Elon Musk, l'homme le plus riche du monde avec une fortune de 461 milliards de dollars, s'est vu attribuer par Tesla une rémunération de 1 000 milliards de dollars sur 10 ans, ce qui le met en position de devenir le premier trillionnaire du monde.
Cette décision porterait la rémunération annuelle de Musk à environ 50 millions de dollars de l'heure, soit 3 millions de fois plus que le salaire de départ dans une usine Tesla, qui est de 18 dollars de l'heure.
En 1987, on a crié au scandale lorsque le financier Michael R. Milken, le «roi des obligations à haut risque», ultérieurement condamné pour fraude boursière, avait perçu 500 millions de dollars en une seule année. Avec la rémunération salariale conclue par Musk, le PDG de Tesla touchera une somme quasi équivalente chaque jour.
Le fait que les actionnaires de Tesla aient approuvé le plan de rémunération sans précédent de Musk la semaine même où l'administration Trump réduisait drastiquement les dépenses d'aide alimentaire pour des dizaines de millions de gens, et alors que des millions de fonctionnaires ne touchaient plus de salaire en raison d'une paralysie du gouvernement, illustre de façon criante le fait que l'enrichissement de Musk et de ses pairs oligarques se fait à travers l’appauvrissement de la classe ouvrière et sa paupérisation.
Le plan de rémunération de Musk, qui surpasse de loin celui de tout autre PDG dans l'histoire mondiale, a été approuvé avec le soutien public de grandes institutions financières américaines, dont Charles Schwab Corporation et Morgan Stanley. Ce vote favorable à 75 pour cent laisse supposer qu'en coulisses, la plupart des principaux actionnaires de Tesla, notamment Vanguard Group, BlackRock et Goldman Sachs, l'ont également soutenu.
Leur intention est claire: établir une nouvelle norme pour la rémunération du patronat et, plus largement, de l’oligarchie financière. Musk, une fois couronné premier trillionnaire, ne sera que le premier d’une longue série, suivie par des multi-trillionnaires.
Pour que Musk obtienne cette somme, Tesla doit livrer 20 millions de véhicules, mettre en service 1 million de robotaxis, vendre 1 million de robots humanoïdes et faire passer sa valorisation de 1 500 milliards de dollars à 8 500 milliards de dollars. La seule façon d'atteindre ces objectifs sera d'accroître massivement l'exploitation de la classe ouvrière: directement dans les usines Tesla, mais aussi par la réduction drastique des dépenses sociales et l'injection des économies ainsi réalisées dans les marchés financiers.
Ainsi, l'octroi de la rémunération de Musk constitue, simultanément, une déclaration d'intention de la classe dirigeante d'appauvrir massivement la classe ouvrière par le biais de licenciements, d'austérité et de la destruction des services sociaux.
L'accroissement fulgurant de la fortune d'Elon Musk incarne le vaste enrichissement de l'élite financière américaine. Sa fortune, qui s'élevait à 33 milliards de dollars en mars 2020, a depuis atteint 469 milliards de dollars, soit une multiplication par 14. Durant cette même période, la fortune des dix personnes les plus riches des États-Unis a été multipliée par six.
La fortune de Musk repose sur une série de bulles financières, chacune plus importante que la précédente, et alimentées par des renflouements et des subventions gouvernementales. Tesla, principale source de la richesse de Musk, incarne cette frénésie spéculative. L'an dernier, Tesla n'a réalisé que 5 milliards de dollars de bénéfices, et ses ventes, son chiffre d'affaires et ses bénéfices mondiaux stagnent, voire diminuent. Malgré cela, le cours de son action a doublé depuis avril.
Avec une capitalisation boursière de près de 1 400 milliards de dollars, Tesla représente 90 pour cent de la valeur du marché automobile américain, alors qu'elle ne vend que 12 pour cent des véhicules produits aux États-Unis. Bien que sa capitalisation boursière soit 20 fois supérieure à celle de General Motors, elle ne vend qu'un quart du nombre de véhicules de cette dernière à l'échelle mondiale.
Dans la mesure où les investisseurs achètent et conservent des actions Tesla, c'est comme un instrument de spéculation: non pas parce qu'ils croient que l'entreprise vendra réellement plus de voitures à l'avenir, mais parce qu'ils pensent que la valeur de son action augmentera.
Mais c’est le cas de l’ensemble du marché boursier américain, qui est en pleine bulle spéculative sur les valeurs technologiques, dont les valorisations n’ont aucun lien avec l’impact social – aussi important soit-il – de l’intelligence artificielle et de la robotique.
Mais Tesla ne représente qu'une partie de la fortune de Musk. Ce dernier détient des parts importantes dans la société privée SpaceX, dont une grande partie des revenus provient directement du département de la Défense. Musk a été l'un des principaux bénéficiaires des guerres de l'impérialisme américain.
SpaceX est largement considérée comme la plus grande entreprise de défense du monde. Elle exploite Starshield, un réseau de près de 200 satellites utilisés par l'armée américaine et ses alliés, et que l'administration Trump s'efforce d'instrumentaliser à l’aide de missiles et d'armes à énergie dirigée.
