La conférence suivante a été prononcée par Tom Peters, dirigeant du Groupe pour l’égalité socialiste (Nouvelle-Zélande), lors de l’École d’été internationale du Parti de l’égalité socialiste (États-Unis), tenue du 2 au 9 août 2025. Il s’agit de la première partie d’une conférence en deux volets sur la manière dont le Guépéou a assassiné Trotsky. Pour accompagner cette conférence et les suivantes, le WSWS publie «Comment la Guépéou a assassiné Trotsky» (1981, en anglais), un ouvrage contenant des documents issus de la première année de l’enquête La Sécurité et la Quatrième Internationale.
La conférence suivante et la deuxième partie, qui sera présentée demain par la camarade Andrea, examineront comment le mouvement trotskyste a été pénétré par un réseau d’agents staliniens de la Guépéou-NKVD, qui ont organisé l’assassinat de figures dirigeantes comme Léon Sedov, le fils de Trotsky et finalement de Trotsky lui-même.
Comme les conférences précédentes l’ont discuté, dans les années 1930, la bureaucratie stalinienne a adopté une politique d’extermination de l’Opposition de gauche et de toute personne soupçonnée de sympathiser avec Trotsky, tant à l’intérieur de l’Union soviétique qu’à l’échelle internationale. À la fin de la décennie, virtuellement toute la génération de bolcheviks qui avaient dirigé la Révolution d’Octobre avait été assassinée ou emprisonnée.
Les parodies de procès tenues à Moscou entre 1936 et 1938 ont explicitement désigné Trotsky et son fils Sedov comme les principales cibles de la bureaucratie qui avait usurpé le pouvoir à la classe ouvrière.
La presse stalinienne a sans relâche diffamé Trotsky, le présentant comme un fasciste, afin de justifier la persécution violente des oppositionnels de gauche. D’immenses ressources ont été consacrées à cette campagne de terreur.
Pendant la guerre d’Espagne, des milliers de révolutionnaires ont été tués par des agents staliniens, conduisant à la victoire du fascisme. En 1936, la Guépéou opérant en Espagne a recruté Ramón Mercader, qui perpétrera l’assassinat de Trotsky en août 1940.
Staline croyait initialement que l’exil de Trotsky hors d’Union soviétique en 1929 l’isolerait et le rendrait politiquement inoffensif. Il considérera plus tard cela comme sa plus grande erreur.
Trotsky a passé ses quatre premières années d’exil sur l’île de Prinkipo, en Turquie, où il a écrit son autobiographie Ma Vie et L’Histoire de la Révolution russe, et a produit son analyse de la crise politique en Allemagne.
Comme l’a expliqué David North, Trotsky a cherché «à alerter la classe ouvrière allemande sur le danger représenté par le nazisme et a démasquer la politique désastreuse poursuivie par le Parti communiste allemand sous la direction de Staline. Confiné sur une île à 1 600 kilomètres de Berlin, Trotsky a compris avec une prescience inégalée tant les conséquences inévitables de la politique de Staline que ce qu’il fallait faire pour empêcher la victoire des nazis.» [1]
En juillet 1933, Trotsky alla en France, où il avait obtenu l’asile. Son travail politique se concentra alors sur la lutte pour construire la Quatrième Internationale, après que l’Internationale communiste eut défendu la politique désastreuse ayant conduit à la défaite historique de la classe ouvrière allemande.
Dans un contexte de montée de la lutte des classes et d’approfondissement de la crise de la domination bourgeoise en France, le gouvernement le considérait comme une menace politique et le soumit à une surveillance policière constante. Les autorités lui interdirent de résider à Paris. Il dut changer fréquemment de ville, incognito, pour échapper à la fois aux fascistes et aux staliniens. En avril 1934, le gouvernement français annula son titre de séjour, mais Trotsky ne put quitter le pays avant un an, aucun État n’acceptant de l’accueillir. Il finit par se réfugier en Norvège à la mi-1935, alors que l’impérialisme français renforçait ses relations diplomatiques avec Staline.
Il y passa dix-huit mois, durant lesquels il rédigea La Révolution trahie. Le gouvernement social-démocrate, qui lui avait accordé l’asile, céda rapidement aux pressions économiques de Moscou. Après le premier procès de Moscou en août 1936, les autorités norvégiennes le placèrent en résidence surveillée et lui interdirent d’écrire ou de s’exprimer sur la situation politique de quelque pays que ce soit.
Quand Trotsky refusa de se soumettre, les mesures devinrent encore plus draconiennes; ses deux secrétaires furent expulsées, et il fut relégué dans une maison isolée sous garde policière. Ses articles répondant aux accusations de Staline furent confisqués par la censure norvégienne. Il mit en garde le gouvernement norvégien, déclarant que son traitement était «le premier acte de capitulation face au nazisme dans votre propre pays», et prédit avec justesse qu’ils seraient bientôt tous chassés par les fascistes.[2]
Contraint de quitter la Norvège en décembre 1936, il écrivit alors:
Quand je repense aujourd’hui à cette période d’internement, je dois dire que jamais, nulle part, au cours de toute ma vie – et j’en ai connu, des épreuves –, je n’ai été persécuté avec un cynisme aussi misérable que par le gouvernement ‘socialiste’ norvégien. Pendant quatre mois, ces ministres, suant l’hypocrisie démocratique, m’ont étouffé pour m’empêcher de dénoncer le plus grand crime que l’Histoire ait jamais connu.[3]
Il obtint alors l’asile du gouvernement mexicain. C’est au Mexique qu’en avril 1937, Trotsky témoigna devant la Commission Dewey – créée par le Comité américain pour la défense de Léon Trotsky afin de répondre aux accusations staliniennes des procès de Moscou – laquelle rendit un verdict accablant, démasquant ces procès comme une fraude colossale.
