Le gouvernement du Canada s’en prend aux droits démocratiques fondamentaux tandis qu’il cherche à s’entendre avec l’aspirant dictateur Trump

Le gouvernement fédéral du Canada, dirigé par Mark Carney, ancien cadre de Goldman Sachs et gouverneur de la Banque d'Angleterre, fait avancer deux projets de loi qui constituent des attaques radicales contre les droits démocratiques et les immigrants. Élu sur la vague de dégoût populaire suscité par le spectacle fasciste des trois premiers mois du mandat de Trump, Carney a renié la posture cynique d'opposition à Trump qu'il avait adoptée devant les caméras pendant la campagne.

Rampant devant l'aspirant dictateur fasciste dans le Bureau ovale au début du mois, Carney a loué Trump, le qualifiant de « président transformateur ». Une « transformation » similaire des relations sociales canadiennes est en cours, passant d'une démocratie bourgeoise à un État policier autoritaire.

Manifestation à Toronto pour la défense des droits des réfugiés et des immigrants [Photo: Migrant Rights Network]

La première mesure législative importante du gouvernement Carney après les élections d'avril a été le projet de loi C-2, dit « Strong Borders Act » (Loi sur la sécurité des frontières), un projet de loi omnibus modifiant plusieurs lois existantes. Ce projet de loi combine une prise de pouvoir généralisée par la police, les agences d'espionnage et le Cabinet avec une attaque frontale contre les immigrants et les réfugiés. Depuis son introduction en juin, le projet de loi a suscité une opposition généralisée, de multiples campagnes pour son abrogation ayant été lancées par le Migrant Rights Network, Green Peace et d'autres groupes de soutien aux réfugiés, de défense des droits civils et de protection de la vie privée sur Internet.

Le gouvernement a été contraint de changer de cap en raison de la position des conservateurs et des néo-démocrates de l'opposition, qui s'opposent au projet de loi C-2, du moins dans sa forme actuelle. Le 8 octobre, le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, a déposé un nouveau projet de loi, le C-12, qui ne contient que les mesures portant atteinte aux droits des demandeurs d'asile et des immigrants, dans le but de les adopter le plus rapidement possible. Soulignant que les libéraux ont toujours l'intention de mettre en œuvre les nouveaux pouvoirs de la police et des services de renseignement, ils ont laissé le reste du projet de loi C-2 à l'ordre du jour législatif. Le 11 octobre, il a déclaré que les mesures d'espionnage policier ne seraient pas abandonnées, mais plutôt présentées séparément, après avoir été « affinées » afin d'éliminer les « excès ».

Le gouvernement Carney propose de donner à la police et aux agences d'espionnage canadiennes des pouvoirs étendus pour écouter les communications privées, recruter de force des médecins, des comptables et d'autres prestataires de « services » comme informateurs de l'État, et forcer les postiers à ouvrir le courrier privé, le tout sans mandat. Dans une série d'attaques contre les droits des immigrants et des réfugiés, il crée la base juridique d'un régime d'expulsion de masse.

Aucune de ces mesures ne bénéficie d'un soutien de masse. Le gouvernement n'a pas remporté les élections en s'attaquant aux droits des immigrants ou en élargissant les pouvoirs de la police, et il n'aurait d'ailleurs pas pu le faire. Il a remporté les élections en se présentant comme l'adversaire de l'homme dont il s'apprête à adopter de plus en plus complètement le programme : Donald Trump.

Cette législation ne peut être comprise sans tenir compte de l'intensification de la concurrence interimpérialiste entre le Canada et les États-Unis, de l'escalade de la crise du capitalisme mondial et des efforts de la bourgeoisie canadienne pour s'accommoder du fasciste à la Maison-Blanche. Le régime Trump a attisé l'hystérie autour de la prétendue « insécurité » de la frontière canado-américaine, avançant ses allégations frauduleuses selon lesquelles le fentanyl et les « migrants illégaux » affluent du Canada vers les États-Unis afin de justifier a posteriori sa décision d'imposer des droits de douane sur les produits canadiens. Le projet de loi C-2 a été présenté officiellement dans le but d'apaiser ces « préoccupations » entièrement inventées et d'aider le gouvernement dans ses efforts continus pour négocier un accès sans droits de douane aux marchés américains pour les entreprises canadiennes.

Dans le même temps, la classe dirigeante canadienne, comme son homologue américaine, reconnaît que la plus grande menace pour ses intérêts vient d'en bas – de la classe ouvrière qui s'engage dans une lutte de masse révolutionnaire contre le capitalisme moribond – et c'est pourquoi elle est déterminée à renforcer les pouvoirs de répression de l'État.

