Les événements de ces derniers jours marquent une nouvelle étape dans l'escalade militaire impérialiste contre la Russie et les préparatifs d'une troisième guerre mondiale. Les réunions du Conseil européen à Bruxelles jeudi et de la «Coalition des volontaires» à Londres vendredi n'étaient pas de simples rencontres diplomatiques, mais des sommets de guerre. Ensemble, ils ont approuvé de nouvelles sanctions, une aide militaire supplémentaire à l'Ukraine et une «Feuille de route pour la préparation de la défense 2030» qui définit un plan quinquennal de militarisation de l'ensemble du continent.
Parallèlement, Washington a intensifié sa participation directe. Le gouvernement Trump a levé d'importantes restrictions sur l'utilisation par l'Ukraine de missiles à longue portée fournis par l'Occident, permettant ainsi à Kiev de frapper en profondeur le territoire russe. Mardi, l'Ukraine a utilisé un missile de croisière Storm Shadow fourni par le Royaume-Uni pour attaquer une usine de Briansk produisant des explosifs et du carburant pour fusées. L'état-major ukrainien a célébré cette «réussite». De telles opérations risquent de déclencher une confrontation ouverte entre les puissances de l'OTAN et la Russie, qui pourrait rapidement dégénérer en échange nucléaire.
Les États-Unis et leurs alliés européens intensifient délibérément le conflit. Washington et Londres ont annoncé de nouvelles sanctions contre les plus grands producteurs russes de pétrole et de gaz, Rosneft et Lukoil, tandis que l'Union européenne a convenu d'intensifier sa propre guerre économique. Le sommet de Bruxelles a décidé d'étendre les interdictions d'exportation de biens à double usage, de restreindre l'accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, d'interdire l'accès de 117 navires de la «flotte fantôme» russe aux ports de l'UE et d'imposer de nouvelles restrictions financières et de voyage aux diplomates russes. D'ici 2027, l'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) russe sera totalement interdite, soit un an plus tôt que prévu.
Plus provocateur encore est le projet de l'UE de saisir et de réaffecter les avoirs gelés de la banque centrale russe au financement d'armes destinées à l'Ukraine. Malgré les objections juridiques de la Belgique, le Conseil européen a chargé la Commission de «présenter une proposition dans les meilleurs délais». Il s'agit là ni plus ni moins d'un acte de vol international: une expropriation impérialiste qui signale à chaque nation du monde que ses réserves ne sont pas en sécurité si elles entrent en conflit avec les intérêts occidentaux.
La déclaration du Conseil européen sur l'Ukraine se vante que l'UE a déjà débloqué 177,5 milliards d'euros depuis 2022 et «s'engage à répondre aux besoins financiers urgents de l'Ukraine pour 2026-2027, y compris pour ses efforts militaires et de défense». Des centaines de milliards supplémentaires suivront.
La prétendue «Feuille de route pour la défense à l'horizon 2030 », présentée en marge du sommet, précise clairement à quoi servira cet argent. Elle s'ouvre par cette déclaration:
«La réactivité de la défense implique de développer et d'acquérir les capacités nécessaires à la guerre moderne. Cela signifie garantir que l'Europe dispose d'une base industrielle de défense qui lui confère un avantage stratégique et l'indépendance nécessaire. Et cela signifie être prête à proposer des innovations de pointe et une production rapide et massive aux moments critiques.»
C’est là un plan d’action pour une économie de guerre européenne: une mobilisation coordonnée de l'industrie, de la finance et de la technologie pour l'armement de masse. «La nécessité d'accélérer et d'intensifier les efforts», indique la Feuille de route, «reflète les dangers croissants d'aujourd'hui».
La Russie est identifiée comme l’ennemi principal et qualifiée de «menace persistante pour la sécurité européenne dans un avenir prévisible», mais la portée du document est mondiale:
«La préparation de l'Europe doit s'inscrire dans un contexte mondial plus large, avec une approche à 360°. […] Nous ne pouvons ignorer les menaces provenant d'autres régions du monde: de Gaza et du Moyen-Orient à plusieurs conflits latents ou ouverts en Afrique, des tensions croissantes en Asie-Pacifique à l'Arctique».
Autrement dit, l'UE se prépare à une guerre à l’échelle mondiale pour défendre ses intérêts économiques et géostratégiques indépendamment des États-Unis. Elle note explicitement que «les alliés et partenaires traditionnels se tournent vers d'autres régions du monde» et conclut que «la posture et les capacités de défense de l'Europe doivent […] être prêtes pour les champs de bataille de demain, en phase avec l'évolution de la nature de la guerre».
La Feuille de route fixe des objectifs quantitatifs comparables aux programmes de réarmement des années 1930. Elle célèbre la hausse des dépenses militaires européennes, passées de 218 milliards d'euros en 2021 à 392 milliards d'euros en 2025, et appelle à une nouvelle accélération. Dans le cadre du programme «Réarmer l'Europe», jusqu'à 800 milliards d'euros seront mobilisés pour l'armement grâce à de nouveaux mécanismes de financement, tels que l'instrument SAFE. Les engagements pris lors du sommet de l'OTAN de juin d'atteindre un objectif de dépenses de défense de 3,5 pour cent du PIB d'ici 2035 nécessiteront au moins 288 milliards d'euros supplémentaires par an.