Pendant tout ce temps, ses partisans et les membres de sa famille en Union soviétique et en Europe étaient arrêtés, déportés, poussés au suicide, et dans certains cas, assassinés.
L’attitude de Trotsky envers la sécurité
L’Opposition de gauche internationale faisait face à de graves menaces de sécurité de la part des staliniens, ainsi que des fascistes et des agents de la police et du renseignement des pays impérialistes dits «démocratiques». Comme Trotsky l’a écrit en 1938: «Dans la mafia stalinienne, [l’impérialisme] dispose d’une agence internationale toute prête pour l’extermination systématique des révolutionnaires.» [4]
Deux des premiers agents provocateurs staliniens furent les frères Sobolevicius, nés en Lituanie, Jack Soble et le Dr Robert Soblen. Ils ont rejoint l’Opposition de gauche en Allemagne au début des années 1930 et se faisaient appeler Adolf Senin et Roman Well. Ils ont joué un rôle extrêmement perturbateur, œuvrant à attiser les divisions factionnelles et à désorienter politiquement le jeune mouvement, encore inexpérimenté.
En 1932, Well, qui jouait un rôle dirigeant dans l’organisation de Leipzig, soulignait les «succès» des staliniens et suggérait que les différences de l’Opposition de gauche avec Staline n’étaient que des malentendus.[5] Comme l’a écrit Trotsky, Well est devenu «un avocat de la défense de Staline»: il soutenait les purges de la bureaucratie et remettait en question le droit de l’Opposition de gauche d’exister. [6]
Dix jours avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Senin et Well ont ouvertement déserté pour rejoindre le camp stalinien et «ont publié une édition falsifiée du journal Révolution permanente déclarant que l’Opposition de gauche allemande rompait avec Trotsky. La falsification stalinienne a ensuite été diffusée et reprise avec enthousiasme par les journaux staliniens.»[7]
Tirant les leçons de cette expérience, Trotsky a pointé du doigt les vastes ressources de la bureaucratie stalinienne et les «tentations exceptionnelles» qu’elle offrait aux intellectuels semi-révolutionnaires, plus intéressés par les postes et l’argent – des choses qu’ils ne pouvaient obtenir de l’Opposition de gauche, appauvrie et persécutée. Trotsky a écrit:
Au sein du Komintern, de la Guépéou, dans chaque section nationale, il existe un appareil spécial chargé de saboter l’Opposition de gauche, composé pour l’essentiel de déserteurs de l’Opposition ou d’agents staliniens se faisant passer pour des oppositionnels. Si les camarades allemands prennent la peine de mener l’enquête nécessaire, ils découvriront sans doute les liens de ces agents, qui mènent de Well et Graef [un autre oppositionnel devenu stalinien intransigeant] à [Dmitri Manouilski, secrétaire du Komintern] et [Viatcheslav Menzhinski, président de l’OGuépéou]... Il va de soi qu’aucun agent ne peut anéantir une tendance historiquement progressiste, incarnant la tradition du marxisme révolutionnaire. Mais il serait d’une légèreté impardonnable de fermer les yeux sur les manœuvres des agents staliniens, qui sèment la confusion, la désintégration et pratiquent la corruption directe. Nous devons rester vigilants et rester sur nos gardes!»[8]
L’agent stalinien Mark Zborowski, alias Étienne
Après l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne, le centre de l’Opposition de gauche en Europe s’est déplacé à Paris, Léon Sedov, le fils de Trotsky, y jouant un rôle dirigeant. Sedov supervisait l’édition et la publication du Bulletin de l’Opposition en russe. Il était le collaborateur politique le plus proche de Trotsky.
La tâche de la Guépéou était de rendre compte des activités de l’Opposition, de perturber son travail en vue de fonder la Quatrième Internationale, et de détruire la direction du mouvement.
Le plus important agent stalinien au sein de l’Opposition de gauche était Mark Zborowski, connu parmi les trotskystes sous le nom d’Étienne.
Zborowski est né dans une famille juive de Russie en 1908 et a vécu en Pologne dans sa jeunesse avant de s’installer en France au début des années 1930. En février 1956, il a déclaré à une sous-commission judiciaire du Sénat enquêtant sur les activités soviétiques qu’il avait été recruté par la Guépéou en 1932 ou 1933. Il n’est pas clair exactement quand et comment il a rejoint le mouvement trotskyste à Paris, mais en 1935, il était devenu le confident et collaborateur le plus proche de Léon Sedov.
Le CIQI soulignera plus tard que Zborowski ne semble pas avoir été mû par des convictions politiques: «Rien n’indique qu’il fût un stalinien fanatique ou un adversaire idéologique du trotskysme. Il agissait pour l’argent. Ce qui le rendait d’autant plus froid… et d’autant plus meurtrier.» [9]
Zborowski a travaillé en étroite collaboration avec Lola Estrine, dont le vrai nom était Lola Dallin, qui avait déménagé de Berlin à Paris en 1933. Elle était employée comme secrétaire à l’Institut d’histoire sociale dirigé par le menchévik Boris Nikolaevsky, où elle a rencontré Sedov et s’est bientôt déclarée trotskyste avant de commencer à travailler pour le Bulletin de l’Opposition. Comme nous le verrons, Dallin n’a eu de cesse d’intervenir pour défendre Zborowski contre les accusations à son encontre qu’il était un agent.
