Le Parti communiste chinois expulse neuf généraux de haut rang

Neuf généraux chinois, dont He Weidong, vice-président de la Commission militaire centrale (CMC) — l’organe dirigeant de l’Armée populaire de libération (APL) — ont été expulsés du Parti communiste chinois (PCC) et démis de leurs fonctions militaires à la fin de la semaine dernière.

He Weidong, alors vice-président de la puissante Commission militaire centrale, assistait encore à la séance d’ouverture de l’Assemblée nationale populaire (ANP) au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 5 mars 2025. [AP Photo/Ng Han Guan]

Ces expulsions au sommet de l’appareil militaire chinois révèlent des tensions profondes, non seulement dans l’armée, mais aussi dans la direction du parti. Le général He occupait le troisième rang dans la hiérarchie militaire, derrière le président Xi Jinping, président de la CMC, et le premier vice-président, le général Zhang Youxia. Il siégeait également au Bureau politique du PCC, composé de 24 membres, juste en dessous du Comité permanent de sept membres.

Aucun détail n’a été rendu public concernant les accusations portées contre He ou les huit autres généraux. Le porte-parole du ministère de la Défense, Zhang Xiaogang, s’est contenté de déclarer qu’ils avaient «gravement violé la discipline du parti et sont soupçonnés de crimes graves liés à leurs fonctions, impliquant des sommes extrêmement importantes».

Si les accusations officielles portent sur une corruption non spécifiée, un éditorial du Quotidien de l’APL (l'Armée populaire de libération) publié samedi dernier a souligné le caractère éminemment politique de ces expulsions. Selon le journal, les neuf officiers auraient gravement compromis le principe fondamental selon lequel l’armée doit rester loyale au PCC.

«Ils ont sérieusement endommagé l’écologie politique de l’armée et porté un coup sévère aux fondements idéologiques qui assuraient l’unité et les progrès de l’armée», affirmait l’éditorial.

Depuis sa prise du pouvoir à la tête d’armées paysannes en 1949, le PCC s’est appuyé sur l’APL non seulement pour contrer les menaces extérieures, mais aussi pour écraser l’opposition intérieure en période de crise — notamment durant la soi-disant «Grande Révolution culturelle prolétarienne» des années 1960 et lors des grèves et manifestations de masse de 1989 ayant leur centre à la place Tiananmen de Pékin.

Les accusations de «déloyauté» et «d’effondrement total de leurs convictions» prennent une signification particulière alors que le régime du PCC est confronté à l’accélération des préparatifs de guerre de l’administration Trump contre la Chine, à un ralentissement économique, à un chômage élevé — en particulier chez les jeunes — et à une montée des tensions sociales.

L’annonce de l’expulsion des neuf généraux est intervenue à la veille du quatrième plénum du Comité central, chargé de discuter du prochain plan quinquennal, alors que la Chine subit le feu nourri des droits de douane et restrictions à l’exportation imposés par Washington. Xi doit rencontrer Trump en Corée du Sud la semaine prochaine, en marge du sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Acronyme anglais APEC)

Parmi les militaires purgés figurent, outre He Weidong, l’amiral Miao Hua, ancien chef du département du travail politique de l’APL, démis de la CMC en juin après avoir été placé sous enquête pour «violations graves de la discipline» dès novembre 2024. Son adjoint, He Hongjun, a également été expulsé.

Les autres sont: Wang Xiubin, ancien directeur exécutif adjoint du Centre de commandement interarmées de la CMC; Lin Xiangyang, ex-commandant du théâtre oriental; Qin Shutong, ancien commissaire politique de l’armée de terre; Yuan Huazhi, ancien commissaire politique de la marine; Wang Houbin, ex-commandant de la Force des fusées (branche nucléaire de l’APL); et Wang Chunning, ancien commandant de la Police armée du peuple.

Depuis son entrée en fonction en 2012, le président Xi a régulièrement mené de vastes purges anticorruption au sein du parti, de l'armée et de l'appareil d'État afin de consolider son emprise sur le pouvoir. Si la corruption est indéniablement répandue dans l'ensemble du régime, y compris dans l'armée, Xi s'en est servi comme prétexte pour éliminer ses rivaux politiques.

À l’approche du 20ᵉ Congrès du PCC en 2022, Xi avait imposé une révision constitutionnelle lui permettant de rester en fonction au-delà des deux mandats quinquennaux qui étaient devenus la norme depuis trois décennies. En entamant son troisième mandat, il a placé ses fidèles à la tête du parti, de l’armée et de l’appareil d’État.

Comme l'écrivait alors le World Socialist Web Site, la promotion orchestrée de Xi lors du 20e Congrès en tant que grand leader – le «noyau» du parti – n'était pas un signe de force, mais de faiblesse. Face à une crise croissante sur tous les fronts, le régime avait besoin d'un homme fort pour maintenir la cohésion du parti.

«Xi a assumé le rôle d’un dirigeant bonapartiste, oscillant précocement entre les factions souterraines qui minent le parti, dans un contexte de ralentissement économique, de tensions sociales profondes et de l’accélération de la marche de Washington vers la guerre avec Pékin», écrivait le World Socialist Web Site.

Au lendemain du 20e Congrès, les purges sous prétexte de «corruption» se sont poursuivies, visant moins les rivaux de Xi que les personnes qu'il avait lui-même nommées. Le général He lui-même entretenait des liens avec Xi depuis leur collaboration dans les provinces du Fujian et du Zhejiang à la fin des années 1990. En 2022, Xi a écarté des généraux de plus haut grade pour nommer He non seulement au poste de numéro trois de la CMC (Commission militaire centrale) mais encore au Bureau politique du PCC.

D'autres hauts responsables nommés par Xi ont connu un sort similaire. Au milieu de l'année 2023, moins d'un an après avoir été nommé, le ministre des Affaires étrangères Qin Gang a été démis de ses fonctions pour des raisons non précisées. Toujours en 2023, le ministre de la Défense, le général Li Shangfu, a fait l'objet d'une enquête pour corruption. Il a disparu de la scène publique et a finalement été exclu du parti au milieu de l'année 2024.

En 2023, la direction de la Force des fusées de l’APL, qui supervise l'arsenal nucléaire chinois, notamment son commandant Li Yuchao, son adjoint Liu Guangbin et l'ancien commandant adjoint Zhang Zhenzhong, ont tous été démis de leurs fonctions et arrêtés pour corruption. Le remplaçant de Li fait désormais partie des neuf personnes expulsées la semaine dernière.

L’armée chinoise est devenue une cible privilégiée: plus de vingt officiers supérieurs ont été écartés depuis le début du troisième mandat de Xi Jinping.

Compte tenu du caractère opaque des manœuvres internes du PCC, les raisons précises de cette nouvelle purge demeurent obscures. L’expulsion des neuf généraux a été confirmée lors du plénum du Comité central tenu la semaine dernière, et leurs dossiers ont été transmis aux procureurs militaires pour examen et poursuites.

Quoi qu’il en soit, le moins qu’on puisse dire est que cette purge met en lumière les tensions politiques considérables qui existent dans le régime chinois, confronté à de graves difficultés économiques et politiques, tant sur le plan intérieur qu’extérieur, et de plus en plus dépendant de Xi Jinping pour maintenir la cohésion du parti.

(Article paru en anglais le 25 octobre 2025)

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