Jeudi, le Sénat américain a approuvé, par 51 voix contre 49, la nomination de Kashyap « Kash » Patel au poste de directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI). La principale qualification de Patel pour diriger la plus grande agence fédérale de police et de renseignement intérieur est sa loyauté indéfectible à l'égard de Trump et de son programme de vengeance.
La majorité républicaine de trois sièges au Sénat a permis aux républicaines Susan Collins (Maine) et Lisa Murkowski (Alaska) de se joindre à tous les sénateurs démocrates et indépendants pour s'opposer à Patel sans risquer sa confirmation.
En 2024, le Congrès avait alloué au FBI un budget de plus de 11 milliards de dollars. L'agence emploie actuellement quelque 35 000 personnes réparties dans plus de 400 bureaux locaux et agences résidentes aux États-Unis. Depuis sa création il y a plus d'un siècle, l'agence a été l'un des principaux outils de répression du gouvernement, ciblant la gauche, les communistes, les socialistes et les groupes de défense des droits civiques qui luttent pour l'égalité.
Patel, 44 ans, est un avocat et un fasciste qui a joué un rôle essentiel dans le coup d'État manqué de Trump. Après avoir gagné la loyauté de Trump en travaillant sous la direction de l'ancien représentant Devin Nunes au sein de la Commission du renseignement de la Chambre des représentants, Patel a accédé à un poste à la Maison-Blanche au sein du Conseil de sécurité nationale. Il a été nommé par Trump chef de cabinet du secrétaire à la Défense par intérim, Christopher Miller, le 10 novembre 2020, trois jours après que le démocrate Joe Biden a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle.
Au Pentagone, Patel a servi de prolongement et de liaison directe avec Trump. Il a amplifié les mensonges de Trump selon lesquels l'élection avait été « volée » et, selon le témoignage fourni à la commission spéciale du 6 janvier par Richard Donoghue, alors ministre adjoint de la Justice par intérim, il a tenté d'amener les fonctionnaires du ministère de la Justice à enquêter sur les allégations bidon selon lesquelles deux Italiens auraient truqué l'élection en faveur de Joe Biden à l'aide de satellites américains. À cette époque, Trump cherchait également à nommer Patel au poste de directeur adjoint de la Central Intelligence Agency.
Le 6 janvier 2021, Patel et Miller ont volontairement retardé le déploiement d'éléments de la Garde nationale du District de Columbia au Congrès assiégé, permettant ainsi à la foule d'extrême droite de Trump de pénétrer dans le Capitole afin de prendre les législateurs en otage et de bloquer la certification de la victoire de Biden et de la défaite de Trump lors du vote du collège électoral.
Le retard de 199 minutes dans l'envoi des troupes n'a jamais fait l'objet d'une enquête appropriée de la part de la commission spéciale de la Chambre des représentants, dirigée par les démocrates, qui a présenté une fausse théorie d'un « coup d'État unipersonnel » dont Trump était le seul chef de gouvernement. L'objectif était de cacher au public l'immense soutien dont bénéficiait le coup d'État de Trump au sein du gouvernement américain, notamment au sein de l'appareil policier, militaire et de renseignement et de la Cour suprême.
Après avoir quitté le gouvernement suite à l'investiture de Biden, Patel a été parmi les premiers à avancer le récit de la « fed-surrection », qui prétend que le FBI a orchestré l'attaque contre le Congrès afin de piéger les partisans de Trump. Lors de ses multiples apparitions dans l'émission War Room de Steve Bannon et sur Fox News, Patel a affirmé à plusieurs reprises que le 6 janvier n'était pas une insurrection, mais une « manifestation qui a dégénéré ».
Sur la boutique basedapparel.com, Patel vend des produits fascistes en soutien à Trump et à ses partisans anciennement emprisonnés. Un t-shirt appelant à la «Justice pour tous #J6PC » indique que « le produit net des ventes de ce t-shirt est affecté à certaines victimes du 6 janvier ».
