Le STTP continue de démobiliser les travailleurs de Postes Canada face au vaste plan de restructuration de la direction

Daniel Berkley est l'un des principaux membres du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP). Le CBTP a été créé en juin 2024 par les postiers pour prendre le contrôle de leur lutte contractuelle de la bureaucratie syndicale et l'élargir à une contre-offensive dirigée par les travailleurs contre l'austérité capitaliste. Remplissez le formulaire à la fin de l'article pour adhérer au CBTP ou pour nous informer de la situation sur votre lieu de travail.

Lors d'une conférence de presse tenue vendredi dernier, la présidente nationale du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Jan Simpson, a annoncé l'interdiction de livrer des circulaires publicitaires à compter du lundi 15 septembre. L'interdiction de livrer des circulaires commerciales, pour lesquelles les travailleurs postaux ne sont pas correctement rémunérés, remplace une interdiction de plus de trois mois sur les heures supplémentaires que le STTP avait lancée en mai dernier pour bloquer une grève totale de la base contre le plan de Postes Canada visant à restructurer radicalement le service postal aux dépens des travailleurs.

L'interdiction des prospectus publicitaires est populaire parmi de nombreux travailleurs postaux, parce qu'elle réduit les livraisons que nous effectuons pour un salaire quasi nul et réduit les charges que nous devons transporter. Mais du point de vue du développement de notre lutte contre la volonté de Postes Canada de détruire le service postal dans sa forme actuelle en éliminant la majorité des travailleurs à temps plein et en «amazonisant» nos conditions de travail, l'interdiction doit être comprise comme une autre tentative désespérée de la bureaucratie du STTP de freiner notre lutte.

En annonçant la dernière manœuvre du STTP, Simpson a justifié sa décision d'éviter une grève nationale en déclarant : «Nous voulons faire de notre mieux pour avoir le moins d'impact possible sur le public canadien.» Cette déclaration absurde met en lumière le rôle de classe du syndicat, qui est d'imposer les exigences du capital aux travailleurs. Dans ce processus, «l'impact sur le public canadien» que le STTP a en sabotant notre lutte est beaucoup plus dévastateur que tout inconvénient temporaire qui serait causé par une grève. Il s'assoit sur l'opposition massive de la base alors que le gouvernement libéral Carney, soutenu par les syndicats, abroge effectivement le droit de grève pour tous les travailleurs. Et il collabore, par le biais de son partenariat corporatiste avec le gouvernement, les dirigeants de Postes Canada et les entreprises canadiennes en général, à la destruction des conditions de travail des travailleurs des postes et à la mise en œuvre de suppressions massives d'emplois.

Le STTP est en train de faire échouer notre lutte. Si sa stratégie de démobilisation n'est pas contrecarrée par la base, elle aboutira inévitablement à une défaite qui créerait un précédent pour la destruction des emplois dans les secteurs public et privé, et pour la destruction des services publics à mesure que le gouvernement réoriente toutes les ressources de la société vers le réarmement, les cadeaux à l'oligarchie financière et la guerre. En tant que principal obstacle aux travailleurs des postes qui cherchent à faire de leur lutte le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière contre ce programme de guerre de classe, la bureaucratie du STTP contribue à créer des conditions de vie intolérables pour le «public canadien».

La lutte que mènent les postiers est d'une importance vitale pour tous les travailleurs du Canada, qu'ils soient du secteur public ou privé. Le droit de grève légal a été effectivement aboli, tandis que les conditions de travail se détériorent partout. Des questions fondamentales sur le rôle des nouvelles technologies d'automatisation et d'IA se posent sans détour pour les travailleurs postaux, mais elles concernent les travailleurs de pratiquement tous les lieux de travail. L'IA et les changements technologiques en général seront-ils utilisés au profit des travailleurs, en réduisant la charge de travail et en augmentant le niveau de vie ? Ou seront-ils utilisés au profit de la classe dirigeante capitaliste, en intensifiant l'exploitation des travailleurs afin d'accroître les profits, de fabriquer des armes plus meurtrières et de gonfler la fortune des milliardaires ?

