Perspective

Trump et Xi concluent un accord commercial mais l’affrontement avec la Chine dirigé par les États-Unis continue

Le président américain Donald Trump (à gauche) et le président chinois Xi Jinping posent avant leur sommet à l’aéroport international de Gimhae, à Busan, en Corée du Sud, le jeudi 30 octobre 2025. [AP Photo/Mark Schiefelbein]

Le très attendu sommet du président américain Trump avec son homologue chinois Xi Jinping, tenu la semaine dernière en Corée du Sud, a juste débouché sur une trêve incertaine d’un an dans une guerre économique que Trump a considérablement intensifiée depuis son retour à la Maison-Blanche. Si la rencontre peut temporairement suspendre les hostilités commerciales, la guerre économique et la montée en puissance militaire dirigées par Washington contre la Chine vont assurément se poursuivre.

En 2017, les droits de douane américains sur les importations en provenance de Chine s’élevaient à seulement 3,1 %. Au cours de son premier mandat, Trump les a portés à 20 %, niveau que son successeur Joe Biden a maintenu. Durant son second mandat, Trump a de nouveau doublé ces tarifs, qui dépassent désormais 47 %.

Parallèlement à ces droits de douane massifs, la Maison-Blanche a cherché à paralyser les industries chinoises de haute technologie en restreignant la vente de semi-conducteurs avancés et d’équipements de fabrication de puces, au nom de la « sécurité nationale ». Pékin a riposté en limitant l’exportation de terres rares, indispensables à un large éventail d’industries, de l’automobile à l’électronique en passant par la défense.

Le mois dernier, à l’approche du sommet, l’administration Trump a encore haussé le ton de manière provocatrice — interdisant la vente de semi-conducteurs non seulement à certaines entreprises chinoises désignées, mais aussi à toute société où elles détiennent une participation majoritaire. Selon une estimation, le champ d’application des interdictions est ainsi passé d’environ 1.300 entités liées à la Chine à plus de 20.000.

Clairment irritée par ce qu’elle considérait comme une violation d’accords antérieurs, la Chine a élargi ses restrictions sur l’exportation de terres rares. Elle a également instauré ses propres exigences de licences pour l’exportation d’équipements destinés à l’extraction et au traitement de ces minerais, interdisant spécifiquement les exportations à usage militaire. Pékin détient pratiquement un monopole mondial, tant dans l’extraction que dans le raffinage de ces matériaux essentiels.

Trump a explosé, menaçant d’imposer 100 % de droits de douane supplémentaires sur la Chine et d’annuler le sommet, avant de mettre cette menace en suspens. Mais alors qu'il était sur le point de s'asseoir avec Xi, Trump a tweeté, dans le style d’un gangster, qu’il avait ordonné la reprise des essais nucléaires américains, en désignant explicitement la Chine et la Russie comme responsables. La reprise des essais nucléaires, interrompus par les trois pays dans les années 1990, n’était pas seulement une tentative grossière d’arracher des concessions à Xi, mais montrait aussi que la guerre économique de Trump est intimement liée aux préparatifs avancés des États-Unis en vue d’un conflit militaire avec la puissance nucléaire chinoise.

L’issue de ce bref sommet ne fut rien de plus que ce qui avait déjà été convenu quelques jours plus tôt par les négociateurs américains et chinois en Malaisie. La Chine et les États-Unis ont accepté de suspendre pour un an les dernières mesures sur les terres rares et les technologies avancées. Washington a réduit de 10 % ses droits de douane existants sur les exportations chinoises, les ramenant à 45 %, et Pékin a accepté de reprendre ses achats de soja et d’autres produits agricoles américains.

Les marchés mondiaux et les élites patronales ont collectivement poussé un soupir de soulagement, le sommet ayant évité une rupture immédiate entre les deux plus grandes économies du monde. Mais nul ne se fait d’illusions: cette trêve n’est que temporaire et peut éclater à tout moment. Les détails de l’accord restent flous: aucune conférence de presse conjointe n’a eu lieu et il n’y a pas encore d’accord signé.

