l'initiative de développer ce combat en créant l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (acronyme anglais, IWA-RFC). La lutte pour cette stratégie et ce programme auprès des jeunes est menée par l'International Youth and Students for Social Equality (IYSSE, Jeunes et Etudiants internationaux pour l’égalité sociale).

La lutte contre la dictature est indissociable de la lutte contre le capitalisme et pour le socialisme. Pour défendre la démocratie, la classe ouvrière doit prendre le pouvoir, exproprier l'oligarchie financière et réorganiser la vie économique en fonction des besoins humains, et non du profit privé. C'est la seule façon de stopper la descente dans le fascisme et la dictature.

(Article paru en anglais le 10 octobre 2025)

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