Le rapport des Nations unies «Emissions Gap Report 2025» démontre que compte tenu de la politique actuellement en vigueur, la planète se dirige vers un réchauffement par rapport à la moyenne préindustrielle de 2,8 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Même si les engagements climatiques actuels sont respectés, les températures augmenteront encore de 2,3 à 2,5 degrés.
Cela signifie une catastrophe imminente pour des milliards de personnes dans le monde. La Terre n'a pas encore franchi le seuil de 1,5 degré de réchauffement de manière durable et cela a déjà entraîné des sécheresses historiques, des canicules, des inondations, des incendies de forêt, des tempêtes et une acidification des océans; des pertes de récoltes généralisées, l'extinction d'espèces et la propagation accrue de maladies.
Les scientifiques prévoient que ces indices s'aggraveront considérablement, de manière non linéaire, à mesure que les températures augmenteront. Un réchauffement de 2,5 degrés aurait des conséquences désastreuses pour une grande partie de la population mondiale.
Cependant, même les chiffres alarmistes de l'ONU sont optimistes. Des incertitudes subsistent quant aux points de basculement (comme l'effondrement des calottes glaciaires ou des systèmes de circulation océanique) et aux boucles de rétroaction (comme la fonte de la banquise, le dégel du pergélisol, la dégradation des forêts et des forêts tropicales humides), ce qui pourrait engendrer une trajectoire bien plus catastrophique que prévu.
De plus, ces projections reposent sur des modèles de «dépassement» qui supposent que les températures augmenteront davantage que prévu en fin de décennie, avant d'être freinées par l'élimination massive de carbone de l'atmosphère. Or, ces modèles font appel à des technologies et des méthodes non éprouvées, voire potentiellement dangereuses à une telle échelle.
Pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, explique le rapport, les émissions de carbone doivent être réduites de 55 pour cent au cours des dix prochaines années, puis de 66 pour cent au cours des quinze années suivantes, tandis que l'équivalent de 5 à 15 années d'émissions de carbone est retiré de l'atmosphère.
Il s'agit d'un défi civilisationnel auquel le système capitaliste, de plus en plus barbare, est incapable de répondre dans un monde divisé en États-nations concurrents, où les principales puissances impérialistes intensifient les guerres commerciales et militaires pour garantir le droit de l'oligarchie financière à piller les ressources essentielles.
Le rapport «État de l’action climatique 2025» du World Resources Institute constate que les gouvernements du monde entier échouent sur l’ensemble des 45 indicateurs de progrès visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Parmi ceux-ci, 29 indicateurs sont «très loin du compte», ce qui signifie qu’une accélération des progrès d’au moins deux fois, voire de quatre fois pour la plupart des pays, est nécessaire pour atteindre les objectifs de fin de décennie.
Cinq indicateurs — l’intensité carbone de la production d’acier, la part des kilomètres parcourus par les voitures particulières, la perte de mangroves, la part de la production alimentaire perdue et le financement public des combustibles fossiles — évoluent dans la mauvaise direction.
Il n’existe même pas suffisamment de données pour analyser la tendance des cinq autres indicateurs: le taux de rénovation des bâtiments, la part des nouveaux bâtiments à zéro émission de carbone, la dégradation des tourbières, la restauration des tourbières et le gaspillage alimentaire.
L’ampleur de cet échec est stupéfiante. Si les gouvernements du monde entier veulent atteindre les objectifs de fin de décennie fixés pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré et maintenir le cap jusqu’en 2035, voici quelques-unes des mesures qui doivent être prises:
- La production d’électricité à partir du charbon doit être éliminée plus de dix fois plus vite, ce qui entraîne la fermeture de 360 centrales électriques au charbon de taille moyenne par an.
- La déforestation doit être réduite neuf fois plus vite.
- Dans les villes les plus polluantes du monde, il faut construire cinq fois plus vite des systèmes de transport public abordables et fiables, en construisant chaque année 1 400 km de lignes de train léger, de métro et de bus.
- La part de l’énergie solaire et éolienne dans la production d’électricité doit être augmentée deux fois plus vite qu’au cours des dernières années.
- La consommation de bœuf, d’agneau et de chèvre dans les régions à forte consommation doit diminuer cinq fois plus vite.
- Le financement climatique doit augmenter de près de 1 000 milliards de dollars par an, soit environ les deux tiers du financement public des combustibles fossiles en 2023.
Le fondement scientifique de ces rapports est incontestable. Mais leur prémisse politique, qu’ils fournissent des conseils à une classe dirigeante qui agira en conséquence en se basant sur ces données scientifiques, est fatalement incorrect.
Depuis l’Accord de Paris qui fixa en 2015 la limite de 1,5 degré, les émissions mondiales n’ont cessé d’augmenter. Rien qu’en 2024, ce chiffre a progressé de 2,3 pour cent, soit la plus forte hausse annuelle depuis les années 2000, et a atteint un niveau historique.