SpaceX exploite également Starlink, le plus grand réseau internet par satellite au monde, qui a reçu des millions de dollars de contrats du Pentagone, notamment pour fournir un réseau aux troupes ukrainiennes, forces mandataires pour les États-Unis et l’OTAN.
La semaine dernière, le Wall Street Journal a rapporté que SpaceX était sur le point de recevoir un contrat de 2 milliards de dollars pour la construction de satellites de suivi de missiles dans le cadre du projet de défense antimissile «Golden Dome» de l'administration Trump.
En dernière analyse, la fortune de Musk est purement théorique, son lien avec l'activité économique réelle n'étant qu'une façade. Selon la définition classique d'une pyramide de Ponzi, elle est indiscernable d'une entreprise normale tant que ses entrées d'argent dépassent les sorties.
C’est cette réalité sociale qui explique les opinions politiques fascistes de Musk. C’est un criminel et un escroc, et son incitation au racisme et à la violence fasciste, sa promotion constante de propos antisémites à peine voilés, incarnée par son salut nazi lors de l’investiture de Donald Trump, expriment le caractère de l’oligarchie capitaliste dans son ensemble.
L’escalade de la conspiration de l'administration Trump pour instaurer une dictature présidentielle est l’expression des intérêts de cette oligarchie, qui mène une guerre contre la classe ouvrière en sabrant les dépenses sociales – une politique initiée par Musk quand il dirigeait le Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE) de Trump. Les principaux services sociaux visés sont tous les programmes de base, notamment Medicare, Medicaid et la sécurité sociale.
Cette attaque frontale contre les droits sociaux de la classe ouvrière s'accompagne d'une fusion toujours plus directe entre l'État, l'oligarchie et l'armée. Le président américain Donald Trump, lui-même milliardaire, a réuni les figures de proue de l'oligarchie financière américaine à son investiture. Lors d'une réunion à la Maison-Blanche début septembre, Trump et les oligarques – dont Bill Gates (Microsoft), Tim Cook (Apple), Sundar Pichai (Google) et d'autres – ont prêté allégeance, Trump déclarant son soutien à l'expansion de la bulle technologique tandis que les oligarques du secteur technologique louaient son administration.
La scène qui eut lieu à la Maison Blanche, suivie quelques semaines plus tard d’une réunion des mêmes oligarques avec Trump et la monarchie britannique au château de Windsor, soulignait l'observation faite par Vladimir I. Lénine dans son ouvrage de 1917, L'Impérialisme: «La différence entre la bourgeoisie impérialiste démocratique républicaine, d'une part, et réactionnaire monarchiste, d'autre part, s'efface précisément du fait que l'une et l'autre pourrissent sur pied.»
La détermination de l'oligarchie financière à défendre sa richesse, ses privilèges et son pouvoir en appauvrissant la classe ouvrière et en attaquant les droits démocratiques conduira inévitablement à la montée de la résistance de la classe ouvrière.
Mais cette résistance doit être armée d'une compréhension claire de ses objectifs. Il ne saurait y avoir de retour à un capitalisme «normal». Toute réduction du taux d'exploitation de la classe ouvrière entraînera l'éclatement total de la bulle financière et est donc absolument inadmissible pour la classe capitaliste. L'élite financière, et tout son vaste appareil de répression et de subversion, se battra bec et ongles pour défendre sa richesse et ses privilèges sociaux.
À la fin des années 1850, la société américaine était confrontée à ce que William Henry Seward appelait «un conflit irrépressible entre des forces opposées et persistantes», ce qui signifiait que les États-Unis devaient devenir «soit entièrement une nation esclavagiste, soit entièrement une nation de travailleurs libres».
Aujourd’hui, un «conflit irrépressible» similaire oppose le capital, déterminé à détruire les formes démocratiques de gouvernement, à une classe ouvrière qui représente la grande majorité de la société, aux États-Unis comme à l’international.
Ce conflit ne peut être résolu que par l'expropriation de l'oligarchie. Il faut confisquer les richesses accumulées par les milliardaires et transformer les grandes entreprises, les banques et les industries – celles qui déterminent les conditions de la vie sociale – en propriété publique et les placer sous contrôle ouvrier démocratique. Ce n'est qu'ainsi que les immenses capacités productives de la société moderne pourront être libérées de l'emprise parasitaire de la classe capitaliste et mises au service de l'abolition de la pauvreté, des inégalités et de la guerre.
Une telle transformation ne se réalisera pas par des appels moraux auprès des riches ni par des ajustements marginaux au sein de la société capitaliste. Elle exige l'intervention consciente et organisée de la classe ouvrière même – la construction d'un mouvement ouvrier de masse et indépendant dans chaque secteur économique, chaque ville et chaque pays. La classe ouvrière doit mobiliser sa force collective à l'échelle internationale.
La lutte contre les inégalités sociales, l'austérité et la dictature est, par nécessité, une lutte pour le socialisme – la réorganisation de la vie économique sur la base des besoins humains, et non du profit privé.
