Le président américain Trump a atterri dimanche en Malaisie, entamant une tournée en Asie, la première depuis le début de son second mandat, en janvier. Officiellement présent pour participer à un sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (acronyme anglais ASEAN), cette escale d'une journée visait principalement à se mettre en avant comme artisan de la paix dans les affrontements frontaliers entre la Thaïlande et le Cambodge et à officialiser des accords commerciaux punitifs entre les États-Unis et les membres de l'ASEAN.
Des combats avaient éclaté en juillet entre la Thaïlande et le Cambodge, déclenchés selon la Thaïlande par deux incidents impliquant des mines terrestres blessant des soldats. Des affrontements avaient éclaté le long de centaines de kilomètres d’une frontière contestée, impliquant chars, artillerie et roquettes dans les combats les plus violents depuis 2011. Au moins 40 personnes, dont des civils, avaient été tuées en cinq jours de conflit et quelque 300 000 civils avaient fui les zones frontalières.
Alors que la Malaisie, qui assure actuellement la présidence de l'ASEAN, négociait un cessez-le-feu, Trump est intervenu avec le gourdin économique et a menacé d'annuler les négociations commerciales avec les deux pays si les combats ne cessaient pas. Ceux-ci, fortement dépendants de leurs exportations vers les États-Unis, risquaient d'énormes droits de douane. Tandis que Trump occupait le devant de la scène, la Chine, qui entretient des relations étroites avec le Cambodge en particulier, eut des pourparlers avec le Premier ministre cambodgien Hun Manet puis avec le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai.
Dès l'annonce de la trêve, Trump s'en est immédiatement attribué le mérite, déclarant absurdement sur les réseaux sociaux: «Je suis fier d'être le président de la PAIX!» Le prix de sa présence en Malaisie dimanche semble avoir été une apparition télévisée aux côtés des Premiers ministres thaïlandais, cambodgien et malaisien, cosignant en grande pompe un accord de trêve actualisé.
Le même jour, des centaines de personnes ont manifesté à Kuala Lumpur, la capitale malaisienne, contre la présence de Trump et le soutien de l'impérialisme américain au génocide israélien à Gaza. Comme l'a déclaré un manifestant à Al Jazeera: «Les personnes dotées d'une conscience savent que Trump est un complice du génocide. Sans lui, Israël ne peut pas tuer tous les enfants et tous les habitants de Gaza. »
Le prétendu «accord de paix» de Trump au Moyen-Orient, signé le 9 octobre, a rapidement été démasqué comme une nouvelle étape du nettoyage ethnique et du génocide israéliens à Gaza, soutenus par les États-Unis. Il a consacré l'occupation et l'annexion permanentes d'une grande partie de Gaza par Israël, alors même que les massacres quotidiens et la famine délibérée de la population se poursuivent.
L'accord de paix entre la Thaïlande et le Cambodge est lui aussi une fraude. Les armes lourdes et les mines doivent être retirées des zones frontalières, la Thaïlande doit libérer 18 soldats cambodgiens détenus depuis juillet et des troupes malaisiennes doivent être déployées pour surveiller le cessez-le-feu. Mais si les combats ont cessé, du moins temporairement, aucun des problèmes sous-jacents – le long héritage de domination et d'intrigues impérialistes – n'a été résolu.
Les différends ont leur origine dans une carte de 1907 dressée par des fonctionnaires français en Indochine pour délimiter les possessions coloniales françaises du royaume de Siam (aujourd'hui la Thaïlande), nominalement indépendant, coincé entre l'Indochine française et la Birmanie, colonie britannique. Cette carte a servi de base aux revendications du Cambodge sur les zones entourant le temple de Preah Vihear. La Thaïlande, qui a signé une alliance militaire avec les États-Unis en 1954, n'a jamais accepté la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) en faveur du Cambodge en 1962.
Le ralentissement économique et la montée des tensions sociales, inévitablement exacerbés par les droits de douane de Trump, alimentent un regain de nationalisme réactionnaire dans les deux pays. En Thaïlande, l'establishment de droite, s'appuyant sur l'armée et la monarchie, a exploité les incidents survenus plus tôt dans l'année pour affaiblir et destituer le Premier ministre Paetongtarn Shinawatra suite à un appel téléphonique prétendument révérencieux adressé à l'homme fort du Cambodge, Hun Sen.