Selon Elizabeth Poretsky, veuve du transfuge du Guépéou Ignace Reiss:
Il n’a pas fallu longtemps avant qu’Étienne ne devienne membre du comité central du groupe, avec accès à toutes les réunions confidentielles et informations; en effet, Sedov en a fait son adjoint lors des réunions auxquelles il ne pouvait assister lui-même. Étienne eut rapidement connaissance de toutes les adresses clandestines et accéda à l’intégralité du courrier du groupe, y compris aux directives que Trotsky adressait au parti. [10]
Dès le début, plusieurs trotskystes français et européens se méfièrent de Zborowski. Poretsky écrit que Zborowski «prétendait avoir quitté la Pologne pour éviter d’être enlevé par le NKVD, et [Pierre] Naville, qui l’a immédiatement pris en aversion, voulait vérifier cette histoire, mais a été désavoué par le groupe.»
Naville cherchait à cacher des informations à Zborowski, notamment les lieux des réunions confidentielles, car il soupçonnait que les détails seraient transmis au Guépéou. Il a également soulevé des questions sur la source des revenus de Zborowski et le fait qu’il pouvait vivre dans un immeuble relativement haut de gamme.
Sedov a cependant développé une amitié étroite avec Étienne-Zborowski et l’a défendu contre les accusations. «Je dois prendre la défense d’Étienne. Ils ne l’aiment pas et ne lui font pas confiance, mais je sais à quel point il est dévoué à moi et au vieux [Trotsky]. Il ferait n’importe quoi pour nous et pour l’organisation.»[11]
Zborowski était manifestement un agent bien entraîné, doté d’un véritable talent pour la dissimulation. Il adhérait sans hésiter aux positions politiques de Sedov, et comme l’écrit Isaac Deutscher, «il parlait russe et avait une connaissance intime des affaires soviétiques – ce qui lui permit de rendre à Trotsky de menus services et de gagner la confiance de Léon Sedov»[12]. Or, l’Opposition de gauche était chroniquement en manque de russophones – essentiels à la rédaction du Bulletin.
En août 1937, Sedov écrivit à Trotsky: «Étienne mérite une confiance absolue en toutes choses.»[13] Cette attitude allait avoir des conséquences fatales.
En novembre 1936, une partie des archives de Trotsky fut volée à l’Institut Nikolaevski. Les soupçons se portèrent immédiatement sur Zborowski du fait que lui, Lola Dallin, avec Sedov, Jean van Heijenoort (secrétaire de Trotsky) et le directeur de l’institut étaient les seuls à connaître l’emplacement des documents. Pourtant, Sedov balaya d’un revers de main toute suggestion qu’Étienne y fût mêlé.
Les meurtres d’Erwin Wolf et d’Ignace Reiss
En juillet 1937, la Guépéou a arrêté Erwin Wolf en Espagne, avant de l’assassiner. Âgé de 34 ans, il avait été le secrétaire de Trotsky en Norvège et s’était porté volontaire pour se rendre en Espagne au milieu de la guerre civile afin d’aider le petit groupe trotskyste dans ce pays.
Wolf était le fils d’une famille marchande tchécoslovaque qui avait abandonné son milieu bourgeois pour se consacrer à la construction de la Quatrième Internationale. Trotsky le décrivait comme «un homme d’une intégrité et d’une générosité absolues». Après avoir été expulsé de Norvège avec Trotsky, il avait été expulsé du Danemark, avait passé du temps en Angleterre avant de se rendre en Espagne. Il avait été l’un des collaborateurs les plus importants de Trotsky, en particulier pour dénoncer les procès de Moscou. «Pour cette raison,» notait Trotsky, «il était particulièrement haï par la Guépéou.» [14]
Le socialiste belge Georges Vereeken a noté que «dès que le [Secrétariat international de la Quatrième Internationale] eut pris sa décision [d’envoyer Wolf en Espagne], la Guépéou avait été prévenue par Étienne Zborowski, car en tant que ‘collaborateur le plus proche’ de Sedov, il était présent au SI et savait tout.»[15]
Peu après, le 4 septembre, les tueurs à gages engagés par la Guépéou ont abattu Ignace Reiss en Suisse. Haut responsable du renseignement soviétique en Europe, Reiss prît la décision de faire défection après les procès de Moscou, alors même que les purges s’étendaient au sein de la Guépéou même. Il était convaincu que, comme tant d’autres ayant un passé révolutionnaire, il serait exécuté s’il retournait à Moscou.
Reiss a envoyé une lettre au Comité central du Parti communiste le 17 juillet, dénonçant le massacre de masse des bolcheviks et déclarant son allégeance à la Quatrième Internationale.
«Celui qui se tait maintenant devient le complice de Staline, trahit la classe ouvrière, trahit le socialisme» écrivait-il. «La classe ouvrière doit vaincre Staline et le stalinisme pour que l’URSS et le mouvement ouvrier international ne succombent pas au fascisme et à la contre-révolution.» [16]
Reiss a été trahi par une amie, l’agente de la Guépéou Gertrude Schildbach, qui l’a attiré dans un piège à Lausanne. Il y a été abattu par une bande d’émigrés russes blancs liés à la Société pour le rapatriement des émigrés russes, qui était essentiellement un bureau de recrutement pour la Guépéou.
