La «gauche» travailliste à genoux face à la politique anti-immigration fascisante du gouvernement Starmer au Royaume-Uni

L’adoption par le gouvernement travailliste d’un programme anti-immigration salué par le parti d’extrême droite Reform UK et par le fasciste Tommy Robinson confirme la faillite d’une «gauche» travailliste en plein effondrement.

Malgré les rumeurs de «révolte» contre la direction du Parti travailliste concernant ces mesures, qui incluent la suppression du statut de résident permanent des réfugiés, moins d'une vingtaine de députés du parti ont pris la peine de manifester leur désaccord.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer prononce son discours d'ouverture lors du congrès annuel du Parti travailliste à Liverpool, en Angleterre, le mardi 30 septembre 2025 [AP Photo/Jon Super]

Mardi, le journal gratis Metro titrait à la une: «Début de la mutinerie contre la politique travailliste sur l’asile», mais tous ces discours s'étaient évaporés le temps de la parution des journaux dans les kiosques.

Lundi soir, seuls 18 députés avaient timidement critiqué les propositions présentées plus tôt dans la journée par la ministre de l'Intérieur, Shabana Mahmood. Mardi, quatre autres seulement les avaient rejoints, portant leur nombre à 22 députés, auxquels s'ajoutait le membre travailliste de la Chambre des lords, baron Dubs. Le Parti travailliste compte 405 députés, mais à peine plus de 5 pour cent d'entre eux ont osé s'opposer à ces mesures.

D'après le Guardian, «la dureté des projets de Mahmood a suscité un malaise considérable parmi les hauts responsables et ministres travaillistes, dont au moins un envisageant la démission». Le fait qu'un seul ministre sur les 121 députés occupant des postes ministériels (92 députés et 29 membres de la Chambre des lords) ait songé à démissionner en dit long sur le caractère monstrueux du parti de Starmer. Pourtant, 24 heures après la publication par Mahmood de ses projets – déjà fuités pendant plusieurs jours dans les médias et par le ministère de l'Intérieur comme les changements les plus importants apportés aux droits des demandeurs d'asile et des réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale – aucun député n'a démissionné d’un poste quelconque.

Depuis des années, la gauche travailliste fonctionne comme un croupion de quelques dizaines de députés s'accrochant désespérément au parti de Starmer. L'ancien chef du parti, Jeremy Corbyn, figure de proue du Socialist Campaign Group (SCG), a été exclu du groupe parlementaire travailliste il y a cinq ans, puis définitivement expulsé avant les élections générales de juillet 2024. La page X officielle du SCG, dont la profession de foi indique qu'elle publie «des tweets occasionnels du Socialist Campaign Group de députés travaillistes», n'a rien publié au nom du groupe depuis plus de deux ans. Une autre page recense 34 députés membres du SCG.

Le SCG est tellement figé que ce n'est même pas l'un de ses membres qui a osé critiquer la politique de Mahmood en premier, mais un député plus récent, Tony Vaughan. On ne peut guère parler du déclenchement d'une «guerre civile» au sein du parti, comme le prétendait le quotidien de droite Express, ou du signe avant-coureur d'une «scission» (Metro).

Vaughan n’a pas voulu déclarer plus que: «L'idée que les réfugiés reconnus doivent être expulsés est fausse», avant d'affirmer dans la phrase suivante: «Nous avons absolument besoin de contrôles de l'immigration.» Il a fait valoir que ces mesures encourageraient «la même culture de division qui voit le racisme et les abus se développer dans nos communautés» et qu'il était «erroné de penser que des examens réguliers de la sécurité dans le pays d’origine de la personne permettraient de renvoyer les réfugiés à grande échelle.»

Pour Vaughan, qui a voté à chaque étape en faveur du projet de loi draconien de Starmer sur la sécurité des frontières, l'asile et l'immigration (article en anglais), qui devrait entrer en vigueur dans quelques semaines, le problème résidait dans le fait que tout cela constituait un obstacle à la politique d'expulsion efficace déjà mise en œuvre et qu'il soutient. «Cela détournerait des ressources considérables du bon fonctionnement de notre système d'asile – en réduisant les délais de décision initiaux et l'arriéré des recours, en améliorant l'hébergement des demandeurs d'asile, en assurant la mise en œuvre de l'accord franco-britannique, en expulsant les personnes déboutées, etc.», a conclu Vaughan.

Plusieurs membres de la gauche travailliste, dont Bell Ribeiro-Addy, Clive Lewis et Nadia Whittome, se sont contentés de republier les propos de Vaughan pour protester. Lors de la séance de questions-réponses au Parlement, Whittome a limité ses critiques au fait que les projets de Mahmood restreindraient «l'accès des réfugiés au regroupement familial» et que «la plupart des annonces faites bafouent la décence et la compassion».