Ces sommes astronomiques ne peuvent être financées que par une austérité brutale, la destruction des services sociaux et le pillage des fonds publics. «La préparation à la défense», explique le document, exige non seulement des fonds et des armes, mais aussi la réorganisation de l'ensemble du continent pour la guerre. Sous la rubrique «Vers une zone de mobilité militaire à l'échelle de l'UE», on propose:
«D'ici fin 2027, une zone de mobilité militaire sera mise en place à l'échelle de l'Union européenne, dotée de règles et de procédures harmonisées et d'un réseau de couloirs terrestres, d'aéroports, de ports maritimes et d'éléments de soutien garantissant le transport sans entrave des troupes et du matériel militaire dans toute l'Union, en étroite coordination avec l'OTAN. »
L'objectif est de transformer l'Europe en un champ de bataille unique – une zone logistique intégrée où troupes et blindés peuvent circuler librement de la Baltique à la mer Noire. Les infrastructures civiles sont subordonnées aux besoins militaires. Des exercices tels que Red Storm Bravo à Hambourg, qui ont permis de mettre en pratique le déplacement de dizaines de milliers de soldats de l'OTAN et le déploiement de soldats contre des manifestants pacifistes, anticipent déjà la dimension intérieure de cette militarisation: la répression de l'opposition interne.
L'Allemagne est à l'avant-garde de cette transformation. Avec le soutien des Verts et du Parti de gauche, la coalition au pouvoir a mis en place un plan de réarmement de mille milliards d'euros. Le budget de la défense pour 2025 s'élève à 86,5 milliards d'euros – plus qu'à tout autre moment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – et devrait dépasser les 150 milliards d'euros d'ici 2029, soit environ 3,5 pour cent du PIB. Si l'on inclut les dépenses d'infrastructures liées à la «préparation militaire», le total des dépenses liées à la guerre atteindra 5 pour cent du PIB, soit environ 215 milliards d'euros par an.
Des dizaines de milliers de nouveaux postes militaires et civils sont créés et le service militaire obligatoire sera rétabli. Des milliards sont investis dans la production d'avions de combat, d'hélicoptères de transport, de nouveaux chars, de véhicules blindés, de navires de guerre, de drones, de systèmes de missiles et même d'un commandement spatial spécialisé. Le chancelier Friedrich Merz a ouvertement déclaré son objectif de faire de l'Allemagne «l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe».
Cette politique rappelle les préparatifs de l'impérialisme allemand dans les années 1930, lorsque la course au réarmement et à la domination mondiale exigeait l'instauration d'un régime fasciste, la destruction des droits démocratiques et la répression de la classe ouvrière. La même logique s'impose à nouveau. Partout en Europe, les élites dirigeantes cultivent les forces fascistes – Farage en Grande-Bretagne, Le Pen en France, Meloni en Italie et l'AfD en Allemagne – pour réprimer la colère sociale et préparer la guerre.
Les tendances objectives sont indéniables. L'intégration de l'UE, de l'OTAN et de l'industrie de l'armement au sein d'un appareil de guerre unifié va de pair avec le virage vers des régimes autoritaire. L'atteinte aux droits démocratiques, la criminalisation des manifestations contre le génocide de Gaza et la militarisation des forces de police reflètent la crainte de la classe dirigeante d'une opposition de masse.
Les contradictions qui poussent l'impérialisme à la guerre – avant tout la profonde crise du système capitaliste – créent également les conditions d'un bouleversement révolutionnaire. La vaste réaffectation des richesses pour financer le réarmement, la destruction du niveau de vie et le danger toujours croissant d'une annihilation nucléaire susciteront la résistance de toute la classe ouvrière. Aux États-Unis, plus de 7 millions de personnes ont participé aux manifestations «No Kings» contre la politique fascisante de Trump le 18 octobre. En Europe, des grèves et des manifestations ont éclaté, notamment en Grèce , en Belgique , en Italie , aux Pays-Bas et en France, contre l'austérité et le militarisme. Ce sont les signes d'une résurgence explosive de la lutte des classes à l'échelle mondiale.
Mais l'opposition spontanée ne suffit pas. Elle doit s’armer d’un programme politique conscient liant la lutte contre la guerre et la dictature à la lutte contre leur cause profonde: le système capitaliste même. Dans sa déclaration de 2016 «Le socialisme et la lutte contre la guerre», le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) a énoncé les principes qui acquièrent désormais une urgence absolue:
- La lutte contre la guerre doit se baser sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, ralliant à elle tous les éléments progressistes de la population.
- Le nouveau mouvement anti-guerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte pour mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.
- Le nouveau mouvement anti-guerre doit donc nécessairement être pleinement et sans équivoque indépendant et hostile vis-à-vis de tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.
- Le nouveau mouvement antiguerre doit surtout être international et mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme.
La tâche qui attend les travailleurs, les jeunes et les intellectuels d'Europe et du monde entier est claire: constituer des comités de la base indépendants sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier, fédérer leurs luttes au-delà des frontières et développer une direction révolutionnaire consciente dans la lutte pour le socialisme – les Partis de l'égalité socialiste en tant que sections du CIQI. Ce n'est qu'en renversant le système capitaliste et en le remplaçant par les États socialistes unis d'Europe, au sein d'une fédération mondiale socialiste – où les ressources de la planète seront utilisées rationnellement et démocratiquement pour les besoins humains, et non pour le profit – que l'humanité pourra éviter la catastrophe d'une guerre mondiale.
