Postes Canada présente son « plan de transformation » : les postiers à la croisée des chemins

Nous encourageons tous les postiers à contacter le Comité de base des travailleurs des postes à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.

Un employé de Postes Canada se dirige vers son camion à Richmond, en Colombie-Britannique. [AP Photo/Ted S. Warren]

Alors que Postes Canada et le gouvernement libéral fédéral s'empressent de mettre en œuvre leurs plans visant à réduire considérablement la taille de la poste, les travailleurs postaux se trouvent à un moment charnière de leur lutte, qui dure depuis un an, pour défendre leurs emplois et leurs conditions de travail et protéger un service public fondamental.

Au début de la semaine, Postes Canada a annoncé avoir soumis son plan de restructuration au gouvernement fédéral, respectant ainsi le délai de 45 jours fixé en septembre par le ministre libéral de la Transformation gouvernementale, Joel Lightbound.

La déclaration de la société était délibérément vague, confirmant seulement que le plan avait été remis et que les détails resteraient secrets jusqu'à ce qu'Ottawa donne son accord. Le PDG Doug Ettinger a déclaré que « les Canadiens méritent un service postal solide, stable et axé sur la satisfaction de leurs besoins changeants, et nous nous efforçons d'y parvenir ».

En d'autres termes, des dizaines de milliers de postiers sont maintenus dans l'ignorance quant à l'avenir de leur emploi et de leurs moyens de subsistance, tandis que la direction et le gouvernement mettent en œuvre les plans qu'ils ont déjà décidés à huis clos. Ces plans prévoient l’élimination de la distribution quotidienne du courrier et de la distribution à domicile, la fermeture de centaines de bureaux de poste ruraux et suburbains, la suppression de dizaines de milliers d'emplois à temps plein et l'augmentation de la charge de travail de ceux qui restent grâce à un acheminement dynamique basé sur l'intelligence artificielle.

Le négociateur en chef du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Jim Gallant, s'est plaint à CTV News que Postes Canada garde ses plans « secrets », un euphémisme qui traduit à la fois le caractère surréaliste de ce qu'on appelle les « négociations contractuelles » et la complicité du syndicat.

Les pourparlers entre la direction de Postes Canada et le STTP sont une imposture et un écran de fumée. Les ministres du gouvernement libéral déclarent hypocritement leur soutien à un processus de négociation collective qu'ils ont maintes fois tenté de court-circuiter, tout en collaborant avec la direction pour démanteler la poste au détriment des postiers et du public. En l’absence des travailleurs dont les moyens de subsistance sont en jeu, ils dictent une restructuration qui déterminera les éléments essentiels de toute nouvelle « convention collective ».

L'attaque contre Postes Canada et le programme d'austérité et de guerre « Canada fort » de Carney

La réduction des effectifs de Postes Canada, orchestrée par le gouvernement libéral, est indissociable du programme d'austérité et de militarisation codifié dans le budget fédéral « Canada fort » récemment présenté par le premier ministre banquier Mark Carney. Présenté comme un plan « d'investissement » et de « rééquilibrage » visant à renforcer la nation, ce budget est en réalité un projet visant à canaliser les ressources publiques vers l'armée, les incitatifs fiscaux pour les entreprises, les subventions aux grandes entreprises et l'expansion du complexe militaro-industriel canadien, grâce à des coupes massives dans les services publics et à l’élimination de dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public.

Postes Canada a été choisie pour démontrer la volonté d'Ottawa d'imposer des « décisions difficiles » au détriment de la classe ouvrière et de créer un précédent pour le démantèlement d'autres services et organismes publics. En ciblant les postiers, une catégorie de travailleurs réputée pour son militantisme, le gouvernement entend envoyer un signal clair : aucun service public et aucune convention collective ne feront obstacle à sa volonté d'assurer la « viabilité financière » et la « compétitivité mondiale ».

