Avec mépris pour le peuple français, Macron a annoncé tard vendredi soir la reconduction de Sébastien Lecornu en tant que premier ministre, quelques jours à peine après sa démission lundi. La semaine de consultations de Macron avec les partis parlementaires et surtout avec le Nouveau Front Populaire (NFP) de Mélenchon s’est avérée être une farce réactionnaire.
La semaine dernière, les médias était dominés par des projets d’alliance gouvernementale entre des partis du NFP, notamment le PS, le PCF stalinien et les Verts, et Macron. Si Mélenchon et son parti populiste La France insoumise continuaient à exiger la destitution de Macron, les autres partis du NFP se sont vautrés dans des pourparlers avec le président des riches. Ils ont tous couru à l’Elysée pour demander à Macron qu’il leur ouvre les portes du pouvoir.
Vendredi après-midi, pourtant, ils ont été pris de court quand Macron a rejeté leurs propositions, alors même que le NFP était arrivé en premier aux dernières élections législatives de juillet 2024. «Nous sortons de cette réunion sidérés», a déclaré la dirigeante des Verts, Marine Tondelier. «Nous n’avons eu aucune réponse, si ce n’est que le premier ministre qui sera nommé dans les heures prochaines ne sera pas de notre camp politique.»
A 22h mercredi, sans plus d’explications, l’Elysée a publié un communiqué laconique, consistant en une phrase: «Le Président de la République a nommé M. Sébastien LECORNU Premier ministre, et l’a chargé de former un Gouvernement.»
Ainsi Macron et l’oligarchie capitaliste profitent de la faillite politique du NFP pour le mettre devant un choix empoisonné. Mélenchon insiste que l’opposition à Macron ne peut pas prendre la forme de luttes de classe révolutionnaires, mais doit être une «révolution populaire» canalisée à travers le parlement. Macron leur donne donc le choix entre soit soutenir un gouvernement haï sous Lecornu faisant une politique d’austérité et de militarisation de la société, et rejoindre le RN pour censurer Lecornu et forcer des élections que le RN aborde en position de force.
Les dirigeants du RN ont réagi en promettant de censurer le nouveau gouvernement Lecornu, que le président du RN Jordan Bardella a dénoncé comme un «attelage» politique «sans avenir.» Le PS, les Verts, le PCF et LFI menacent tous aussi de censurer le gouvernement Lecornu, qui serait condamné mathématiquement à chuter dans l’Assemblée si ces partis mettent leur menace à exécution. La tenue de nouvelles élections se profile à court terme.
Actuellement, les sondages indiquent que le RN et la droite LR pourraient ensemble obtenir une courte majorité du vote dans de nouvelles élections législatives. En plus, des fractions du parti de Macron, tels que son ancien premier ministre Edouard Philippe, qui appelle à présent à la démission de Macron, mènent aussi des pourparlers sur un éventuel gouvernement RN. En clair, les préparatifs par l’élite dirigeante d’une dictature néofasciste sont à un stade très avancé.
Les dirigeants du NFP évoquent leur découragement face à une victoire néofasciste présentée comme inévitable. C’était notamment le contenu des remarques de Tondelier vendredi soir.
Elle a dit: «Le terreau électoral du RN c’est la désespérance sociale. C’est le fait de voir que voter, ça sert à rien, que Macron ça sert à rien. Les gens qui ont voté pour nous, quand on est arrivé en tête, se disent, ‘Ils n’ont même pas gouverné’. Vous voyez bien ce que ça peut créer dans l’opinion. Emmanuel emmène tout le monde, tout le pays dans un endroit très dangereux. Je ne lui pardonnerai jamais, parce qu’on va se réveiller avec l’extrême-droite à Matignon, ou à l’Elysée. Tout ça va très mal se terminer.»
Le triomphe du néofascisme n’est aucunement inévitable, mais il est impossible de l’empêcher sans lutter pour rompre l’influence du NFP et des bureaucraties syndicales sur la classe ouvrière. Une énorme colère ouvrière existe contre Macron, les travailleurs rejettent unanimement sa politique de régression sociale, et les appels circulent à bloquer tout par la grève générale pour faire chuter Macron. Mais les directions syndicales n’ont même pas fixé une prochaine journée d’action contre Macron et sa tentative de gouverner contre le peuple.
