À la veille de ce qui s’annonce être une entente de capitulation entre le STTP et Postes Canada, quelle est la voie à suivre pour les postiers ?

Des postiers en grève manifestent à Ottawa le 29 septembre

Daniel Berkley est postier et membre influent du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP). Pour contacter le CBTP, écrivez à canadapostworkersrfc@gmail.com ou remplissez le formulaire à la fin de cet article.

Plusieurs médias rapportent que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) est sur le point de conclure un accord avec Postes Canada qui entraînerait d’immenses attaques contre nos emplois et nos conditions de travail.

Une nouvelle ronde de négociations a débuté le lundi 3 novembre, le STTP publiant une déclaration qui louait l'aide offerte par un médiateur nommé par le gouvernement et proclamait la volonté de la bureaucratie syndicale de « trouver des moyens de résoudre les désaccords entre les parties » et « de conclure, par la négociation, des conventions collectives que les membres accepteront de ratifier ».

Dans un communiqué séparé, le syndicat a poliment demandé au gouvernement libéral pro-patronal, qui a donné son plein appui aux plans visant à éliminer les deux tiers des 55 000 employés de Postes Canada, « de veiller à ce que toute décision [...] soit prise [...] avec la participation du syndicat ». Afin de garantir sa place à la table des négociations et de protéger ses liens corporatistes anti-ouvriers avec la direction et le gouvernement, le STTP est prêt à contribuer au démantèlement de la poste en tant que service public et à la transformation de la fraction restante de ses membres en travailleurs précaires à la manière d'Amazon.

Les derniers développements posent des tâches urgentes aux travailleurs postaux, et en fait à tous les travailleurs du secteur public à travers le Canada. L'ancien banquier central et actuel Premier ministre Mark Carney a clairement indiqué que son gouvernement libéral considère la destruction de Postes Canada sous sa forme actuelle comme un terrain d'essai pour les types d'attaques que la classe dirigeante prévoit de lancer contre tous les travailleurs afin d'intensifier l'exploitation, d'accroître encore la fortune de l'oligarchie financière et de préparer l'impérialisme canadien à la guerre.

Les travailleurs des postes doivent donc immédiatement affirmer leurs intérêts de classe indépendants en opposition à la bureaucratie syndicale qui cherche à servir de co-gestionnaire dans l'imposition de suppressions d'emplois et le démantèlement des droits des travailleurs. Pour ce faire, nous avons besoin de nos propres organisations, de comités de base – dirigés par nous et présents dans chaque centre de tri postal, dépôt et bureau de poste – afin d'étendre notre lutte à d'autres secteurs de travailleurs et de la transformer en un mouvement politique de masse contre l'austérité capitaliste.

À chaque tournant, la direction du STTP est intervenue pour nous confiner dans le système de négociation collective truqué par l'État et favorable aux employeurs. C'est un élément clé de la stratégie de la bureaucratie syndicale visant à bloquer systématiquement tous les efforts visant à mobiliser la classe ouvrière canadienne et internationale en notre soutien. Cette politique d'isolement de notre grève a été soutenue par l'ensemble de la bureaucratie syndicale, menée par le Congrès du travail du Canada et Unifor, qui sont des partenaires clés du gouvernement libéral lui-même qui mène l'offensive contre nous.

Ce fait a été résumé par la réponse du STTP au budget fédéral présenté mardi, qui augmente les dépenses militaires de plus de 80 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et prévoit la suppression d'au moins 40 000 emplois dans le secteur public. La direction du STTP a salué Carney pour s'être engagé à « protéger les services publics chers à la population canadienne, comme le régime universel de soins de santé » et a offert sans conviction, sans proposer la moindre mesure concrète, « notre soutien et notre solidarité à nos consœurs et confrères et à leurs syndicats touchés » par les plans du gouvernement visant à supprimer des emplois, des services et de l’aide sociale dans le secteur public.

Lorsque le gouvernement libéral a unilatéralement interdit notre grève en décembre dernier, la présidente du STTP, Jan Simpson, et le Conseil exécutif national ont contribué à faire respecter l'ordre de retour au travail et ont affirmé que la Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT) du gouvernement offrait une occasion de « faire entendre notre voix ». Tous les postiers ont immédiatement compris que la CERT était truquée en faveur de la direction et qu'elle produirait, comme on pouvait s'y attendre, un plan visant à détruire des dizaines de milliers d'emplois à temps plein et à étendre l'utilisation de la technologie de l'IA afin d'alourdir encore davantage la charge de travail déjà pénible des travailleurs et d'augmenter les profits des entreprises, au lieu d'exploiter les nouvelles capacités technologiques pour faciliter notre travail sans perte de salaire.

