Trump déclenche une guerre économique après le refus de la Colombie d’accepter les vols d’expulsion

Des migrants enchaînés sont embarqués dans un avion militaire, 24 janvier 2025. [Photo: White House Press Secretary Karoline Leavitt]

Le président Donald Trump a annoncé dimanche une série de représailles commerciales, financières et diplomatiques, à deux doigts d'une déclaration de guerre totale, après que le président colombien Gustavo Petro a bloqué deux vols d'expulsion américains transportant des migrants colombiens à bord d'avions militaires.

Dimanche matin, Gustavo Petro a annoncé sur X le rejet des vols d'expulsion, déclarant : « Les États-Unis doivent établir un protocole pour le traitement digne des migrants avant qu’on puisse les accueillir. »

La mesure a déclenché une vague de commentaires ignobles dans les milieux fascistes américains, menés par l'ancien représentant républicain Matt Gaetz, qui fut brièvement le candidat de Trump au poste de procureur général. « Ne nous emmerdez pas avec ça », a écrit Gaetz sur X. « Vous allez reprendre vos criminels de la manière douce ou de la manière dure », a-t-il ajouté, qualifiant les migrants de « merde ».

Dans l'après-midi, Trump a annoncé sur sa plateforme de médias sociaux Truth Social une série de « mesures de rétorsion décisives », affirmant que Petro avait mis en péril la sécurité nationale et la sécurité publique des États-Unis. Ces mesures comprennent des droits de douane d'urgence de 25 % sur les importations colombiennes, qui passeront à 50 % dans une semaine, une interdiction de voyager et des révocations de visas pour les fonctionnaires colombiens et leurs proches, alliés et partisans, ainsi que des sanctions financières au titre de la loi sur les pouvoirs économiques d'urgence internationaux (IEEPA).

« Ces mesures ne sont qu'un début », a ajouté Trump.

Les États-Unis étant de loin le principal destinataire des exportations colombiennes (plus de 25 % du total), ces mesures constituent une menace de dévastation pour la troisième économie d'Amérique du Sud. Dans le même temps, le fait de désigner la Colombie comme une menace pour la sécurité nationale, ce qui est également impliqué par l'IEEPA, constitue un avertissement de nature militaire.

En outre, la déclaration de Trump selon laquelle « le président socialiste de la Colombie » est « très impopulaire parmi son peuple » intervient alors que Petro a mis en garde depuis des mois contre un coup d'État visant à l'évincer de la part de l'opposition d'extrême droite et au sein de l'État. Pour le régime oligarchique dirigé par Trump, même les politiques sociales limitées de Petro et ses critiques verbales de la politique étrangère des États-Unis, dénonçant notamment la responsabilité des États-Unis dans le génocide à Gaza et le négationnisme de Trump en matière de changement climatique, sont intolérables.

Petro a répondu par un mélange de contre-représailles et d'adaptation : un droit de douane de 25 % sur les importations américaines, qui augmentera les prix ou privera totalement la Colombie d'innombrables importations nécessaires, et une proposition d'utiliser des « avions civils », y compris son propre jet présidentiel, pour rapatrier les migrants colombiens expulsés par l'administration Trump.

Le président colombien a également demandé à la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) et à son président, la présidente hondurienne Xiomara Castro, de convoquer une réunion d'urgence pour aborder la question des migrations et du trafic de stupéfiants. Castro est l'un des chefs d'État latino-américains les plus critiques à l'égard du programme de Trump, menaçant d'expulser l'armée américaine de sa base aérienne de Soto Cano et de se rapprocher de la Chine si Trump procède à des déportations massives de Honduriens.

Petro a écrit sur X : « Vous pouvez, avec votre force économique et votre arrogance, essayer d'organiser un coup d'État comme vous l'avez fait avec Allende. Mais je mourrai sous mon droit ; j'ai résisté à la torture et je vous résiste. » Petro, membre du mouvement de guérilla urbaine M-19 dans sa jeunesse, a été torturé pendant deux ans d'emprisonnement. Le président chilien Salvador Allende est mort lors d'un renversement militaire orchestré par la CIA en 1973.

Mais les représailles de Trump ne visent pas uniquement, ni même principalement, Petro. En ciblant le principal allié militaire des États-Unis en Amérique latine et le «partenaire mondial » de l'OTAN, le message est qu'aucune exception ne sera faite.

Le type de subordination exigé par le programme fasciste de Trump a été suggéré par un reportage de CBS News selon lequel le président fasciste Nayib Bukele prévoit de déclarer le Salvador « tiers pays sûr », ce qui permettrait aux États-Unis d'expulser les immigrants non salvadoriens là-bas, en bloquant leur droit de demander l'asile et en les mettant à la merci du régime de loi martiale de Bukele.

Trump envoie également un message à son voisin et principal partenaire commercial, le Mexique, alors que les médias américains rapportent que la présidente Claudia Sheinbaum a refusé l'autorisation d'atterrir à un avion militaire américain transportant des personnes expulsées jeudi.