Ces anticommunistes nostalgiques du tsarisme, qui avaient fui la Russie après la Révolution et vouaient aux bolcheviks une haine meurtrière, devinrent les complices et les tueurs à gages du régime stalinien.
Reiss fut assassiné la veille même de sa rencontre prévue avec Léon Sedov et Hendricus Sneevliet – secrétaire du Parti socialiste révolutionnaire ouvrier néerlandais – dans la ville française de Reims. Il avait pris contact avec Sneevliet quelques semaines plus tôt, mais ce dernier retarda sciemment la mise en relation avec le centre parisien de l’Opposition, soupçonnant Zborowski d’être un agent.
La police suisse procéda à plusieurs arrestations, dont celles de Gertrude Schildbach, Renata Steiner et d’un membre des Gardes blancs, un certain Smirensky. Comme l’écrivit Vadim Rogovin: «Au total, pas moins de vingt personnes participèrent à l’organisation de l’assassinat de Reiss» dont la plupart échappèrent à l’arrestation, parmi lesquelles le principal organisateur, Sergei Efron, et quatre membres de la mission commerciale soviétique à Paris, qui s’enfuirent en URSS. [17]
Trotsky souligna ainsi l’importance capitale de la défection de Reiss et de son ralliement courageux à la Quatrième Internationale:
Nous pouvons affirmer avec certitude qu’au sein de la bureaucratie, un bon nombre partagent les sentiments de Reiss: ils méprisent leur propre milieu, ils haïssent Staline, et pourtant, ils continuent inlassablement à servir la machine, sans jamais s’arrêter.
La mort de Reiss constitua une leçon tragique pour le mouvement trotskyste, qui n’avait su ni établir le contact avec lui à temps, ni lui indiquer comment se protéger. Trotsky souligna que, au lieu d’envoyer une lettre privée à Moscou, Reiss aurait dû rendre publique sa défection et se placer sous la protection de la police française. «La seule défense sérieuse contre les tueurs à gages de Staline, c’est la publicité la plus totale», écrivit-il. [18]
Le 2 novembre 1937, Trotsky publia une «lettre ouverte à toutes les organisations ouvrières», intitulée «Il est grand temps de lancer une offensive mondiale contre le stalinisme». Tirant les enseignements des assassinats de Reiss et de Wolf, ainsi que de la campagne d’extermination en Espagne, il y appelait à une dénonciation systématique des crimes de Staline à l’échelle internationale:
Il faut instaurer, dans toutes les organisations ouvrières, un régime de méfiance absolue à l’égard de quiconque, de près ou de loin, est lié à l’appareil stalinien. […] Il est urgent de créer des commissions spéciales chargées de surveiller les manœuvres, les intrigues et les crimes des staliniens, alerter les organisations ouvrières sur les dangers qui les menacent, et élaborer les meilleures méthodes pour contrer et résister aux gangsters de Moscou. Il faut publier une littérature adaptée et réunir les fonds nécessaires à sa diffusion. Dans chaque pays, un livre doit être édité, démasquant entièrement la section du Komintern de ce pays. [19]
L’assassinat de Leon Sedov
En février 1938, la Guépéou a frappé à nouveau, assassinant cette fois le fils de Trotsky. Zborowski a joué un rôle clé dans cette opération, que la Guépéou avait préparée pendant des années.
L’enquête policière sur le meurtre de Reiss a révélé que la même bande qui avait tué Reiss espionnait aussi Leon Sedov depuis 1935. Renata Steiner occupait un appartement adjacent à celui de Sedov à Paris et l’avait suivi lors d’un bref séjour en vacances.
En janvier 1937, la bande avait tenté d’assassiner Sedov dans la ville de Mulhouse. Trotsky expliqua: «Sous couvert du nom de mon avocat suisse, occupé par un procès pour diffamation du Komintern, les conspirateurs ont à plusieurs reprises incité Leon Sedov par télégramme et téléphone à venir à Mulhouse pour une conférence.» Une maladie avait empêché Sedov de se rendre au rendez-vous, lui sauvant ainsi, provisoirement, la vie. [20]
La police a également découvert que la même bande avait volé les archives de Trotsky à l’Institut d’histoire sociale. L’enquête n’a pas révélé que les tueurs agissaient sur des informations fournies au Guépéou par Zborowski, mais l’espion devait sentir qu’il y avait un réel danger d’être démasqué. Sedov s’alarma du fait que la Guépéou était si bien renseignée sur ses mouvements, comme elle l’avait été concernant Reiss. [21]
Sedov était une cible principale de Staline, seconde en importance seulement après Trotsky lui-même. Comme l’a expliqué Trotsky dans un hommage émouvant intitulé «Fils, Ami, Combattant», Sedov s’était jeté dans le travail de l’Opposition de gauche en 1923, et ils avaient travaillé en étroite collaboration pendant l’exil de Trotsky. Il occupait par ailleurs un rôle dirigeant au sein du Secrétariat international de l’Opposition de gauche, en tant que représentant russe et rédacteur en chef du Bulletin de l’Opposition.
D’après le témoignage d’Ignace Reiss, on entendait souvent au quartier général de la Guépéou, à la Loubianka que «Le Vieux [Trotsky] n’y arriverait pas si facilement sans lui» – une affirmation que Trotsky confirmait sans détour.