Démobilisant l’opposition ouvrière après avoir sifflé la fin de la lutte en 2023 contre la réforme des retraites universellement rejetée par les travailleurs, ils font le terreau électoral du RN.
Une stratégie révolutionnaire, passant par l’organisation et la mobilisation des travailleurs à la base, dans des comités d’action est nécessaire pour bâtir un mouvement ralliant l’écrasante majorité des Français hostiles à l’austérité, à la guerre à outrance et à la dictature. La perspective à terme de cette mobilisation ne peut être que l’expropriation de l’oligarchie capitaliste, qui pousse à la dictature d’extrême-droite à l’échelle internationale, par la révolution socialiste.
La bourgeoisie française veut défendre sa richesse et sa position internationale via la guerre et une vaste rétrogression des conditions de vie de la classe ouvrière. Sa politique suit l’essentiel de l’orientation indiquée par Trump à Washington. Alors que Trump limoge des fonctionnaires en masse et menace d’éliminer des programmes sociaux de base, il envoie des troupes occuper les villes américaines de Los Angeles à Chicago et Washington avec autorisation de tirer sur le peuple, et notamment sur des manifestation anti-Trump de masse «Pas de rois» prévues pour le 18.
Les relations de classe ne sont pas fondamentalement différentes en Europe qu’aux USA. Les ordres des marchés financiers internationaux au gouvernement français ont été formulés dans un article récent du Washington Post, journal de la capitale américaine, dans un article intitulé «La haute qualité de vie européenne est difficile à financer, voyez la France.» Face à la crise de la dette, il appelle à une confrontation avec la Russie et la China et une cure d’austérité.
Europe, selon le Post, est «prise entre une menace russe agressive et un président américain instable qui impose des droits de douane à ses alliés et change de politique de sécurité d’un jour à l’autre. … En même temps, la France et l’Allemagne sont face au défi économique croissant posé par la Chine, qui peut rivaliser avec l’industrie européenne et notamment des produits importants comme les voitures électriques allemandes et les centrales nucléaires françaises.»
Le Post a conclu, «Le coût du train de vie européen—des soins médicaux, une éducation qu’on peut se payer, des retraites dignes qui tous exigent des dépenses sociales élevées—devient ingérable.»
La conclusion qui s’ensuit pour l’oligarchie capitaliste n’est pas difficile a identifier. Si les besoins sociaux posent une menace ingérable au financement de leurs fortunes obscènes, ils voudront refuser les soins, l’éducation nationale et des retraites dignes aux masses. De là découle la nécessité d’une dictature fascisante pour réprimer l’opposition de masse qui existe à la régression sociale et à la politique de guerre à outrance contre la Russie.
La seule perspective viable est la mobilisation internationale de la classe ouvrière contre les tentatives accélérées de l’oligarchie capitaliste d’imposer la dictature. Comme l’a explique le Parti de l’égalité socialiste dans sa déclaration « Quelle voie à suivre pour la classe ouvrière après la chute du gouvernement français?»,
Deux alternatives se présentent: soit l’oligarchie capitaliste construit une dictature pour écraser les travailleurs, soit la classe ouvrière mène une lutte révolutionnaire pour exproprier les oligarques. Il faut briser le carcan des bureaucraties syndicales et construire de véritables organisations de la base pour mener la lutte des classes.
L’Alliance ouvrière internationale des comités de la base ( The International Workers Alliance of Rank-and-File Committees : IWA-RFC ) appelle au transfert du pouvoir des bureaucraties syndicales aux travailleurs sur tous les lieux de travail. De telles formes nouvelles d’organisation de classe, unissant les travailleurs en France et de toute l’Europe, sont nécessaires pour organiser la résistance et vaincre le programme de fascisme, de génocide et de guerre de l’oligarchie capitaliste.