Les travailleurs doivent être réprimés quoi qu'il arrive afin de transférer des centaines de milliards de dollars des dépenses sociales vers la guerre et les « investissements dans les infrastructures » dans le cadre du prochain budget d'automne de Carney. Dans une allocution télévisée à la nation mercredi soir, le premier ministre a clairement indiqué que cela inclurait une austérité sociale écrasante pour financer les subventions aux entreprises et une augmentation massive des dépenses militaires en vue de préparer la guerre mondiale. Comme aux États-Unis, la classe dirigeante canadienne cherche à prévenir la vague inévitable d'opposition de la classe ouvrière par la répression étatique.

Le gouvernement libéral a déjà pris des mesures pour abolir de facto le droit de grève, en utilisant une nouvelle « réinterprétation de l'article 107 du Code canadien du travail » pour rendre illégales les grèves des cheminots, des débardeurs et des postiers ; et le gouvernement du Québec a emboîté le pas, imposant des limites draconiennes au droit de grève dans la deuxième province la plus peuplée du pays.

Mais le gouvernement Carney sait qu'il doit procéder par étapes. Comme aux États-Unis, les couches les plus faibles et les plus vulnérables de la classe ouvrière seront les premières à être attaquées. Et parmi les couches les plus vulnérables de la classe ouvrière figurent les immigrants et les réfugiés.

Le projet de loi C-12 contient de multiples dispositions qui portent atteinte aux droits des réfugiés et des immigrants. Il :

  • Limite considérablement le nombre de personnes pouvant demander le statut de réfugié au Canada, notamment en interdisant toute demande de statut de réfugié à toute personne qui n'a pas présenté de demande dans l'année suivant sa première arrivée au Canada, avec effet rétroactif à 2020 ;
  • restreint davantage la possibilité pour les réfugiés fuyant vers le Canada depuis des pays tiers via les États-Unis de demander le statut de réfugié au Canada ;
  • oblige les réfugiés à demander le statut de réfugié dès leur première entrée au Canada, refusant toute demande à toute personne étant déjà entrée au Canada, à quelque fin que ce soit ;
  • accorde au ministre de l'Immigration le pouvoir discrétionnaire d'annuler des demandes individuelles de statut de réfugié, ainsi que des demandes en masse, sur la base de critères tels que le pays d'origine ou l'affiliation politique.

Les principales atteintes à la vie privée et aux droits démocratiques dans le projet de loi C-2 comprennent des dispositions qui :

  • Autorisent les forces de l'ordre, y compris les agents de l'Agence des services frontaliers du Canada, les gardiens de prison et les « agents spéciaux », à exiger sans mandat des informations sur les cibles de surveillance auprès des fournisseurs de services numériques, y compris les opérateurs de téléphonie mobile, les fournisseurs d'accès à Internet et les fournisseurs de médias sociaux ;
  • habilitent les autorités publiques à ordonner aux employés de Postes Canada d'ouvrir le courrier privé sans obtenir de mandat ;
  • accordent au SCRS, l'agence d'espionnage intérieure du Canada, et à d'autres agences de sécurité nationale et de police un accès sans mandat aux données des individus, sur la base d'un simple soupçon de violation d'une « loi votée par le Parlement ». Selon le Globe & Mail, « la police pourrait contacter des médecins, des cliniques d'avortement, des hôtels, des sociétés de location de voitures et d'autres entités et prestataires de services », qui seraient tenus de fournir des informations sur leurs patients et clients, sous le couvert d'une obligation de silence leur interdisant de révéler leurs activités d'informateurs. Ceux qui refuseraient de collaborer s'exposeraient à de lourdes sanctions ou à des peines de prison.

Cette concentration radicale des pouvoirs a suscité une opposition de masse, tant véritable venant de certains qu’opportuniste pour d’autres.

Le Migrant Rights Network a fait valoir à juste titre que les mesures prises à l'encontre des réfugiés rendraient le gouvernement canadien complice de la chasse aux sorcières menée par le régime Trump contre les immigrants et les réfugiés. « Auparavant, expliquent-ils, les migrants qui traversaient la frontière américaine entre les points d'entrée officiels pouvaient demander le statut de réfugié après 14 jours. Le projet de loi C-12 supprime complètement cette possibilité, piégeant les personnes vulnérables sous les politiques xénophobes de Trump. Les pouvoirs étendus accordés au ministre de l'Immigration pour rejeter les demandes d'asile et de résidence permanente créent la base juridique permettant au Canada de se livrer à des expulsions de masse et à des violations grotesques des droits humains, comme celles qui ont lieu actuellement aux États-Unis. »

Ces pouvoirs pourraient également être utilisés pour rejeter les réfugiés politiques fuyant la campagne sauvage de répression étatique qui se développe aux États-Unis. Donald Trump a signé un document intitulé « NSPM-7 » (National Security Presidential Memorandum) qui criminalise l'opposition au fascisme et désigne l'opposition au capitalisme et au christianisme comme des crimes d'opinion. Le journaliste Ken Klippenstein a révélé que le FBI « dresse des listes » de personnes à réprimer en vertu du NSPM-7. Il est tout à fait possible que les opposants politiques à la répression fasciste du régime Trump fuient vers le Canada, comme l'ont fait des dizaines de milliers de réfractaires à la conscription et d'autres opposants américains à la guerre du Vietnam dans les années 1960 et 1970. Le gouvernement Carney serait alors complice de leur répression.