Le syndicat espère que nous avons la mémoire courte, car le gouvernement et l'entreprise s'appuient directement sur les conclusions de la CERT pour nous attaquer !

Un bilan de sabotage

Le STTP a déjà mis fin à notre deuxième grève nationale en moins d'un an, et cette fois-ci, le gouvernement n'a même pas eu besoin de rendre une ordonnance de retour au travail. La seule raison pour laquelle les activités de Postes Canada ont de nouveau été interrompues par une grève est que les travailleurs de la poste ont spontanément débrayé en réponse à l'annonce faite le 25 septembre par le ministre de la Transformation gouvernementale, Joel Lightbound, selon laquelle le gouvernement ordonnait à la direction de mettre immédiatement en œuvre toutes les propositions de la CERT visant à restructurer radicalement Postes Canada aux dépens des travailleurs.

Deux semaines plus tard, et une fois de plus sans consulter les membres, le STTP a arbitrairement réduit la grève à des grèves tournantes inefficaces, qui ont généralement lieu dans de petites localités rurales ou qui n'ont d'incidence que sur une fraction des livraisons de courrier, comme le « publipostage sans adresse ».

De nombreux postiers, ayant subi les trahisons répétées de la direction du STTP, ne considèrent pas qu'une grève prolongée, menée de manière isolée et sous la forme d'une lutte collective traditionnelle, soit une solution.

Des travailleurs postaux font du piquetage devant le centre de traitement Albert Jackson, dans l'est de Toronto, pendant la grève d'un mois de l'automne dernier. Lorsque le gouvernement libéral l'a déclarée illégale, en utilisant une « réinterprétation » fallacieuse d'une section obscure du Code canadien du travail, la direction du STTP a ordonné unilatéralement aux travailleurs de se soumettre à l'ordre de retour au travail, malgré le puissant sentiment de la base en faveur de la désobéissance.

En réalité, si les travailleurs de la poste prenaient en main la direction de la lutte et faisaient d'une grève nationale le fer de lance d'une contre-offensive sociale et politique de la classe ouvrière, nous rallierions un immense soutien au Canada et à l'échelle internationale. En effet, nous nous battons pour des questions d'une importance vitale pour tous les travailleurs :

  • la défense des services publics et des emplois et droits des travailleurs qui les administrent ;
  • la défense du droit de grève ;
  • le contrôle des travailleurs sur l'IA et les autres nouvelles technologies afin de garantir qu'elles soient utilisées pour améliorer les services publics et la vie des travailleurs, et non pour maximiser les profits, renforcer la surveillance sur le lieu de travail et fabriquer des armes de guerre plus meurtrières.

Mais à chaque étape, le STTP, le CTC et leurs alliés du NPD font tout pour isoler notre grève et poussent les travailleurs à lancer des appels futiles au gouvernement pour qu'il change de cap, garantissant ainsi que notre sacrifice sur les piquets de grève ne serve à rien.

Au cours de la grève nationale de deux semaines qui s'est déroulée fin septembre / début octobre, les travailleurs de Postes Canada ont mis en place des piquets de grève chez Purolator, une filiale détenue à 91 % par la société d'État. Mais le STTP n'a rien fait pour encourager les travailleurs de Purolator, qui travaillent dans des conditions pires que les nôtres, à se joindre à notre grève nationale. C'était juste une autre façon pour le STTP de nous permettre de nous défouler et d'exprimer notre colère face à un conflit d'intérêts évident. Le PDG de Postes Canada, Doug Ettinger, siège au conseil d'administration des deux sociétés.

Purolator continue d'absorber le travail supplémentaire généré par notre grève, tout comme d'autres entreprises de logistique opérant au Canada. Ce sont ces travailleurs qui ont le plus directement intérêt à notre lutte, et ce sont eux qui devraient être les premiers à répondre à notre appel à se joindre à nous dans une vaste contre-offensive de la classe ouvrière.

Quand il s'agit de protéger et d'augmenter les profits des grandes entreprises au détriment des travailleurs, les intérêts de Postes Canada et du gouvernement libéral sont les mêmes.