L'attaque contre Postes Canada va donc bien au-delà de la société elle-même. Elle s'inscrit dans le cadre d'une campagne coordonnée du gouvernement Carney et de l'élite financière – qui saisissent l'occasion offerte par la crise économique déclenchée par la guerre commerciale du président américain Donald Trump – pour mettre en œuvre une restructuration longtemps souhaitée des relations de classe, miner radicalement le droit de grève et imposer un nouvel ordre social dans lequel les droits démocratiques et les droits des travailleurs sont entièrement subordonnés aux intérêts du capital et à la préparation de la guerre impérialiste.

Le bilan des trahisons et de la complicité du STTP

La direction du syndicat a répondu à la dernière offre de Postes Canada en redoublant d'insistance pour que le service postal soit géré comme une entreprise à but lucratif aux dépens des travailleurs. La déclaration du STTP se réjouissait de « l'autosuffisance financière à portée de main », saluant la récente augmentation des tarifs postaux comme une base permettant à la société d'État d'atteindre le seuil de rentabilité.

La déclaration souligne également que Postes Canada a soumis son plan de restructuration au gouvernement dans le délai de 45 jours fixé par le ministre de la Transformation, Joel Lightbound, le 25 septembre. Le STTP a déclaré : « Au moment d’écrire ces lignes, Postes Canada a indiqué qu’elle continuera de travailler avec le gouvernement et qu’elle partagera son plan lorsqu’il sera finalisé et approuvé. La population canadienne a le droit de se prononcer sur ce plan avant qu’il ne soit finalisé. Une fois de plus, le véritable propriétaire du service postal, c’est-à-dire la population, est exclu du processus. Postes Canada n’a transmis aucuns détails au Syndicat au sujet de ce plan. »

Personne, et encore moins les travailleurs de Postes Canada, ne devrait prendre cette indignation feinte pour argent comptant. Après tout, c'est l'annonce faite par Lightbound le 25 septembre qui a déclenché le débrayage spontané des postiers, obligeant la bureaucratie syndicale récalcitrante à déclencher une grève nationale. À ce moment-là, les travailleurs de la base avaient clairement compris comment Lightbound complotait en coulisses avec la direction de Postes Canada et étaient prêts à se battre pour mettre fin au démantèlement du service postal. Il convient de rappeler que la déclaration de Lightbound était accompagnée d'une directive du 25 septembre levant le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et suburbains et autorisant la conversion des boîtes aux lettres communautaires, donnant ainsi le feu vert à des suppressions d'emplois en masse et au démantèlement des services publics.

Cependant, la grève a été sabotée par la direction du STTP, qui l'a transformée unilatéralement en grèves tournantes inefficaces excluant la plupart des grandes zones urbaines. Dans le même temps, le STTP a repris les négociations avec Postes Canada, sachant pertinemment qu'il coopérait avec le gouvernement du banquier central Carney pour infliger une défaite cuisante aux postiers. Aujourd'hui, après avoir déclaré vouloir trouver un « terrain d'entente » avec les responsables des suppressions d'emplois, ils veulent persuader les travailleurs qu'ils sont choqués et surpris de ne pas être tenus informés des détails du plan du gouvernement Carney et de Postes Canada visant à supprimer des dizaines de milliers d'emplois.

La position de l'appareil syndical aux côtés des patrons et des ministres du gouvernement est claire. Depuis plus d'un an, la direction du STTP démobilise et isole systématiquement les travailleurs postaux et s'oppose à toute mobilisation plus large de la classe ouvrière pour défendre les services publics et le droit de grève. Elle a traîné les pieds pour appeler à la grève l'année dernière et a refusé de se préparer à défier l'ordre de retour au travail du gouvernement après le début de la grève en novembre 2024. Lorsque le gouvernement libéral de Trudeau a déclaré illégale la grève nationale en décembre dernier, le STTP a contribué à faire respecter cette décision et a salué la Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT) du gouvernement comme une occasion de « faire entendre notre voix ».