Il ne fait aucun doute que Patel utilisera les pouvoirs du FBI pour poursuivre les ennemis politiques de Trump, non seulement au sein du Parti démocrate, mais dans tout le pays. Dans une interview de décembre 2023 avec War Room, Patel a déclaré : « Nous allons nous en prendre aux personnes dans les médias qui ont menti sur les citoyens américains qui ont aidé Joe Biden à truquer les élections présidentielles. » Il a ajouté : « Nous allons nous en prendre à vous, que ce soit au niveau pénal ou civil. Nous verrons ce qu'il en est. Mais oui, vous êtes avertis. »
Patel a même publié une liste d'ennemis de l'« État profond » qui devraient être visés par des représailles dans son dernier livre, Government Gangsters : The Deep State, the Truth, and the Battle for Our Democracy (Les gangsters du gouvernement : l'État profond, la vérité et la bataille pour notre démocratie). Cette liste comprend Biden, l'ancienne vice-présidente Kamala Harris, l'ancien directeur du FBI James Comey, l'ancien directeur de la CIA John Brennan, l'ancien ministre de la Justice de Trump William Barr, l'ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump John Bolton et l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton.
Il a souligné que la liste des personnes figurant dans son livre n'est pas exhaustive et qu'il existe d'autres « acteurs corrompus » qui doivent être tenus responsables de leur déloyauté à l'égard de Trump.
Tout en tournant l'attention du FBI vers les ennemis politiques de Trump, sous un FBI Patel, les néo-nazis, les suprémacistes blancs et autres fascistes enhardis et cultivés par Trump auront amplement l'occasion de promouvoir leur programme violent.
L'ascension de Patel au FBI s'inscrit dans le cadre de la transformation en cours du gouvernement américain en instrument personnaliste de l'aspirant dictateur Trump. À la Maison-Blanche, au début du mois, après l'annonce de la purge des agents du FBI qui ont travaillé sur les enquêtes du 6 janvier, Trump a déclaré :
J'ai appris à connaître beaucoup de choses sur cette affaire, sur ce monde. J'ai appris à connaître ce monde, et nous avions des agents corrompus, et ces personnes sont parties, ou seront parties, et ce sera fait rapidement et de manière très chirurgicale.
Avant la confirmation de Patel, le procureur général adjoint par intérim Emil Bove a ordonné au directeur par intérim du FBI Brian Driscoll de dresser une liste de tous les employés actuels et anciens du FBI qui ont été affectés « à tout moment » à l'enquête du 6 janvier afin de déterminer « si d'autres mesures personnelles sont nécessaires ».
Le ministère de la Justice a confirmé, lors d'une audience du 7 février, qu'une liste de plus de 5000 agents du FBI, avec leurs noms et leurs numéros d'identification, avait été transférée au ministère de la Justice.
Avec la confirmation de Patel, toutes les nominations de Trump qui étaient censées être en danger ont été approuvées par les républicains et, dans de nombreux cas, comme le vote unanime en faveur du sénateur Marco Rubio au poste de secrétaire d'État, par les démocrates. Le seul échec a été le retrait de Matt Gaetz, le candidat initial au poste de ministre de la Justice, qui s'est retiré face au rapport de la commission d'éthique de la Chambre des représentants et à l'opposition généralisée des républicains de la Chambre des représentants et du Sénat.
En réponse à la transformation fasciste en cours du gouvernement américain, les démocrates de la commission judiciaire du Sénat ont tenu une conférence de presse devant le siège du FBI à Washington le jeudi avant le vote. Lors de cette brève conférence de presse, les démocrates ont appelé leurs « collègues républicains » à voter contre Patel en raison de leur amour commun pour le FBI.
Le sénateur Richard Blumenthal (démocrate du Connecticut) a rappelé qu'en tant que « procureur américain, j'ai travaillé en étroite collaboration avec le FBI. Permettez-moi de dire qu'aucun bâtiment de notre capitale nationale ne mérite mieux le drapeau américain que celui-ci, parce que les agents du FBI qui travaillent ici [...] sont des patriotes et des héros et qu'ils méritent mieux que Kash Patel ».
Le sénateur Adam Schiff (démocrate de Californie) a déclaré qu'il n'y avait pas de « meilleure agence de maintien de l'ordre que le FBI » et que Kash Patel n'avait pas le « caractère » et l'« intégrité » nécessaires pour diriger l'agence de renseignement intérieur.
(Article paru en anglais le 21 février 2025)