Les agents de bord d'Air Canada en grève font du piquetage à l'aéroport international Pierre-Elliott Trudeau de Montréal

Le fait que la direction du STTP et l'ensemble de la bureaucratie syndicale canadienne se rangent du côté des patrons est mis en évidence par leur réponse à la position de défi adoptée par les agents de bord d'Air Canada, le mois dernier, à l'égard d'un ordre de retour au travail draconien du gouvernement, émis, comme celui qui a criminalisé notre grève en décembre dernier, en vertu de l'article 107 du Code canadien du travail.

Après avoir passé quatre semaines à ne presque rien dire sur la grève des agents de bord d'Air Canada, Simpson n'a pu prononcer que quelques mots lors de la conférence de presse de vendredi pour établir un lien entre nos luttes. Les travailleurs postaux, a-t-elle déclaré, «ne sont pas payés correctement pour le travail de livraison des prospectus, tout comme les travailleurs d'Air Canada ne sont pas payés pour toutes les heures qu'ils travaillent».

Cela ne tient pas compte de la position courageuse que les agents de bord ont adoptée en défiant le même gouvernement qui a mis fin à notre grève, ni du rôle traitre joué par leur syndicat, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), pour faire dérailler leur lutte.

La direction du SCFP a arbitrairement mis fin à la grève, après que des réunions en coulisses aient abouti à un contrat provisoire que la bureaucratie syndicale, y compris les hauts responsables du Congrès du travail du Canada (CTC), a universellement salué comme une grande «victoire» pour les grévistes. Le CTC a affirmé que l'issue de la grève démontrait les avantages de la «négociation à la table» par rapport aux interdictions de grève imposées par le gouvernement.

En fait, le SCFP a accédé à pratiquement toutes les demandes d'Air Canada, y compris un modèle de rémunération qui continuera de forcer les agents de bord à effectuer du travail au sol pour une fraction de leur taux de rémunération horaire au cours des quatre prochaines années. Pour s'assurer que la base ne puisse pas contrecarrer cette capitulation, le SCFP a conclu un accord avec Air Canada pour exclure cette partie de l'accord, ainsi que de nombreuses autres conditions d'emploi, d'un vote de ratification de la part de la base. Les bureaucrates du syndicat, avec leurs salaires à six chiffres, n'ont daigné laisser les agents de bord voter que sur la proposition salariale misérable, une « augmentation » de 17 % sur quatre ans. Il s'agissait d'une gifle après une décennie de conventions collectives dans le cadre desquelles le pouvoir d'achat des travailleurs avait été massivement érodé par l'inflation.

Les agents de bord ont rejeté l'offre salariale à plus de 99 %, lors d'un vote auquel 99,4 % des membres de la base ont participé. S'attendant sans doute à ce résultat, la bureaucratie du SCFP a convenu qu'en cas de vote négatif, les parties rejetées du contrat seraient envoyées à un arbitre nommé par le gouvernement pour qu'il prenne une décision contraignante.

Le STTP a gardé le silence pendant des semaines sur la lutte des travailleurs d'Air Canada, ne condamnant même pas l'interdiction de grève du gouvernement, et ce, pour deux raisons. Premièrement, pendant que les agents de bord défiaient le décret anti-grève, cela aurait conduit les membres de la base à exiger que nous nous joignions à eux dans une contestation conjointe de l'interdiction de grève du gouvernement. Simpson et les autres membres du Conseil exécutif national savaient très bien que les travailleurs des usines de tri et des dépôts de tout le pays suivaient attentivement l'évolution de la situation à Air Canada. La deuxième raison de leur silence était que l'action militante des agents de bord soulignait leur trahison de notre grève en décembre dernier, lorsque l'exécutif national du STTP nous a ordonné de retourner au travail sans aucun vote de la base, alors que les 55 000 travailleurs des postes urbains et ruraux étaient massivement favorables à défier l’ordre et que le gouvernement libéral de Trudeau était en crise.