Il écrivait que sans l’aide de son fils, «d’abord en Turquie, puis à Berlin, et enfin à Paris, aucun de mes travaux des dix dernières années n’aurait pu voir le jour. Cela vaut surtout pour L’Histoire de la Révolution russe… Son nom mériterait d’apparaître à côté du mien sur presque tous mes livres publiés depuis 1928.» [22]
Quand Trotsky fut pratiquement placé en résidence surveillée par le gouvernement norvégien en 1936, coupé du monde extérieur, Sedov prit en charge la dénonciation du premier procès de Moscou dans le Livre rouge. Trotsky salua ce travail comme un «don inestimable», preuve que son fils était «non seulement un militant indépendant, mais une figure d’exception».
Il faut se rappeler que toute l’activité de Sedov se déroula dans des conditions d’une extrême dureté: misère matérielle, menace permanente de la Guépéou, et persécution implacable à l’encontre de la famille de Trotsky. Zinaïda, sa demi-sœur, avait été poussée au suicide en 1933; son fils, Seva, avait été recueilli par Sedov et sa compagne Jeanne Martin.
Quant à son jeune frère Sergei, ingénieur et scientifique sans engagement politique, il fut arrêté en URSS en mars 1935 et exécuté par la Gépéou deux ans plus tard, à 29 ans. Puis vinrent les assassinats de Wolf et Reiss.
Comme le souligna Trotsky, «Pour Léon, le stalinisme n’était pas une notion politique abstraite, mais une suite ininterrompue de coups moraux et de blessures spirituelles.» [23]
L’assassinat de Sedov fut perpétré de la manière suivante: alors qu’il jouissait jusqu’alors d’une bonne santé, il tomba soudainement malade – ce qu’on prit d’abord pour une appendicite, mais qui s’avéra être une inflammation intestinale.
Le 8 février, Zborowski et Lola [Dallin] organisèrent le transfert de Sedov à la clinique Mirabeau, un établissement parisien réputé pour être un repaire d’émigrés russes – et, partant, d’agents de la Guépéou. La Dre Fanny Ginsburg, la belle-sœur [de Dallin], participa à l’opération. Après quatre jours d’apparente convalescence, Sedov fit une rechute soudaine et mourut dans d’atroces souffrances le 14 février.[24]
Après que l’ambulance eut emmené Sedov à la clinique, Zborowski prévint la Guépéou. Puis, avec Dallin, ils refusèrent de révéler son lieu de séjour à quiconque, à l’exception de sa compagne Jeanne Martin – empêchant tout trotskyste français de lui rendre visite
L’assassinat de Léon Sedov – à seulement 31 ans – fut rendu possible par deux personnes qu’il considérait comme ses amis et camarades les plus sûrs. Dans son hommage, Trotsky salua chez son fils «l’instinct révolutionnaire qui lui permettait, sans la moindre hésitation, de distinguer le vrai du faux, l’essentiel de l’apparence» [25]. Mais la tragique réalité, c’est que par rapport à Zborowski, Sedov fit trop confiance à cet instinct – et écarta les avertissements qui auraient pu lui sauver la vie.
Trotsky soupçonnait un empoisonnement, soulignant dans une lettre au juge d’instruction que le Guépéou maîtrisait cette méthode à la perfection. Il releva aussi que l’aggravation soudaine de son état, après une apparente convalescence, pouvait résulter d’une intervention criminelle postopératoire. Les médecins, optimistes quant à son rétablissement, l’avaient laissé sans surveillance pendant une longue période.
Trotsky demandait:
[Si] la surveillance a fait défaut, ne faut-il pas en conclure logiquement que ses ennemis – qui ne le lâchaient jamais d’une semelle – ont profité de cette aubaine pour accomplir leur dessein criminel? […] La Guépéou ne pouvait manquer d’avoir ses agents dans une clinique russe de Paris, ou dans son entourage immédiat.» [26]
Dans une seconde lettre au juge, Trotsky souligna un détail troublant: M. Thalheimer, le chirurgien de son fils, refusait catégoriquement de s’exprimer sur l’affaire, invoquant le «secret professionnel». Par ailleurs, le Dr Zhirmunsky, directeur de la clinique, était considéré par la police comme un «sympathisant bolchevik» – c’est-à-dire un partisan du régime stalinien. [27]
Il dénonça l’enquête policière superficielle, qui éludait ces questions cruciales, et accusa les autorités de ne pas vouloir faire éclater la vérité – ce qui était lié aux intérêts diplomatiques du gouvernement français, soucieux de préserver ses relations diplomatiques avec Moscou. [27]
La réponse de Zborowski, lui, fut radicalement opposée. Se présentant comme l’ami le plus proche de Sedov, il rejeta toute idée de crime et soutint la thèse d’une mort naturelle.
Des années plus tard, dans les années 1950, après que les autorités américaines eurent démasqué son rôle d’agent, il avoua à Elisabeth Poretsky, veuve d’Ignace Reiss, que le jour de la mort de Sedov avait été «le plus heureux de [sa] vie». [28] Il prétendit que c’était parce qu’il croyait que sa mission d’espion était terminée– ce qui était un mensonge.
Dès lors que Sedov fut éliminé, Zborowski fut promu au rang de «correspondant le plus important de Trotsky en Europe». [29] Il transmit à la Guépéou tous les renseignements sur les activités de la Quatrième Internationale, y compris ses contacts avec les déserteurs soviétiques. Il reprît le travail de Sedov: rédacteur en chef du Bulletin russe et délégué officiel de la section russe au congrès fondateur de la Quatrième Internationale, en septembre 1938.
