L’UAW annonce aux travailleurs de Caterpillar qu’il ne distribuera pas le contrat complet aux réunions d’information: «C’était un show de propagande avec de l’intimidation passive-agressive».

Alors que le vote de ratification ce week-end de l’accord de principe conclu entre le syndicat de l’automobile UAW (United Auto Workers) et Caterpillar approche à grands pas, les travailleurs sont confrontés à l’obstruction de la bureaucratie aux «réunions d’information» organisées cette semaine pour discuter de la proposition de contrat défendue par l’UAW.

L’UAW a annoncé que le vote sur la proposition de contrat aurait lieu samedi et dimanche pour les travailleurs de Peoria et de Decatur, dans l’Illinois. Les travailleurs de Decatur ont été dispersés en plusieurs réunions de lundi à vendredi cette semaine avant le vote du week-end, les empêchant d’exprimer leurs préoccupations en masse.

À Peoria, les réunions d’information et les heures de vote ont été programmées pour le week-end, et les travailleurs n’ont pratiquement pas eu le temps de discuter, même des «points forts» limités que le syndicat leur a remis.

Les travailleurs de Caterpillar qui ont assisté à des réunions à Decatur mardi ont signalé que les responsables locaux de l’UAW refusaient de distribuer le contrat complet, sous prétexte qu’il serait « fuité» en ligne. Ils ont dit aux travailleurs qu’il y avait une copie du contrat complet, qui fait plus d’une centaine de pages, au local syndical et que les travailleurs pouvaient lire, mais qu’il ne serait pas distribué sous forme numérique.

En réponse, les travailleurs demandent à savoir ce que l’entreprise et la direction syndicale ont à cacher car les réunions d’information se composent de dérobades et de menaces lorsque les travailleurs posent des questions.

«La réunion d’aujourd’hui à Decatur n’était qu’un show de propagande accompagné d’intimidation passive-agressive alors que la direction locale de l’UAW essayait de vendre un mauvais contrat à des gens qui travaillent dur», a déclaré un travailleur au World Socialist Web Site.

«C’était essentiellement une séance: accepte, accepte, accepte, sinon… Ils disaient aux gens que si ce contrat n’était pas voté, ils délocaliseraient l’usine. Ou bien ils disaient: Vote pour ça, ou vous n’aurez pas la prime de signature».

La bureaucratie de l’UAW met régulièrement un pistolet sur la tempe des travailleurs en leur disant qu’ils doivent accepter des concessions pour «sauver les emplois». Mais une longue expérience montre que les promesses de moratoires sur les fermetures d’usines ne valent rien et que les concessions n’ont jamais sauvé d’emplois.

Tout récemment, Stellantis a annoncé qu’il fermerait indéfiniment son usine d’assemblage de Belvidere (Illinois) alors que le contrat  2019 prévoyait un soi-disant moratoire sur la fermeture d’usines. La lutte pour la défense des emplois et la prévention des fermetures d’usines est liée à la lutte pour plus de salaire et d’autres améliorations.

En outre, les travailleurs de la base de Caterpillar qui ont demandé plus de détails sur l’ensemble de l’accord, au-delà des «points forts», ont été ignorés à maintes reprises.

Un autre travailleur de Decatur a confirmé que les responsables syndicaux esquivaient les questions et donnaient le moins possible d’informations. «Ils font des appels à faire des petits pas et utilisent le langage du “c’est à prendre ou à laisser” pour forcer les travailleurs à accepter un mauvais accord. Ils ont parcouru rapidement les deux dernières pages des “points forts” et ont cessé de répondre aux questions».

«Ils ont également utilisé un langage passif en parlant du contrat. Ils ont laissé entendre “nous ne sommes pas fiers de ce contrat, mais c’est le mieux qu’on puisse faire pour l’instant”. Ils ont même dit que nous ne pouvions pas obtenir tout que nous voulions. Si nous adoptons ce contrat maintenant, nous pourrons essayer d’obtenir plus pour le prochain, et celui d’après». Comme si les négociations avaient lieu tous les six mois et pas tous les six ans!»