Lors de son vol de retour vers les États-Unis, Trump s'est vanté des résultats du sommet, qu'il a qualifié de succès retentissant, lui attribuant une note de «12 sur 10». S'exprimant hier dans l'émission State of the Union sur CNN, le secrétaire au Trésor Scott Bessent a déclaré: « Tout ce qui est ressorti de la conférence entre le président Trump et le président Xi a donné plus de poids aux États-Unis. ... Il a menacé d'imposer des droits de douane de 100 % sur les produits chinois, et nous avons réussi à négocier un report d'un an. »

Cependant, dans son éditorial « Leçons de la guerre commerciale de Trump contre la Chine », le Wall Street Journal a déclaré que « le mieux que l’on puisse dire c’est que l’accord a évité davantage de dégâts économiques » et a averti que « la guerre froide sino-américaine va se poursuivre ».

Dans le même esprit, le Washington Post a commenté: « Ce qui est sorti de cette rencontre ressemble davantage à une trêve temporaire qu’à un pacte de paix durable. » Et d’avertir : « La relation a changé. La Chine a montré sa volonté d’exploiter les dépendances américaines. Les États-Unis doivent continuer à tout faire pour réduire ce levier, car le découplage va se poursuivre. »

Tout au long de sa tournée asiatique la semaine dernière, Trump et son entourage ont cherché à faire précisément cela — en signant des accords avec la Malaisie, le Japon et la Corée du Sud sur l’approvisionnement en terres rares. Lors d’une rencontre le mois dernier avec le Premier ministre australien Anthony Albanese, Trump a conclu un accord sur l’extraction et le traitement de minerais essentiels, dont les terres rares, en Australie.

En dépit des affirmations de Bessent au Financial Times selon lesquelles les États-Unis mettraient fin au monopole chinois en moins de deux ans, l’industrie chinoise des terres rares, développée sur plusieurs décennies, n’est pas près d’être remplacée. L’Australie, par exemple, envoie une grande partie de ses terres rares en Chine pour y être traitées.

La réaction du Parti démocrate a été de critiquer Trump pour son manque d’agressivité et sa capitulation face à Xi. Le chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, a écrit sur Twitter : « Ne croyez pas ses conneries. Trump a capitulé devant la Chine. » Le journaliste John Harwood, résumant les critiques des démocrates, a déclaré que « Xi a ridiculisé Trump ».

Le New York Times, aligné sur le Parti démocrate, a accusé Trump de compromettre la sécurité nationale américaine en renonçant à étendre l’interdiction des exportations de technologies avancées américaines à des entités majoritairement détenues par la Chine. La journaliste Ana Swason a affirmé que « cette décision semblait être l’une des premières concessions faites par les États-Unis sur les contrôles technologiques liés à la sécurité nationale dans le cadre d’une négociation commerciale ».

La réaction des démocrates montre que l’ensemble de l’establishment politique américain, quelles que soient ses divergences tactiques, considère la Chine comme la principale menace à la suprématie économique et militaire mondiale de l’impérialisme américain. Depuis plus d’une décennie, à commencer par le « pivot vers l’Asie » de l’administration Obama, Washington mène une offensive diplomatique et économique croissante, ainsi qu’un renforcement militaire dans toute la région indo-pacifique, afin d’affaiblir et finalement de subordonner la Chine aux intérêts économiques et stratégiques américains.

Lors de son premier mandat, Trump a promu la nécessité d’un « découplage » d’avec la Chine comme élément clé des préparatifs de guerre. Loin d’apaiser les tensions, l’accord temporaire conclu en Corée du Sud entre Trump et Xi conduit la Maison-Blanche et Washington en général à la conclusion que si la guerre économique échoue à intimider Pékin, il faudra recourir à des moyens militaires — et, compte tenu de la rapidité de l’ascension chinoise, cela sera plus tôt que tard.

Ce n’est pas une nouvelle « guerre froide » qui se prépare, mais bien une extension dramatique des guerres déjà en cours en Europe et au Moyen-Orient vers un conflit militaire avec la Chine. L’agitation de la menace nucléaire par Trump juste avant sa rencontre avec Xi est l’avertissement le plus net de ce qui se prépare alors que l’impérialisme américain affronte non seulement des rivaux géopolitiques, mais aussi une profonde crise économique et sociale intérieure.

La seule force sociale capable de stopper la plongée dans une guerre mondiale et une catastrophe nucléaire est la classe ouvrière internationale. Le Comité international de la Quatrième Internationale appelle à la construction d’un mouvement ouvrier unifié et anti‑guerre, aux États‑Unis, en Chine et dans le monde entier, fondé sur un programme révolutionnaire et socialiste visant à abolir le capitalisme et sa division réactionnaire du monde en États‑nations rivaux.

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