L’assassinat de Rudolf Klement
Zborowski a été impliqué dans un autre meurtre à Paris. Le 13 juillet 1938, Rudolf Klement, un autre secrétaire de Trotsky, a soudainement disparu. En septembre, son corps décapité et mutilé a été retrouvé dans la Seine. Il était le sixième secrétaire de Trotsky à être assassiné par les staliniens.
Selon Deutscher, Klement avait écrit à Trotsky en novembre 1937 pour l’avertir que la vie de son fils était en grand danger à cause du réseau de la Guépéou à Paris. Il avait vivement conseillé que Sedov rejoigne Trotsky au Mexique. [30] Avant sa disparition, Klement avait commencé à enquêter sur les meurtres d’oppositionnels de gauche, et on soupçonne qu’il rassemblait des preuves pour dénoncer Zborowski. [31]
Le 8 juillet, quelques jours avant sa disparition, son porte-documents avait été volé dans le métro. Il est probable que la Guépéou y ait trouvé quelque chose exigeant de réduire Klement au silence.
L’assassinat de Klement, survenant si peu de temps après celui de Sedov, ravivait les soupçons autour de Zborowski. Henk Sneevliet, socialiste néerlandais, et Victor Serge, écrivain et révolutionnaire, l’accusèrent alors publiquement d’être un agent.
Zborowski écrivit à Trotsky pour lui demander conseil sur la manière de répondre à ces accusations. Le 2 décembre, Trotsky recommanda de former une commission d’enquête pour faire la lumière et laver le nom de Zborowski. [32]
Aucune investigation ne semble avoir eu lieu. Privé de son principal défenseur au sein de l’organisation parisienne (Sedov), Zborowski n’avait plus que Lola Dallin pour le soutenir. Pour détourner les soupçons, ils envoyèrent à Trotsky des lettres insinuant que Victor Serge était en réalité un agent stalinien. [33]
Dans le même temps, la Guépéou étudiait la possibilité de transférer Zborowski au Mexique pour faciliter la pénétration de l’entourage immédiat de Trotsky. Pourtant, lorsque Zborowski lui suggéra un tel déplacement dans une lettre, Trotsky ne donna apparemment aucune suite. [34]
Les lettres d’Alexandre Orlov à Trotsky
À la fin de 1938, Trotsky reçut une lettre anonyme l’avertissant explicitement au sujet de Zborowski. L’auteur, qui prétendait avoir des liens familiaux avec la Guépéou, informait Trotsky de l’existence d’un agent qui avait été proche de son fils à Paris. La lettre ne nommait l’agent que sous le nom de «Mark», mais en donnait une description si précise qu’il s’agissait indubitablement de Zborowski.
L’auteur anonyme de cette lettre n’était autre qu’Alexandre Orlov, haut responsable du NKVD ayant fait défection et qui est allé aux États-Unis. Il révéla à Trotsky que l’agent provocateur était «littéralement l’ombre de L. Sedov… [il] s’est faufilé dans la confiance absolue de votre fils et connaissait les activités de votre organisation aussi bien que Sedov lui-même».
Le courrier précisait que «Mark» (Zborowski) n’avait aucun passé révolutionnaire, et que, bien que juif, il avait adhéré dans les années 1930 à la Société pour le rapatriement des émigrés russes – un détail connu des militants parisiens de l’Opposition de gauche. Or, cette organisation, dirigée par d’anciens officiers tsaristes, avaient participé aux assassinats de Reiss et de Sedov.
Orlov alertait: «Votre assassinat est désormais à l’ordre du jour. Moscou compte s’appuyer sur cet agent provocateur, ou sur d’autres infiltrés d’Espagne, déguisés en trotskystes espagnols, pour mener l’opération.»
Il exhortait Trotsky à faire vérifier par ses camarades de confiance à Paris le parcours de Mark «et observer ses fréquentations. Il ne fait aucun doute que vos compagnons le surprendront bientôt en train de rencontrer des officiers de l’ambassade soviétique.» [35]
Trotsky prit l'avertissement au sérieux. Il écrivit aux principaux dirigeants du Socialist Workers Party aux États-Unis, demandant qu'une commission soit constituée «dans le secret le plus absolu» afin de se charger de «suivre à la trace» Étienne. «Si les informations sont confirmées, il faudra organiser les choses de manière à pouvoir le dénoncer à la police française pour le vol des archives, dans des conditions qui ne lui permettront pas de s'échapper.» [36]
Trotsky tenta également d’entrer en contact direct avec l’auteur de la lettre. Il fit publier un avis dans le Socialist Appeal, le journal du SWP à New York, invitant l’auteur de la lettre, qui signait sous le pseudonyme «Stein», à se rendre à la rédaction pour y rencontrer «le camarade Martin», pseudonyme probablement utilisé pour désigner James P. Cannon, dirigeant du SWP.
En 1955, Orlov déclara devant une commission parlementaire américaine qu'il avait renoncé à rencontrer Martin, par manque de confiance en lui et par crainte d'un piège. Il tenta plus tard de joindre Trotsky par téléphone au Mexique, mais ce dernier ne répondit pas: pour répondre, il aurait dû sortir de chez lui en pleine nuit, et il ne connaissait pas l'identité de son interlocuteur.
