Perspective

Oxfam: la fortune de 10 milliardaires américains a été multipliée par six depuis 2020

Lundi, l'organisation caritative Oxfam a publié un rapport sur la croissance des inégalités sociales aux États-Unis, intitulé «Unequal: The Rise of a New American Oligarchy.» (Inégal: la montée d'une nouvelle oligarchie américaine).

Le rapport souligne que « l’année écoulée a été profondément marquée par la concentration des richesses et du pouvoir ». Il cite des données montrant qu’au cours des douze derniers mois seulement, les dix Américains les plus riches ont vu leur fortune augmenter d’environ 700 milliards de dollars. Sur cette période, leur patrimoine a connu une croissance fulgurante de 40 pour cent, passant de 1 790 milliards à 2 500 milliards de dollars.

La publication du rapport d'Oxfam est intervenue au lendemain de la réduction drastique par le gouvernement Trump des allocations alimentaires pour des dizaines de millions de foyers américains. Parallèlement, le président poursuivait la construction d'une immense salle de bal à la Maison-Blanche, et ses amis milliardaires s’organisaient une fête sur le thème de «Gatsby le Magnifique» dans sa résidence de Mar-a-Lago, durant le week-end.

La domination des États-Unis par une oligarchie parasitaire dont le pouvoir a son siège à la Maison Blanche, est exposée aux regards de tous.

Mais le rapport d'Oxfam montre clairement que, malgré la violence de la redistribution des richesses vers le haut opérée sous Trump, elle est le fruit de décennies d'austérité et de politique menée par les deux partis en faveur de la grande entreprise. Comme le déclare le rapport: «Cette histoire ne commence pas en 2025.»

Pour en revenir aux dix hommes les plus riches d'Amérique, le rapport d'Oxfam note: « Depuis 2020, leur patrimoine, corrigé de l'inflation, a augmenté de 526 pour cent. » Autrement dit, de mars 2020 à aujourd'hui, la fortune de ces dix individus a été multipliée par six collectivement.

L'exemple d'Elon Musk est éloquent: sa fortune s'élevait à 33 milliards de dollars en mars 2020, mais elle a depuis explosé pour atteindre 469 milliards de dollars, soit une multiplication par 14.

Larry Ellison, deuxième du classement, a vu sa fortune passer de 54 milliards de dollars en mars 2020 à 323 milliards de dollars, soit une multiplication par six. Celle de Jeff Bezos, troisième du classement, est passée de 126 milliards de dollars en mars 2020 à 265 milliards de dollars aujourd'hui.

L'accroissement des richesses est alimenté par une spéculation effrénée sur la valeur des actions à Wall Street. Le rapport d'Oxfam souligne qu'«en 2025, la part des actifs détenus par les 0,1 pour cent les plus riches a atteint un niveau record depuis que la Réserve fédérale a commencé à publier des données en 1989 (12,6 %), tout comme leur part du marché boursier (24 %)».

En 1989, les 0,1 pour cent des ménages les plus riches détenaient 8,6 pour cent de la richesse, contre 13,9 pour cent aujourd'hui. À l'inverse, la part de richesse détenue par les 50 pour cent les plus pauvres de la population américaine est passée de 3,5 pour cent en 1989 à 2,5 pour cent aujourd'hui.

Autrement dit, les 0,1 pour cent des ménages américains les plus riches, soit un peu plus de 100 000 personnes, contrôlent six fois plus de richesses que les 64 millions de ménages situés tout en bas de l’échelle sociale.

En fait, citant des chiffres de Thomas Piketty et d'Emmanuel Saez, le rapport d'Oxfam note que « les 0,0001 % les plus riches contrôlent une part de la richesse plus importante qu'à l'époque de l'âge d'or américain, une période de l'histoire des États-Unis caractérisée par des inégalités extrêmes ».

Le rapport ajoute: « Les 1 % les plus riches possèdent la moitié du marché boursier (49,9 %), tandis que la moitié inférieure des Américains ne possède que 1,1 % du marché boursier. »

Le rapport alerte à juste titre sur le fait que le gouvernement Trump met en œuvre une politique qui aggravera considérablement les inégalités sociales. Il souligne que « le gouvernement Trump – bénéficiant en grande partie du soutien des républicains au Congrès – a agi avec une rapidité et une ampleur stupéfiante pour mener une attaque implacable contre les familles de la classe ouvrière et utiliser le pouvoir de sa fonction pour enrichir les plus riches et les plus influents. »

Oxfam note que « la loi One Big Beautiful Bill Act (OBBBA), récemment adoptée, réduira la facture fiscale des 0,1 pour cent de ménages aux revenus les plus élevés d'environ 311 000 $ en 2027, tandis que les ménages à faibles revenus — ceux qui gagnent moins de 15 000 $ par an — devraient subir des augmentations d'impôt. »

Mais comme le souligne le rapport d'Oxfam, le gouvernement Trump est synonyme d’accélération sans précédent de processus en cours depuis des décennies. « Les décideurs politiques ont favorisé les inégalités, et ces choix ont bénéficié d'un soutien bipartisan », a déclaré Rebecca Riddell, auteure de l'étude, au Guardian. « Les réformes politiques menées au cours des 40 dernières années, qu'il s'agisse de baisses d'impôts, de la réduction des aides sociales, des questions liées au travail ou d'autres sujets, ont véritablement bénéficié du soutien des deux partis. »

Cette analyse est juste. Mais c'est là que le rapport se perd en conjectures. L'auteure de l'étude souligne à juste titre que la montée des inégalités sociales s'est produite sur plusieurs décennies, sous les deux partis politiques. Mais le rapport avance ensuite l'affirmation suivante :

Les progrès réalisés sous le gouvernement Biden — tels que la réduction de la pauvreté, l'amélioration des salaires des travailleurs à bas salaires et une action antitrust forte qui a permis aux familles de disposer à nouveau de revenus — ont démontré le potentiel réel de la syndicalisation pour obtenir des changements politiques qui améliorent la vie des gens.