Un rejet plus ou moins ouvert de l’action climatique se propage parmi les puissances impérialistes et les principales banques et grandes entreprises. Le rapport «État de l’action climatique 2025» souligne ceci:
Cette année, un développement particulièrement notable s'est produit: les États-Unis, deuxième plus grand émetteur mondial et plus grand émetteur historique, ont réduit leurs politiques et programmes climatiques, diminué la portée des agences environnementales et interrompu des investissements de longue date dans la science du climat et les mesures de décarbonation.
Mais le capitalisme américain n'est que la manifestation la plus flagrante d'une tendance mondiale. Selon le rapport «Production Gap 2025» de l'Institut de l'environnement de Stockholm, «dix ans après l'Accord de Paris, les pays prévoient collectivement une production d'énergies fossiles encore plus importante qu'auparavant». Les projets pétroliers, gaziers et charbonniers actuellement en cours entraîneraient des émissions mondiales de carbone deux fois supérieures en 2030 à la limite fixée pour un réchauffement climatique de 1,5 degré.
L’extension continue de ces projets souligne un fait crucial: les possibilités d'extraction rentable des combustibles fossiles excèdent très largement les limites durables de leur exploitation. De plus, la richesse ainsi accumulée isole les bénéficiaires des conséquences environnementales.
La conclusion est inévitable: seule l’expropriation des immenses fortunes avides de profits des ultra-riches permettra d’amorcer la lutte contre la crise climatique. Partout dans le monde, les milliards de personnes qui souhaitent lutter pour une planète habitable ne peuvent se consoler avec l’illusion d’une collaboration internationale pour atteindre les objectifs climatiques menée par des gouvernements capitalistes représentant les méga-entreprises mondiales.
Il faut s'emparer des richesses de l'oligarchie non seulement pour mettre un terme à leurs modes de vie obscènes — les 1 pour cent les plus riches épuisent leur budget carbone annuel en seulement 10 jours — mais aussi pour donner à la classe ouvrière le contrôle des ressources et des forces productives nécessaires pour remodeler l'économie et réduire son empreinte environnementale globale.
Dans de nombreux pays, la vie sociale a été tellement déformée par la recherche du profit que même une personne moyenne utilise inévitablement chaque année plus de carbone que la limite mondiale par habitant si l'on veut contenir le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius: quelque 2 tonnes de CO2. En Europe, les émissions par habitant pour les 40 pour cent des ménages à revenus moyens étaient de 10,7 tonnes en 2019, et de 21,8 tonnes en Amérique du Nord.
Pour ceux qui ne dépassent pas le seuil d'émissions par habitant – dans les pays riches et dans la grande majorité du monde – cette situation résulte souvent de la pauvreté. Toutefois, le lien entre émissions de carbone et niveau de vie, au-delà d'un certain seuil, n'est pas une loi immuable; dans le capitalisme cela peut sembler ainsi seulement à cause de la destruction des biens et services collectifs, de la dégradation de la vie sociale et du sous-développement des technologies durables.
Outre le remplacement des systèmes fonctionnant aux énergies fossiles par des énergies renouvelables, il est indispensable de réduire considérablement le nombre de voitures et leur utilisation, ce qui sera rendu possible par l'amélioration de l'offre et de la qualité des transports en commun et les déplacements en vélo. Les logements doivent être construits ou rénovés selon des normes écologiques, autour d'équipements partagés favorisant une consommation d'énergie efficace.
L'agriculture doit évoluer vers des méthodes et des produits plus économes en carbone; les industries de consommation doivent être repensées pour fournir des biens durables; et les secteurs de la publicité et des algorithmes, actuellement utilisés pour accélérer la consommation de ressources et d'énergie, doivent être démantelés et réassemblés pour servir le bien public.
Il faudrait un développement considérable des espaces sociaux, des événements publics et du temps pour en profiter.
Tout cela permettrait à la société de rester dans des limites environnementales sûres et durables et d'améliorer considérablement la qualité de vie de la grande majorité des habitants de la planète.
Cela ne peut être réalisé à travers les forces destructrices et intrinsèquement exploiteuses du marché, ni en préservant la propriété privée. Il faut remplacer ces deux systèmes par une production planifiée démocratiquement, permettant à la société dans son ensemble de prendre des décisions éclairées sur la gestion de ses ressources.
Les sondages montrent l’un après l’autre un soutien massif (89 pour cent à l'échelle mondiale, selon une étude de l'Université d'Oxford) en faveur de mesures plus ambitieuses pour lutter contre la crise climatique. Pourtant, chaque année, la planète s'enfonce davantage dans la catastrophe, car les programmes «verts» proposés reposent sur un système capitaliste qui rend impossible toute réponse efficace.
Comme tous les grands problèmes auxquels est confrontée l'humanité, la crise climatique est une question de classe; sa résolution exige un mouvement socialiste révolutionnaire de la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 7 novembre 2025)