La commission, présidée par William Kaplan, un médiateur et arbitre chevronné qui a la confiance du gouvernement et des grandes entreprises, a, comme on pouvait s'y attendre, produit un plan de restructuration copié-collé des exigences de la direction visant à supprimer des emplois, à utiliser les nouvelles technologies pour intensifier l'exploitation et à convertir les postes à temps plein en emplois occasionnels et à temps partiel. Après l'expiration en mai de l'interdiction de grève imposée unilatéralement par le gouvernement, le STTP a passé les mois de juin et juillet à supplier le gouvernement d'imposer un arbitrage exécutoire et à refuser de donner suite au mandat de grève des travailleurs.

Le plan de Postes Canada vise à rendre l'entreprise « rentable » en supprimant des dizaines de milliers d'emplois, notamment grâce à la mise en œuvre de la technologie de l'IA, et en transformant ceux qui restent en emplois précaires de type « Amazon », transportant un volume croissant de colis pour des entreprises privées à des salaires de misère. On demande à la classe ouvrière d'accepter ces sacrifices afin que l'État puisse détourner des milliards vers des subventions aux entreprises, des réductions d'impôts pour les riches et le réarmement de l'impérialisme canadien pour se préparer à la guerre, surtout contre la Russie et la Chine.

Pour une nouvelle stratégie : créons des comités de base pour lutter contre cette attaque !

Les postiers, comme les enseignants en Alberta, les travailleurs des transports en commun à Montréal et les agents de bord d'Air Canada, sont confrontés aux attaques menées par le gouvernement pour imposer le coût total de la crise capitaliste aux travailleurs. Chaque étape de ce processus a été facilitée par une bureaucratie syndicale nationaliste et pro-capitaliste, qui bénéficie de liens corporatistes étendus avec l'État et les grandes entreprises.

Les appels désespérés du STTP aux libéraux pour qu'ils « écoutent » ou « prennent en considération le point de vue des travailleurs » ne servent qu'à gagner du temps pour permettre au gouvernement de mettre en œuvre ses plans. La véritable crainte des bureaucrates n'est pas que le gouvernement aille trop loin, mais que les travailleurs commencent à agir indépendamment de leur contrôle.

Il y a une solution. Les conditions sont réunies pour que les postiers unissent leur lutte à celle du mouvement plus large qui se développe au sein de la classe ouvrière à travers le Canada et à l'échelle internationale contre l'austérité et la guerre. Pour ce faire, ils doivent prendre l'initiative des mains du STTP et créer des comités de base dans chaque centre de tri, dépôt et bureau de poste. Ces comités doivent exiger la publication immédiate et complète du plan de transformation, refuser tout accord qui supprime des emplois ou nuit au service et se coordonner à l'échelle nationale par l'intermédiaire du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP). Ils doivent tendre la main aux travailleurs de la logistique, des transports et du secteur public qui sont confrontés aux mêmes attaques et sont prêts à se battre.

Comme l'a souligné le Comité de base des travailleurs des postes en août, après que les travailleurs aient rejeté à une écrasante majorité un accord de capitulation lors d'un vote imposé par le gouvernement, « notre grève doit devenir le point de départ d'une lutte renouvelée, fondée sur une stratégie entièrement nouvelle [...] contre l'austérité capitaliste et la guerre ».

Cette stratégie nécessite l'unification des luttes des travailleurs à travers le Canada et à l'échelle internationale. Dans tous les grands pays d'Europe et d'Amérique du Nord, les travailleurs des postes et de la logistique sont soumis à des attaques soutenues. Il s'agit d'un front dans le cadre d'une offensive généralisée de l'oligarchie financière contre les droits des travailleurs, les services publics et les dépenses sociales. Afin de préparer la mobilisation de masse de la classe ouvrière dans une contre-offensive pour des emplois décents et sûrs pour tous, le contrôle des travailleurs sur la production et l'utilisation des nouvelles technologies telles que l'IA, et l'expropriation des milliards mal acquis des oligarques, l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) organise une réunion en ligne ce dimanche. Nous encourageons tous les travailleurs de Postes Canada qui cherchent une voie à suivre dans leur lutte contre la direction, le gouvernement Carney et les bureaucrates syndicaux à s’inscrire et à participer.

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