L'appareil syndical tremble à l'idée d'une contre-offensive des travailleurs contre les intérêts des entreprises et des gouvernements, qui se développerait inévitablement comme une rébellion contre la bureaucratie et ses avantages corporatistes. Mais les conditions pour le développement d'un tel mouvement se développent rapidement. La semaine dernière, 10 000 travailleurs des collèges communautaires de l'Ontario ont entamé une grève pour lutter contre les attaques visant leur sécurité d'emploi et leurs salaires. Comme les postiers, ils ont intérêt à défendre le droit de grève. Mais ce droit, tout comme les conditions de travail et les salaires, ne peut être défendu sous la discipline des différentes bureaucraties syndicales.

Pour les postiers, l'interdiction de distribuer des prospectus est un coup monté pour cacher le fait que l'entreprise, soutenue par le gouvernement et les médias, a redoublé ses attaques contre nous. Plus nous restons démobilisés, plus la situation s’aggrave. Le 2 septembre, CityNews a interviewé Ian Lee, un ancien cadre de Postes Canada qui, depuis son poste de professeur d'université, agit comme consultant sur la meilleure façon de saccager les droits des travailleurs. Il a affirmé que «Postes Canada y va à petits pas, alors qu'il faudrait une chirurgie radicale», notamment en mettant fin à la livraison à domicile, en réduisant le service à un jour par semaine et en franchisant tous les comptoirs postaux de vente au détail (CPV). Lee a affirmé que ces mesures entraîneraient la suppression de 30 000 à 40 000 emplois sur les 55 000 que compte Postes Canada.

Il est illusoire de penser que les médias bourgeois prendront le parti des travailleurs si Postes Canada nous met en lock-out. Ces médias représentent les intérêts des entreprises. Cela a été démontré à maintes reprises, avec leurs attaques gratuites contre les travailleurs des postes parce qu'ils sont «paresseux», et leurs dénonciations de nos demandes légitimes comme étant «déraisonnables» et «farfelues». Les médias soutiennent le projet de l'élite dirigeante de faire des postiers un exemple afin d'intimider et d'écraser la résistance de la classe ouvrière au démantèlement des services publics, à l'austérité et à la guerre.

Le STTP est organiquement incapable de mener une lutte contre Postes Canada et le gouvernement libéral Carney. Faire traîner les négociations avec l'interdiction des circulaires est une demi-mesure pathétique, près de deux ans après l'expiration des conventions collectives. Cette manœuvre pourrie démontre que le STTP fait appel à la société et au gouvernement libéral, et non aux travailleurs qu'il prétend représenter. Les intérêts des travailleurs des postes s'opposent à ces forces. Nous voulons nous battre ! Nous avons voté la grève à 95 % en octobre dernier, et nous avons rejeté l’entente proposée par Postes Canada à 69 % en août dernier, dans des conditions où le STTP ne nous offrait aucune solution.

Pour lutter contre Postes Canada, le gouvernement libéral et les entreprises canadiennes, qui soutiennent tous la direction à bout de bras, il est impératif que les travailleurs des postes prennent la lutte en main en créant des comités de base dans chaque lieu de travail, réunis en un réseau sous la direction du Comité de base des travailleurs des postes. Ces comités auront pour tâche de faire avancer des revendications basées sur nos besoins, et non sur ce que l'entreprise prétend être abordable, et d'élargir notre lutte à d'autres sections de travailleurs confrontées aux mêmes menaces pour leurs emplois et leurs conditions de vie.

S'unir avec d'autres catégories de travailleurs pour défendre le droit de grève, les services publics et les conditions de travail pour tous est une nécessité urgente. Et les conditions pour développer ce mouvement sont favorables. Partout, les travailleurs en ont assez de la dégradation de leurs conditions de travail, de la stagnation et de la baisse des salaires, du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, des dizaines de milliards volés aux services publics pour financer la guerre et des méthodes de plus en plus autoritaires utilisées par la classe dirigeante, son État et ses «partenaires» syndicaux pour nous imposer des attaques. C'est pourquoi, pour faire aboutir nos revendications, nous devons nous armer d'un programme socialiste et internationaliste qui donne la priorité aux besoins des travailleurs, l'immense majorité de la population, sur l'accumulation de profits privés par les oligarques.

Si vous êtes prêt à vous joindre à cette lutte, remplissez le formulaire ci-dessous pour en savoir plus sur la manière de créer un comité de base sur votre lieu de travail.

(Article paru en anglais le 17 septembre 2025)

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