Puis, en mai 1939, Trotsky reçut une seconde lettre anonyme d'Orlov, qu'il jugea «incomparablement plus fiable» que la première. Il confia aussi à Cannon de n'avoir «jamais obtenu le moindre compte rendu» de l'enquête sur Zborowski, pourtant demandée cinq mois plus tôt. [37]
Cette nouvelle lettre contenait une révélation explosive: Lola Dallin était elle aussi un agent de la Guépéou. Orlov prévenait que celle-ci allait rendre visite à Trotsky avec l'intention de l'empoisonner.
Effectivement, à l'été 1939, Lola Dallin se présenta chez Trotsky. Il lui montra les deux lettres. Lors de son témoignage en 1956 devant une commission parlementaire américaine sur les activités soviétiques aux États-Unis, elle déclara:
Quand M. Trotsky m’a montré cette lettre et m’a demandé mon avis, j’ai ressenti un certain malaise, car les détails qui y figuraient étaient très désagréables – trop précis, trop nombreux. Après réflexion et en avoir discuté avec lui, je lui ai dit: «C’est clairement un coup monté par le NKVD, qui cherche à vous priver des rares collaborateurs que vous avez en France.» [38]
Selon Dallin, Trotsky finit par se convaincre, après leur discussion, que les accusations portées contre elle et Zborowski n’étaient qu’un «canular». De retour en France, elle informa immédiatement Zborowski de leur échange, et ce dernier transmit à ses supérieurs du Guépéou que «le Vieux ne croit pas à la dénonciation et considère la lettre comme une provocation de la Guépéou.» [39]
Rogovine souligne qu’Orlov détenait bien plus d’informations sur les opérations de la Guépéou qu’il n’en avait révélées – des renseignements qu’il aurait pu divulguer si un contact avait été établi. «En 1937, il avait lui-même dirigé la surveillance des liens entre les trotskystes parisiens et espagnols.» Avant de rompre avec Staline, il avait participé à de nombreux crimes, dont l’enlèvement et l’assassinat d’Andrés Nin – le dirigeant du POUM, organisation espagnole se déclarant solidaire de Trotsky.
L’hypothèse n’est pas dénuée de fondement selon laquelle, si Orlov avait pu établir un contact systématique avec Trotsky, l’assassinat de Coyoacán aurait probablement pu être évité. En Espagne, il avait en effet rencontré la mère de Mercader et recruté Mercader même, avant que le Centre [de la Guépéou] ne l’envoie au Mexique avec d’autres agents espagnols. [40]
On ignore quelles mesures, le cas échéant, furent prises pour enquêter sur Zborowski d’après les instructions de Trotsky.
En 1975, le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) posa la question au Socialist Workers Party (SWP) sur ce qu’était devenue la commission d’enquête. «Joseph Hansen en faisait-il partie? Quelles en furent les conclusions? Le rapport sera-t-il enfin publié?» [41]
Il n’y eut pas de réponse à ces questions. Comme cela sera développé dans d’autres exposés, les recherches du CIQI ont révélé des preuves accablantes: Joseph Hansen, qui était le secrétaire de Trotsky à Coyoacán, était un agent de la Guépéou avant l’assassinat de Trotsky, et devint ensuite un indicateur du FBI.
Il est significatif que la première lettre d’Orlov n’ait été publiée intégralement qu’en 1975, dans le cadre de l’enquête du CIQI, La sécurité et la Quatrième Internationale. Le SWP, quant à lui, n’a jamais rendu publique la seconde lettre, celle qui dénonçait Lola Dallin comme agente (comme elle l’a elle-même dit dans son témoignage en 1956).
Malgré les avertissements d’Orlov et les mises en garde des trotskystes européens, George Novack – dirigeant du SWP – collabora avec Lola Dallin pour aider Zborowski à fuir l’Europe en guerre et à s’installer aux États-Unis, où elle poursuivit son espionnage du mouvement trotskyste au profit de la Guépéou.
Juste un point en conclusion. Dans un article de 1940, Joseph Hansen a laissé entendre que rien n’aurait pu être fait pour empêcher le meurtre de Trotsky. Il y a dépeint Trotsky comme quelqu’un qui «ne pouvait supporter» les mesures de sécurité et qui ne considérait pas les espions staliniens comme particulièrement dangereux. «Trotsky préférait faire confiance à ses amis plutôt que de les suspecter», a écrit Hansen. «À ses yeux, la méfiance mutuelle était une force de désintégration bien pire que la présence d’un espion dans l’organisation, puisque de telles suspicions sont de toute façon inutiles pour démasquer un provocateur hautement qualifié.» [42]
Ceci est une falsification totale de l'attitude de Trotsky. Comme nous l'avons vu, Trotsky prenait la sécurité extrêmement au sérieux et a fait des efforts considérables pour démasquer les agents de la Guépéou au sein de la Quatrième Internationale. Zborowski aurait été démasqué si on avait enquêté correctement sur les soupçons bien fondés à son sujet. Zborowski a été protégé par d'autres agents staliniens au sein du mouvement trotskyste; par la police française, qui a refusé d'enquêter sérieusement sur les activités meurtrières de la Guépéou; et par les erreurs et la naïveté de Sedov et d'autres trotskystes.
La véritable identité de Zborowski et celle d'autres agents — y compris Sylvia Franklin, la secrétaire du dirigeant du SWP James P. Cannon — ont été dissimulées pendant des décennies par le SWP et par le mouvement pabliste à l'échelle internationale. La raison en est que la révélation des crimes de Staline et des activités contre-révolutionnaires de la bureaucratie contrecarrait l'agenda politique des pablistes, qui était de détruire la Quatrième Internationale en tant que mouvement indépendant en la liquidant dans les divers partis staliniens et les partis et régimes petits-bourgeois.