Ceci est totalement contredit par les conclusions mêmes du rapport. Sous le gouvernement Biden, la part de la richesse contrôlée par l'oligarchie financière a explosé, à un niveau seulement dépassé par le gouvernement Trump. La fortune cumulée des dix personnes les plus riches d'Amérique a doublé, passant de 976 milliards de dollars en janvier 2021 à 1 991 milliards de dollars en janvier 2025. Pendant ce temps, la part du revenu national revenant au travail a chuté à un niveau historiquement bas.

Sous la présidence de Biden, le taux d'insécurité alimentaire chez les enfants américains est passé de 13 pour cent à 19 pour cent. Vers la fin de son mandat, le département américain du Logement et du Développement urbain a affirmé dans son rapport annuel: « Le nombre de personnes sans abri lors d'une seule nuit en 2024 a atteint un niveau record. »

Autrement dit, le gouvernement Biden a représenté un désastre pour la classe ouvrière et une véritable manne pour l'oligarchie financière.

La préface du rapport est signée par la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, qui déclare qu’ « une économie qui fonctionne à merveille pour les plus riches et qui laisse tous les autres se débattre avec des difficultés […] est le fruit de choix politiques délibérés ».

Pourtant, elle n'explique pas comment une part aussi importante de l'augmentation des inégalités sociales documentée dans le rapport d'Oxfam s'est produite sous un gouvernement qu'elle a soutenu et dont elle a défendu la politique à maintes reprises, et sans exception.

Le rapport d'Oxfam omet un mot essentiel: capitalisme. Son argument principal consiste à affirmer que la croissance des inégalités sociales n'est qu'un choix politique, et qu'un autre choix pourrait tout aussi bien être adopté dans le cadre social actuel.

En réalité, la croissance persistante des inégalités sociales, sous les gouvernements démocrates comme républicains, est une caractéristique fondamentale du système capitaliste. Comme l'expliquait Karl Marx il y a 150 ans : « C'est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l'accumulation du capital et l'accumulation de la misère, de telle sorte qu'accumulation de richesse à un pôle, c'est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d'ignorance, d'abrutissement, de dégradation morale, d'esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »

Le gouvernement Trump représente, dans sa manifestation la plus aboutie et la plus grotesque, un prolongement des caractéristiques essentielles du système capitaliste décrites par Karl Marx il y a plus de 150 ans. C’est un gouvernement de, par et pour l’oligarchie capitaliste, qui gouverne directement au nom des milliardaires et de leurs trusts.

C’est là le contenu de classe de la destruction des droits démocratiques. Le complot dictatorial de plus en plus virulent de Trump découle des besoins d'une classe dirigeante qui ne peut maintenir sa richesse et son pouvoir que par la violence, la répression et la destruction des droits démocratiques. La complicité et la lâcheté du Parti démocrate s'expliquent par le fait qu'il représente une autre faction de cette même oligarchie capitaliste.

Mais l’ambiance sociale est en train de changer aux États-Unis. Le mois dernier, les attaques du gouvernement Trump contre les droits démocratiques et sa politique d'austérité ont provoqué des manifestations de millions de personnes lors du mouvement « No Kings », parmi les plus importantes de l'histoire américaine. Un récent sondage Axios a révélé que 67 pour cent des jeunes Américains ont désormais une opinion positive ou neutre du terme « socialisme », contre seulement 40 pour cent pour le terme « capitalisme ».

L'opposition à l'inégalité sociale et à la dictature de l'oligarchie financière se renforce au sein de larges pans de la population, notamment parmi les travailleurs et les jeunes.

Le Socialist Equality Party (Parti de l'égalité socialiste) insiste sur la nécessité d'exproprier les fortunes indécentes de l'élite financière. La richesse des oligarques est indissociable de leur contrôle sur les multinationales, les banques et les fonds d'investissement qui dominent tous les aspects de la vie économique et politique. Ces institutions doivent être transformées en services publics, gérés démocratiquement par la classe ouvrière et réorganisées pour répondre aux besoins humains, et non au profit privé.

Une telle transformation ne peut être obtenue par de simples appels aux partis de Wall Street. Elle exige la construction d'un mouvement de masse de la classe ouvrière, organisé en comités de la base et uni internationalement par l'Alliance ouvrière internationale des comités de la base (acronyme anglais IWA-RFC). La lutte contre les inégalités et la dictature est, de par sa nature, une lutte contre le capitalisme. Pour mettre fin à l'exploitation, à la pauvreté et à la guerre, la classe ouvrière doit prendre le pouvoir et reconstruire la vie économique sur des bases socialistes.

(Article paru en anglais le 4 novembre 2025)

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