Les défenseurs de la vie privée sur Internet ont souligné que la nouvelle exigence du gouvernement imposant aux fournisseurs d'accès à Internet et aux réseaux sociaux de créer des « portes dérobées numériques » afin de permettre à l'État d'accéder rapidement aux informations privées des abonnés rendrait les travailleurs canadiens vulnérables à la cybercriminalité, notamment à l'usurpation d'identité, à la fraude, au harcèlement et au chantage. Le SCRS est déjà autorisé à donner accès aux informations qu'il obtient aux agences d'espionnage des États-Unis, de Grande-Bretagne, d'Australie et de Nouvelle-Zélande, en vertu du traité d'espionnage dit « Five Eyes ».

Ces mesures d'espionnage, pour lesquelles le SCRS et la police militent depuis longtemps, n'ont rien à voir avec la dernière justification avancée par le gouvernement, à savoir la « sécurité frontalière ». Le professeur Michael Geist, de l'Université d'Ottawa, a déclaré à la CBC que les pouvoirs d'espionnage contenus dans le projet de loi constituent une tentative de « glisser » dans ce projet de loi d'anciennes dispositions issues de lois rejetées, « qui n'ont que très peu à voir avec l'accès légal ».

Le commentaire de Geist souligne le caractère totalement sans principes des objections soulevées par l'opposition parlementaire canadienne à l'égard de ces nouvelles mesures d'espionnage. Cette concentration des pouvoirs des libéraux a donné aux conservateurs l'occasion de se présenter, de manière tout à fait frauduleuse, comme les champions des droits civils et de la vie privée. Le chef conservateur Pierre Poilievre a déclaré avec cynisme : « Nous ne pensons pas que les Canadiens respectueux de la loi devraient perdre leur liberté afin de payer pour les échecs des libéraux en matière de frontières et d'immigration. »

L'ancien gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper avait tenté sans succès de faire adopter des mesures d'espionnage similaires en 2014, en invoquant de manière frauduleuse que les droits civils empêchaient de mettre fin à la pornographie infantile. Poilievre avait voté en faveur de ces pouvoirs.

De plus, Poilievre se réjouit que les immigrants perdent leur liberté. Ses conservateurs attisent la xénophobie contre les immigrants et les réfugiés, en particulier les musulmans, assimilant l'opposition au génocide perpétré par Israël à Gaza au « terrorisme ». La députée conservatrice Michelle Rempel-Garner fait campagne pour révoquer le droit du sol, dans une nouvelle tentative d'aligner les politiques canadiennes sur celles du régime fasciste de Trump.

Lors des élections d'avril, la défaite des conservateurs, qui a notamment coûté à Poilievre son siège au Parlement, était liée à la prise de conscience généralisée que les conservateurs partageaient la politique d'extrême droite de Trump. Cela inclut son bellicisme, sa volonté d'instaurer des formes de gouvernement autoritaires et son engagement à mener des attaques sauvages contre la classe ouvrière.

La posture du NPD n'est pas plus crédible. Ce parti a soutenu les libéraux au Parlement pendant six ans alors qu'ils mettaient en œuvre un programme de réarmement massif, réduisaient les dépenses publiques et sapaient les droits démocratiques. Le NPD est parrainé par la bureaucratie syndicale, qui démontre dans chaque lutte ouvrière son hostilité farouche aux droits démocratiques et sociaux des travailleurs en imposant des reculs et en bafouant le soutien de masse à la lutte contre l'austérité capitaliste et la guerre.

La campagne du gouvernement libéral en faveur de pouvoirs policiers étendus et contre les réfugiés démontre qu'il n'existe aucune base politique au sein de la classe dirigeante canadienne pour les droits démocratiques fondamentaux. Comme aux États-Unis et dans tous les autres pays, la seule force sociale capable de renverser la vague de réaction et d'autoritarisme au Canada est la classe ouvrière, unie dans la lutte avec les travailleurs des États-Unis, du Mexique et d'autres pays sur la base d'un programme socialiste.

(Article paru en anglais le 24 octobre 2025)

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