[1] North, David, “L’analyse d’un monde en plein chaos depuis une île de tranquillité” https://www.wsws.org/fr/articles/2024/09/01/oaey-s01.html
[2] Deutscher, Isaac, The Prophet Outcast: Trotsky 1929-1940, p. 341 (Oxford University Press, 1963)
[3] Trotsky, Léon, “In ‘Socialist’ Norway,” Decembre 1936, https://www.marxists.org/archive/trotsky/1936/12/nor.htm
[4] Trotsky, “A Fresh Lesson,” October 1938, https://www.marxists.org/archive/trotsky/1938/10/imperial.htm
[5] Trotsky, “The Crisis in the German Section,” December 28, 1932, Writings of Leon Trotsky 1932-33, pp. 41-43 (New York: Pathfinder Press, 1972).
[6] Trotsky, “The Mistake of the International Secretariat,” January 4, 1933, Writings of Leon Trotsky 1932-33, p. 66 (New York: Pathfinder Press, 1972).
[7] The Historical Foundations of the Partei für Soziale Gleichheit, https://www.wsws.org/en/articles/2010/10/psg3-o01.html
[8] Trotsky, “Serious Lessons from an Inconsequential Thing,” January 28, 1933, https://www.marxists.org/archive/trotsky/1933/01/twoletters.htm
[9] International Committee of the Fourth International, How the Guépéou Murdered Trotsky [Comment la Gépéou a assassiné Trotsky], p. 81 (London: New Park Publications, 1981).
[10] Poretsky, Elisabeth, Our Own People: A Memoir of Ignace Reiss and His Friends, p. 262 (Ann Arbor: University of Michigan Press 1970).
[11] Ibid, p. 264.
[12] Deutscher, p. 348.
[13] Cité dans Rogovine, Vadim, Stalin’s Terror of 1937-1938: Political Genocide in the USSR, p. 387 (Oak Park: Mehring Books 2009).
[14] Trotsky, “Erwin Wolf: A Victim of the Guépéou,” October 19, 1937, Writings of Leon Trotsky 1936-37, p. 511 (New York: Pathfinder Press 1978).
[15] Vereeken, Georges, The Guépéou in the Trotskyist Movement, p. 172 (London: New Park Publications 1976).
[16] Quoted in Poretsky, pp. 1-3.
[17] Rogovine, 1937: Stalin’s Year of Terror, pp. 329-333 (Oak Park: Mehring Books, 1998).
[18] Trotsky, “A Tragic Lesson”, September 21, 1937, https://www.marxists.org/archive/trotsky/1937/09/reiss.htm
[19] Trotsky, “It Is High Time to Launch a World Offensive Against Stalinism,” https://www.marxists.org/archive/trotsky/1937/11/hightime.htm
[20] Trotsky, “Coming Trials to Reveal Secret Plans of Guépéou,” November 16, 1937, https://www.marxists.org/archive/trotsky/1937/11/Guépéouplans.htm
[21] Deutscher, p. 390.
[22] Trotsky, “Leon Sedov: Son, Friend, Fighter,” https://www.marxists.org/history/etol/document/obits/sedobit.htm
[23] Ibid.
[24] Comité international de la quatrième internationale, “The story of Mark Zborowski: Stalin’s spy in the Fourth International,” Fourth International (1990), https://www.wsws.org/en/articles/2011/11/zbor-n17.html
[25] Trotsky, “Leon Sedov: Son, Friend, Fighter.”
[26] Trotsky, “Was Leon Sedov Murdered?” July 19, 1938, https://www.marxists.org/archive/trotsky/1938/07/sedov.htm
[27] Trotsky, “Further evidence of Guépéou guilt in Sedov’s death,” August 24, 1938, Writings of Leon Trotsky 1937-38, pp. 421-25 (New York: Pathfinder Press 1976).
[28] Poretsky, p. 273.
[29] Deutscher, p. 405.
[30] Ibid, p. 392.
[31] Deutscher, p. 408; Poretsky pp.265-66.
[32] Rogovine, Stalin’s Terror of 1937-38: Political Genocide in the USSR, p. 410.
[33] Ibid, p. 409.
[34] How the Guépéou Murdered Trotsky, pp. 91-2.
[35] La première lettre d’Orlov à Trotsky est reproduite entièrement dans How the Guépéou Murdered Trotsky, pp. 99-101.
[36] Trotsky, “A Guépéou Stool Pigeon in Paris”, January 1, 1939, Writings of Leon Trotsky Supplement 1934-1940, p. 818 (New York: Pathfinder Press 1979).
[37] Trotsky, “Another Anonymous Letter,” May 10, 1939, Writings of Leon Trotsky Supplement 1934-1940, pp. 836-838 (New York: Pathfinder Press 1979).
[38] Cité dans: “The story of Mark Zborowski: Stalin’s spy in the Fourth International,” Fourth International (1990), https://www.wsws.org/en/articles/2011/11/zbor-n17.html
[39] Cité dans: Rogovine, Stalin’s Terror of 1937-38: Political Genocide in the USSR, p. 402.
[40] Ibid, p. 401.
[41] How the Guépéou Murdered Trotsky, p. 224.
[42] Hansen, Joseph, “With Trotsky to the End”, October 1940, Fourth International, https://www.marxists.org/archive/hansen/1940/10/end.htm