L'ancien ministre de Finance du cabinet fantôme de Corbyn, John McDonnell, a écrit: «[Vaughan] n'est certainement pas ce que les médias appelleraient un 'suspect habituel'. Je soupçonne qu'il reflète ici ce que ressentent de nombreux membres du [Parti travailliste parlementaire]. »

Au Parlement, McDonnell a déclaré: «Lorsque nous introduisons de nouvelles lois et de nouvelles procédures, il est important d'en évaluer les conséquences et les répercussions possibles.» Il a demandé à Mahmood: «Puis-je demander à ma collègue si elle a consulté le Commissaire aux droits de l'enfant, des psychologues scolaires ou d'autres experts au sujet des implications de ses propos d'aujourd'hui?» et «Peut-elle me garantir qu'aucun enfant ne sera placé en détention suite à ce changement de politique?»

McDonnell a ensuite publié son propre commentaire sur X, déclarant qu'écouter Mahmood l'avait amené à exprimer «sa détresse face à l'impact sur les familles dont les enfants sont confrontés à des années d'incertitude et d'insécurité. Ces enfants, souvent déjà traumatisés, souffriront davantage. Je ne cautionnerai pas qu'on leur inflige des souffrances supplémentaires.»

McDonnell a récupéré son mandat de député en septembre, après quatorze mois d'absence suite à son exclusion du groupe parlementaire par Starmer, pour avoir refusé de voter de nouvelles coupes budgétaires dans le domaine social. Il votera contre les mesures de Mahmood, mais quitter un parti responsable d’une politique convenant aux fascistes est hors de question. Ce septuagénaire entend terminer sa confortable carrière de député travailliste en «solidarité maximale» avec le gouvernement Starmer, tout en faisant de temps à autre des critiques depuis son fauteuil.

Le ministre de Finance du cabinet fantôme, John McDonnell (à gauche) avec Jeremy Corbyn, chef du principal parti d'opposition britannique, le Parti travailliste, lors de son discours à la tribune du congrès du Parti travailliste au Brighton Centre à Brighton, en Angleterre, le 23 septembre 2019 [AP Photo/Kirsty Wigglesworth]

Apsana Begum, une autre députée «de gauche» récemment réélue, a déclaré au Parlement: «Expulser des familles après leur installation ici, sous prétexte que leur pays d’origine est jugé sûr, est tout simplement inadmissible.» Elle a ensuite posé à Mahmood une série de questions superficielles sur sa politique: «La ministre de l’Intérieur peut-elle nous expliquer comment le gouvernement détermine ce qu’est un pays sûr? Publiera-t-elle les critères? Elle a mentionné la RDC; affirme-t-elle vraiment que c’est un pays sûr? Publiera-t-elle tous les accords de retour existants, afin que les membres de cette Chambre, et le public britannique, puissent les examiner attentivement?»

Richard Burgon, secrétaire du Socialist Campaign Group, a demandé: «N'est-ce pas là une tentative désespérée de trouver un terrain d’entente avec le parti Reform?» Il a qualifié le document de Mahmood de simple énième «terrible erreur politique commise ces derniers mois». Burgon a refusé d'affirmer qu'il s'agissait là de la politique d'un parti d'extrême droite, déplorant bien plutôt que «cette direction travailliste défaillante choisisse de se battre sur le terrain tracé par Farage. Ce faisant, elle ouvre la voie au premier gouvernement d'extrême droite de notre histoire.»

Richard Burgon prenant la parole lors d'une manifestation à Londres

Le refus de la gauche travailliste de mener une quelconque lutte fit que l’opposition est venue de personnalités de la droite du parti, au motif notamment que cette politique serait finalement trop coûteuse. Stella Creasy, qui a soutenu le coup de force droitier ayant chassé Corbyn de la direction du Parti travailliste en 2016, a déclaré que le programme de Mahmood était «non seulement cruel par nature, mais aussi économiquement erroné». Elle a ajouté: «Il est […] clair que cette politique rendrait l'aide aux réfugiés plus onéreuse. Si vous ne parvenez pas à stabiliser votre statut, vous aurez toujours des difficultés à trouver un emploi, à ouvrir un compte bancaire ou à obtenir un prêt immobilier, ce qui vous rendra plus dépendant de l'aide de l'État ou d'organismes caritatifs».

La seule députée à avoir décrit avec exactitude la politique du Parti travailliste fut Zarah Sultana, qui déclara au Parlement: «Ces mesures sont tout droit sorties du manuel fasciste.» Sultana a quitté le Parti travailliste en juillet et a annoncé qu’elle codirigerait un nouveau parti de gauche avec Corbyn.

Mais quel que soit le discours que Sultana puisse tenir, elle et Corbyn cherchent à tout prix à présenter leurs collègues de la «gauche» travailliste, invertébrés et politiquement pourris, comme faisant partie d'une alternative socialiste combative à Starmer.

Mardi, Corbyn a republié sur la plateforme X une vidéo d'une interview qu'il avait accordée à Channel 4 News plus tôt cette année. Lorsqu'on lui a demandé si, en tant qu'ancien chef du Parti travailliste, il éprouvait de la sympathie pour Starmer, Corbyn a répondu: «Être à la tête du Parti travailliste est vraiment très, très difficile.»

Corbyn a ensuite rendu hommage à ses «vieux amis» du parti, tels que McDonnell, qu'il a décrit comme «des gens très bien et très actifs».

(Article paru en anglais le 19 novembre 2025)

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