Un travailleur chevronné de Peoria a ajouté: «Ils ont dit cela à chaque contrat depuis que je suis là, c’est-à-dire depuis 28  ans. Ma patience est à bout».

En réponse au black-out de la bureaucratie de l’UAW, le comité des travailleurs de la base de Caterpillar a publié hier une déclaration: « Montrez-nous l’intégralité du contrat Caterpillar-UAW! Les travailleurs ont le droit de savoir ce que contient l’accord ».

La déclaration du comité a les revendications suivantes pour la distribution immédiate du contrat complet:

  1. L'intégralité du contrat proposé, y compris tous les ajouts et suppressions et toutes les 'lettres d'accord', doit être mise en ligne et rendue accessible à tous les travailleurs.
  2. Nous devons disposer d'une semaine supplémentaire pour étudier et discuter ce document long et complexe avant de le voter.
  3. Il faut organiser des assemblées générales de sections locales entières afin que les travailleurs puissent disposer de la plus grande discussion et remise en question critique possibles de l’accord et pour garantir que les besoins de tous les travailleurs soient satisfaits. Nous avons le droit qu’on réponde à nos questions sur chaque détail, chaque ligne et chaque signe de ponctuation de ce contrat.
  4. Si ces demandes ne sont pas satisfaites, les travailleurs de CAT devraient rejeter cet accord par principe. Ce ne sont pas seulement nos intérêts qui sont en jeu – ce contrat affectera nos familles, nos retraités, la prochaine génération, et les travailleurs d’autres entreprises.

Les «points forts» publiés par Caterpillar et l’UAW se résument jusque là à quelques pages tout au plus et comprennent des concessions majeures et une attaque des salaires réels des travailleurs. Cela comporte une hausse de salaire de 19 pour cent sur six ans, ce qui équivaut à une baisse de salaire de 20 pour cent si le taux d’inflation actuel se maintient, ainsi qu’une hausse des primes de soins de santé pour les travailleurs actifs et retraités.

Étant donné qu’il s’agit là des «points forts», les travailleurs soupçonnent à juste titre que le contrat complet contiendra de nombreux «points faibles» et d’autres attaques encore dissimulées dans le langage avocassier de ce type de contrat.

Pendant la grève des travailleurs de John Deere, les dirigeants de l’UAW avaient publié une partie importante du contrat complet après que les travailleurs eurent demandé à l’étudier. Quand ils ont eu la possibilité de l’étudier dans son intégralité, ils l’ont rejeté à plus de 90  pour cent.

En s’opposant aux «points forts» du contrat actuel, le comité des travailleurs de la base de Caterpillar continue de réitérer sa stratégie et ses revendications. Notamment, une augmentation de salaire de 50  pour cent pour tous les travailleurs pour compenser des décennies de pertes de salaire et une inflation croissante ; des indemnités de vie chère ; la fin du système à deux paliers avec annulation immédiate des gels de salaires d’après 2005 ; une amélioration des soins de santé ; le rétablissement des pensions et un contrat de deux ans en vue de fortes mutations économiques.

Les travailleurs de Caterpillar ont le droit d’exiger tout cela et bien plus, vu que l’entreprise a réalisé plus de 18  milliards de dollars de bénéfices rien qu’en 2022 et qu’on a distribué des milliards aux actionnaires sur le dos du travail des ouvriers de Caterpillar. La crise du coût de la vie pousse des millions de travailleurs à lutter dans le monde entier car ils ne peuvent plus faire face à la flambée des prix de l’alimentation, des loyers, de l’électricité, etc.

Pour mener cette lutte, les travailleurs de Caterpillar au sein de l’UAW ont de nombreux alliés, dans les usines non syndiquées et à l’international ; chez les travailleurs de l’automobile et des pièces détachées, chez ceux d’UPS, chez les cheminots, les enseignants et d’autres secteurs de la classe ouvrière qui se préparent à leurs propres luttes contractuelles cette année.

(Article paru d’abord en anglais le 9 March 2023)

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