Pourtant, le STTP continue d'affirmer que le gouvernement a été dupé par la direction pour nous attaquer, tout comme il affirme depuis des années que les travailleurs peuvent défendre leurs intérêts en soutenant les libéraux pro-patronat plutôt que les conservateurs. À ce jour, alors même que les libéraux imposent le programme de Pierre Poilievre et de ses conservateurs d'extrême droite, le STTP et le CTC continuent de promouvoir le mensonge selon lequel les libéraux sont le « moindre mal », voire un « allié progressiste ».

Le gouvernement Carney exige de notre employeur qu'il mette rapidement en œuvre des technologies et des politiques visant à supprimer des dizaines de milliers d'emplois, intensifiant radicalement l’exploitation de ceux qui restent. Et quelle est la réponse du STTP ? Que nous devrions envoyer des lettres de protestation fermes ou appeler notre député. Ces mesures proposées visent à détourner l'énergie des postiers vers des voies inoffensives, tout en soutenant un gouvernement libéral largement impopulaire qui s'en prend à tous les travailleurs pour financer la guerre et enrichir les oligarques canadiens.

Pour un mouvement de masse des travailleurs contre l'austérité capitaliste et la guerre

Une véritable contre-offensive ferait de notre grève le catalyseur d'une mobilisation plus large de tous les travailleurs, du secteur public comme du secteur privé, contre les inégalités sociales et pour la défense de tous les services publics, du droit de grève et du contrôle des travailleurs sur l'utilisation des nouvelles technologies.

Les postiers, et les travailleurs canadiens en général, ont attendu en vain que les bureaucraties syndicales, menées par le CTC, viennent à leur défense. Au cours des quatre dernières décennies, la bureaucratie syndicale s'est imposée comme une division du patronat et de l'État, jouant un rôle central dans l'imposition d'une série de reculs aux travailleurs. En accord avec le CTC, la direction du STTP agit pour subordonner les intérêts des travailleurs des postes à ceux de la classe dirigeante canadienne.

Les intérêts de ces multimillionnaires et milliardaires sont hostiles à nos intérêts. Le premier ministre Carney a clairement exprimé ses intentions : réduire les services publics pour financer les profits obscènes et l'appétit guerrier de l'élite dirigeante.

Pourtant, les responsables du STTP tentent de nous faire croire que les intérêts du gouvernement libéral correspondent aux nôtres. Il suffirait d'envoyer davantage de courriels.

Il existe une opposition de masse à la situation actuelle, mais cette opposition doit être organisée et imprégnée d'une perspective socialiste ! Sans les travailleurs, rien ne peut être accompli. Nous devons transformer notre grève en un mouvement plus large mobilisant le pouvoir social de la classe ouvrière dans son ensemble.

Notre lutte s'inscrit dans le cadre de l'intensification de l'opposition de la classe ouvrière, au Canada et à l'échelle internationale, à l'ordre social et politique actuel, caractérisé par des inégalités sociales flagrantes, la destruction des services publics et des droits des travailleurs, une explosion du militarisme et de la guerre, et un virage de la classe dirigeante vers des formes de gouvernement dictatoriales. Cette opposition s'exprime par l'expansion continue des grèves cette année au Canada et par les manifestations de masse « No Kings » contre la volonté de Trump d'établir une dictature fasciste aux États-Unis. Cette réalité politique contredit la tentative du STTP de persuader les travailleurs des postes que nous menons une lutte isolée, seuls.

La clé est de comprendre que pour que les travailleurs puissent faire valoir leurs intérêts de classe, nous devons nous libérer des appareils syndicaux corporatistes, construire de nouvelles organisations de la base sous notre direction et mener une lutte de classe politique. Le gouvernement libéral a déclaré la guerre aux travailleurs postaux, et nous devons à notre tour mener une guerre de classe contre lui, en développant une résistance de masse de la classe ouvrière contre le programme « d'austérité et d'investissement » de Carney et en développant un mouvement de masse pour que les travailleurs prennent le pouvoir.

Le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), affilié à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), ne dirigera pas la colère justifiée des travailleurs vers des appels désespérés à un gouvernement qui nous attaque. Dans sa déclaration d'août, le CBTP a fait valoir que notre grève « doit devenir le point de départ d'une lutte renouvelée, fondée sur une stratégie entièrement nouvelle [...] contre l'austérité capitaliste et la guerre [...] Cela nécessite l'organisation d'une lutte nationale contre le programme d'austérité du gouvernement Carney et contre la restructuration pro-patronale de Postes Canada. »

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