La Maison-Blanche a déclaré que le Mexique avait accepté d'accueillir un nombre record de quatre vols d'expulsion jeudi, et un fonctionnaire du département d'État a déclaré que l'un d'entre eux s'était vu refuser l'accès à l'atterrissage en raison d'une «mauvaise communication ». Le gouvernement mexicain n'a pas confirmé ces vols ni le refus de l'un d'entre eux. Le lendemain, le gouvernement mexicain a promis de continuer à coopérer, alors même que la Maison-Blanche a déclaré que le Mexique avait accepté de mobiliser 30.000 soldats de la Garde nationale à la frontière pour superviser la politique « Restez au Mexique ».

Jeudi, trois vols d'expulsion sont arrivés au Guatemala, dont deux à bord d'avions militaires.

L'utilisation politique du refus de Petro d'autoriser les vols d'expulsion a de nombreuses implications. D'une part, Trump cherche à étayer son affirmation grotesque d'une « invasion » par des travailleurs migrants désarmés et appauvris: une affirmation sur laquelle il a fait reposer tout son édifice de décrets dictatoriaux contre les migrants et les droits démocratiques fondamentaux.

Dans son communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, Trump a affirmé que ces migrants avaient été « forcés d'entrer aux États-Unis » par l'administration Petro, suggérant ainsi une attaque d'un autre État sur le sol américain. Cependant, le nombre de migrants colombiens sans papiers vivant ou entrant aux États-Unis ne représente qu'une infime partie du total.

Plus fondamentalement, le soutien de Washington aux couches les plus fascistes de l'élite dirigeante colombienne est la principale cause de la diaspora colombienne dans l'histoire. Depuis les années 1960, on estime à 8,6 millions le nombre de personnes déplacées à l'intérieur et à l'extérieur du pays en raison des guerres contre-insurrectionnelles soutenues par les États-Unis contre toute opposition aux niveaux brutaux de pauvreté et d'inégalité dans le pays.

L'affirmation selon laquelle les migrants sont tous des criminels endurcis est par ailleurs réfutée par des statistiques montrant que les migrants sont moins susceptibles que les citoyens américains de commettre des crimes violents.

Le fait de placer la politique d'immigration entre les mains de l'armée et de faire atterrir les avions du Northern Command n'importe où et à volonté crée un dangereux précédent dans le cadre d'une stratégie d'intégration des opérations militaires, sous la forme d'une « guerre totale » contre des cibles à l'intérieur du pays, y compris les migrants et les opposants politiques, et dans tout l'hémisphère, sous le même prétexte frauduleux d'une « invasion ».

Conçu comme une étape nécessaire à l'escalade de la guerre contre la Chine, Trump a menacé de prendre le contrôle direct des ressources clés, des plateformes de main-d'œuvre bon marché, des territoires et des infrastructures dans l'« arrière-cour » de Washington, à commencer par le Groenland, le Canada, le canal de Panama et le golfe du Mexique. Il a également classé les cartels de la drogue mexicains et les gangs du Salvador et du Venezuela dans la catégorie des « organisations terroristes étrangères », afin de fournir un cadre pseudo-juridique pour justifier les opérations militaires américaines dans les pays où ces organisations opèrent.

Le recul de Petro, Sheinbaum, Castro et d'autres sur le traitement des travailleurs immigrés est motivé par les appréhensions d'une révulsion populaire massive contre les politiques de Trump et la peur de perdre le contrôle de cette opposition.

La brutalité de la campagne d'expulsion américaine a été démontrée au cours du week-end avec l'atterrissage d'urgence à Manaus d'un avion transportant des expulsés brésiliens qui se sont révoltés après avoir été maintenus sur le tarmac sans air conditionné. La police fédérale brésilienne est montée à bord de l'avion après que les immigrants expulsés ont réussi à ouvrir une porte de secours et à appeler à l'aide. Ils les ont trouvés menottés et les jambes enchaînées, se plaignant d'avoir été privés de nourriture et d'eau, d'avoir été battus et menacés de mort. Le gouvernement brésilien a refusé d'autoriser les autorités américaines à poursuivre le vol, dénonçant le «mépris flagrant » des droits des immigrants.

Cependant, les déportations massives, le tournant vers le fascisme et la menace d'une agression impérialiste ne peuvent être combattus que par un mouvement politique uni des travailleurs sur une base internationale et socialiste, et non par des gouvernements capitalistes, y compris ceux qui emploient une rhétorique nationaliste « de gauche ». Aucun gouvernement, y compris celui de Petro, ne tente de résister au déracinement cruel et antidémocratique des travailleurs migrants aux États-Unis.

La véritable attitude de classe des élites dirigeantes nationales représentées par ces gouvernements a été résumée par la ministre mexicaine de l'Intérieur, Rosa Icela Rodríguez, qui a déclaré sans ménagement : « Le rapatriement est une occasion de rentrer chez soi et de retrouver sa famille. » On estime à quatre millions le nombre de Mexicains sans papiers vivant aux États-Unis, contre environ 190.000 Colombiens.

(Article paru en anglais le 27 janvier 2025)

Loading