L'actuel Premier ministre droitier pro-militaire Anutin Charnvirakul dirige un gouvernement minoritaire et fragile qui s'est engagé à organiser de nouvelles élections en mars prochain. Il propose d'organiser simultanément un référendum pour révoquer deux accords avec le Cambodge définissant les procédures de règlement des différends frontaliers terrestres et maritimes. La mise en scène politique de Trump dimanche ne fait que préparer le terrain pour une nouvelle ronde d'hostilités entre la Thaïlande et le Cambodge.
Trump ne se soucie pas le moins du monde de la paix en Asie du Sud-Est ni de la vie des Cambodgiens ou des Thaïlandais. Il brandit la violence économique en Asie et à l'international pour servir les intérêts économiques et stratégiques de l'impérialisme américain. Trump se prépare de façon irresponsable à un conflit bien plus dangereux avec la Chine, que l'establishment politique américain dans son ensemble considère comme la principale menace à l'hégémonie mondiale américaine.
Trump est déjà engagé dans une guerre économique avec la Chine. Il doit rencontrer le président chinois Xi Jinping en Corée du Sud jeudi, dans un contexte d'escalade des menaces économiques de part et d'autre. La Chine a annoncé de nouvelles restrictions sur les exportations de minerais critiques vers les États-Unis, tandis que Trump a menacé d'augmenter de 100 pour cent les droits de douane existants sur les importations chinoises. Une prolongation de la trêve dans la guerre économique semble avoir été convenue lors de négociations en Malaisie, mais elle ne sera définitivement décidée que durant la rencontre entre Trump et Xi.
Trump a utilisé le reste de la journée de dimanche pour conclure une série d'accords avec le Cambodge, la Thaïlande, la Malaisie et le Vietnam qui imposent des droits de douane, réduits mais toujours élevés, sur leurs exportations vers les États-Unis, stimulent les ventes de produits américains à ces pays et, dans le cas de la Malaisie, imposent 70 milliards de dollars d'investissement aux États-Unis.
Il est significatif que ces accords visaient également à améliorer l'accès aux minerais essentiels, dont la production est actuellement dominée par la Chine sur toute la gamme. Ces minerais sont si essentiels à l'économie et à la machine de guerre américaines que l'administration Trump cherche désespérément à établir des chaînes d'approvisionnement d’alternative en prévision d'un conflit avec la Chine.
Les États-Unis et la Malaisie ont signé un protocole d'accord visant à accroître les échanges commerciaux et les investissements dans le secteur des minerais essentiels, notamment dans l'exploration, l'extraction, le raffinage, la fabrication, la récupération et le recyclage. La Malaisie s'est également engagée à ne pas interdire ni imposer de quotas sur les exportations de minerais essentiels ou de terres rares vers les États-Unis. Trump a signé un accord similaire avec le Premier ministre thaïlandais.
Trump a encore pris des mesures pour renforcer les liens sécuritaires avec le Cambodge en échange d'une réduction de moitié des droits de douane prévus sur ses exportations vers les États-Unis et de la levée de l'embargo américain sur les armes imposé à ce pays étroitement aligné sur la Chine. Les deux pays reprendront leurs exercices militaires bilatéraux annuels Angkor Sentinel, organisés pour la dernière fois en 2017, et les États-Unis faciliteront l'accès des officiers cambodgiens aux formations dans les écoles militaires américaines.
Toutes ces mesures visent la guerre et non la paix. Comme dans les années 1930, la guerre économique mondiale est le prélude à un conflit militaire mondial catastrophique, déjà en cours et qui s'intensifie en Europe et au Moyen-Orient.
Dans son double langage orwellien et simpliste, Trump a résumé ainsi son escale en Malaisie sur les réseaux sociaux: «Nous avons signé d'importants accords commerciaux et sur les terres rares, et hier, surtout, nous avons signé le traité de paix entre la Thaïlande et le Cambodge. PAS DE GUERRE! Direction le Japon!»
Au Japon, Trump rencontrera la nouvelle Première ministre militariste et droitière, Sanae Takaichi, qui s'est déjà engagée à accélérer la remilitarisation du pays en prévision d'une guerre menée par les États-Unis contre la Chine. En Corée du Sud, il tentera d'obtenir des concessions de Xi Jinping, conscient des préparatifs de guerre américains et de plus en plus déterminé à rendre coup pour coup économique.
(Article paru en anglais le 28 octobre 2025)
